Question a la nul

Parodie de l’émission que « question à la une » à fait sur l’islam.

« Les musulmans donnent-ils une image d’eux-mêmes ? Et comment cette image serait-elle « donnée » ? Pourquoi ramener la diversité évidente des musulmans à une « religion » d’un seul bloc, identifiée de surcroît à un collectif potentiellement dangereux, puisqu’elle serait susceptible de « comportement agressif » ? L’identité des personnes supposées composer ce collectif peut-elle d’ailleurs se réduire à leur qualité de « musulman » ?

Et de quels « musulmans » parle-t-on au juste ?  Il est très difficile de discuter d’ « islam », un sujet encore mal connu, soumis à de multiples interprétations, à de multiples fantasmes. Il n’est pas non plus aisé de mener une analyse critique des médias – en particulier de la télévision – , lesquels nous permettent d’appréhender le monde, de comprendre la réalité qui nous entoure, et par là même de nous construire. Étudier les rapports entre les musulmans et la télévision exige de s’émanciper de la vision de l’islam que la télévision a contribué à nous transmettre. C’est donc un travail résolu de déconstruction. Qu’il faut entreprendre pour pouvoir ensuite construire le processus qui a abouti aux représentations actuelles. Il faut prendre de la distance avec ce que l’on a pu voir (et croire). Effacer les idées reçues pour entrevoir quelles idées nous ont été données.

Puisqu’il est souvent question d’amalgame quand on parle d’islam, clarifions d’emblée deux définitions de ce que peut vouloir dire « être musulman ». Une personne peut être musulmane parce qu’elle a intérieurement accepté ou choisi la religion musulmane comme foi : c’est ce qu’on pourrait appeler la définition strictement religieuse de l’identité musulmane. Mais elle peut l’être aussi parc qu’elle est assignée, de l’extérieur, à cette identité pour la simple raison qu’elle est originaire d’un milieu ou d’une région ou d’un pays à majorité musulmane : c’est ici la définition large, assise sur une conception ethnique ou culturelle. Cette distinction essentielle est au coeur des réflexions sur les mots et les images : elle sépare ce qu’il y a d’invisible de l’islam, la foi, de ce qui en a simplement les apparences. Ne pas la garder en mémoire serait se satisfaire d’un regard trop mécanique, se bornant à souligner des « différences » parfois bien illusoires.

Être ou ne pas être « musulman » n’est pas en fait la question essentielle. Il existe, on le sait, de multiple manière d’interpréter l’islam. Quelle interprétation faut-il considérer comme « valable » ou « authentique » ? Pourquoi, d’ailleurs, cherche-t-on systématiquement à déterminer le « vrai » ou le « bon » islam ? Deux questions qui nous amènent à cette remarque primordiale : l’islam n’est pas une religion centralisée avec une norme unique sur laquelle on puisse discuter et débattre. Sur les plateaux de télévision, par exemple, chacun y va de sa version en l’imposant souvent comme une évidence, ou, en la posant parfois comme une référence.

Nous préférons donc parler d’ « islam imaginaire ». Cela ne signifie pas que les versions de l’islam présentées à la télévision, soit plus « fausses » – ou plus que « vraies » – que d’autres. Mais que l’islam télévisé, faits de mots et d’images, est moins le reflet d’un hypothétique « islam réel » que le miroir d’imaginaires qui traversent la société. Des imaginaire qui se reproduisent et évoluent avec le temps et qui sont le produit de rapport de forces dans lesquels nous sommes impliqués, journalistes ou téléspectateurs, musulmans ou non. »

(Thomas DeltombeL’islam imaginaire)

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