Sur les femmes voilées

Port du voile : « Un patron a-t-il le droit de faire tous les choix ? » chat

La Belgique a été pointée du doigt pour discrimination des personnes voilées. Hajare Boujtat, citée par Amnesty, témoigne de son expérience : « L’employeur a encore le droit de faire un choix, je peux le concevoir. Mais peut-il faire tous les choix, au risque de faire preuve de discrimination ? » Elle a répondu à vos questions lors du chat de midi

Sur son histoire

« Je suis assistante sociale de formation et travaille dans l’insertion socioprofessionnelle. Je suis une femme engagée et citoyenne, et particulièrement investie sur les questions de discriminations faites aux femmes en général. Toutes les discriminations m’interpellent et si je témoigne aujourd’hui, c’est pour participer à ce processus de lutte contre les discriminations. »

Sur l’Islam à l’étranger et en Belgique

« Tout d’abord, je tiens à préciser qu’une musulmane se rendant dans un pays islamique n’est systématiquement obligée de porter le foulard, c’est là une idée reçue. D’autre part, nous vivons ici en Europe, en Belgique, et par conséquent les « réglementations » ou « mœurs » des autres pays ne nous concernent en rien. Personnellement, je vis et je suis née ici et mon Islam est un Islam de Belgique qui n’impose rien à celles et ceux qui vivent leur spiritualité autrement. J’aimerais que l’on cesse de nous renvoyer à des pays que nous ne connaissons pas, et dans lesquelles nous n’avons jamais été. »

« Voyez au Maroc par exemple, nombre de femmes ne sont pas voilées et cela ne pose absolument aucun problème. Certaines femmes sont même plus libérées que les femmes occidentales. Voyez simplement mon foulard comme une liberté d’expression, il n’est ni prosélyte, ni imposable à qui que ce soit. La liberté c’est cela aussi, permettre à chacun de se vêtir comme bon lui semble. »

« Par ailleurs, nous sommes en Belgique. Par conséquent, Riad, Téhéran ou Tombouctou ne nous concernent en rien dans la volonté que nous avons à créer un meilleur vivre-ensemble, ici, en Belgique. De plus, l’ensemble de ces pays ou régions côtoient en leur sein des communautés très diverses, et donc, je crois qu’il faut arrêter les préjugés. »

Sur la neutralité philosophique

« Qu’est-ce qu’être neutre sur le plan des convictions ? Une personne se revendiquant de la laïcité (philosophique) fait-elle preuve d’une totale impartialité ? C’est là un courant de pensée et une conviction au même titre que n’importe quelle religion. Le libre examen impose la liberté de conscience et le refus de se soumettre au dogme. Mais lorsque l’on impose la laïcité à tout prix, ne s’inscrit-on pas là dans un dogme ? Une femme qui ne porte pas le foulard se voit-elle moins neutre qu’une femme qui a décidé de le porter ?

« Chacun est animé par des convictions, qu’elles soient philosophiques ou politiques, et de ce fait vous ne pourrez jamais aspirer à une totale neutralité dans vos services. Je le répète l’interdiction vise à donner l’impression d’une neutralité, pas la neutralité. »

« En somme, vous ne pouvez pas espérer une neutralité totale. Partir du postulat qu’avec mon foulard, je ne serai pas neutre et que d’un coup de baguette, en retirant mon foulard, je regagnerai en neutralité, ça n’a pas de sens. Avec ou sans mon foulard je reste la même personne sur le plan de la conscience professionnelle. »

Sur la liberté des employeurs

« Que l’employeur ait encore le droit de faire des choix, je peux le concevoir. Mais je me pose la question de savoir si un patron a le droit de faire tous les choix, au risque de faire preuve de discrimination. Je trouve tout aussi discriminatoire qu’une personne habillée style punk se fasse refuser un emploi. Je comprends la nécessité pour un employeur d’imposer ou d’attendre que ses employés répondent à un code vestimentaire, mais il est tout à fait possible de porter un foulard et d’être présentable.

« Maintenant, si le refus de ce patron s’inscrit uniquement dans une perspective économique qui vise à ne pas effrayer un public ou que sais-je, là, ça me pose un problème. »

Sur les différences homme-femme dans l’Islam

« Sans vouloir rentrer dans le débat théologique, tant les hommes que les femmes ont des droits et des devoirs en Islam. Dans ce cadre, l’homme aussi est tenu d’observer un certain code vestimentaire, et il y a d’autres points de devoir auquel l’homme doit se conformer et la femme non. Je ne pense donc pas être davantage discriminée dans ma religion. Ou peut-être est-ce tout simplement parce que les femmes sont plus belles ? »

Sur les femmes voilées parce que contraintes

« Je trouve tout aussi discriminant d’interdire le foulard que de l’imposer, il faut pouvoir accepter qu’il puisse exister d’autres modèles d’émancipation. Mais l’argument qui prétend que la majorité des femmes qui portent le foulard le font par pression est faux. C’est un phénomène qui existe mais il reste très minoritaire. Je n’ai ni père, ni frère, ni mari qui puisse m’imposer de le porter ou même de le retirer, c’est un choix personnel et réfléchi et un droit avant tout. »

« Je connais des belgo-belges vivant dans des quartiers huppés, qui interdisent à leur fille d’aller à une fête d’anniversaire. C’est une question d’éducation propre à chaque foyer. Stoppons les amalgames et sortons de nos préjugés simplistes qui appartiennent à des temps révolus. Nous vivons une ère d’ouverture, d’interculturalisme. Il faut pouvoir évoluer avec ce temps et accepter la différence des autres même si elles contredisent nos valeurs profondes qui se sont fondées sur la peur et la méconnaissance de l’autre. »

Sur la différence entre burka et foulard

« Le foulard ne cache pas le visage. Il est d’ailleurs permis sur la photo d’identité d’être avec son foulard, donc si la logique est d’être reconnue et si c’est là le seul problème, le voilà résolu. »

Sur les femmes occidentales qui portent le voile

« Je ne crois pas que ce soit tant l’origine ou la confession d’origine qui est problématique, c’est davantage la visibilité du signe qui gêne. Donc je crois que même une belgo-belge musulmane subit des discriminations à cet égard. »

Sur l’enfance face à la religion

« Je pense qu’effectivement à cet âge-là (cinq ans), il est indispensable d’aborder la question avec beaucoup de pédagogie, et par conséquent, il convient sans pour autant faire de prosélytisme, d’expliquer brièvement qu’il existe différentes cultures et religions et que celles-ci ont des codes vestimentaires et des pratiques diverses. Je pense notamment au jeûne du mois de ramadan, un enfant de cinq ans est tout à fait à même de comprendre ce que cela représente et donc je crois qu’il est possible d’expliquer cela brièvement et simplement sans pour autant tomber dans le débat théologique ou dans la caricature. »

Et le mot de la fin

« Merci à tous pour vos contributions et désolé pour ceux à qui je n’ai pas pu répondre, le temps ne nous l’ayant malheureusement pas permis. Je salue ce type d’initiative qui vise à débattre et tenter de comprendre l’autre. J’invite tout le monde à aller vers l’autre pour le comprendre et à ne pas se cantonner à ce que disent les médias. L’identité de notre pays est appelée à évoluer au même titre que toute identité, rien n’est destiné à être figé. Par conséquent, je pense qu’il est important de cesser de vivre dans le passé et qu’il importe d’accepter le fait que notre pays dispose d’un paysage culturel riche et divers. Et c’est ce patrimoine qu’il faut conserver et continuer à faire évoluer. »

Jérémie Degives (St.)

Rédaction en ligne

Source


Amnesty dénonce les discriminations à l’encontre des musulmans en Europe.

Les musulmans victimes de discrimination
parce qu’ils expriment leur foi
PDF - 635 ko
mardi 24 avril 2012, par Brian May

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les gouvernements européens doivent se mobiliser davantage pour combattre les stéréotypes et préjugés négatifs contre les musulmans, qui nourrissent les discriminations en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.

Les gouvernements européens doivent se mobiliser davantage pour combattre les stéréotypes et préjugés négatifs contre les musulmans, qui nourrissent les discriminations en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, indique un rapport rendu public par Amnesty.

Le rapport : «  Choice and prejudice : discrimination against Muslims in Europe  » examine en quoi la discrimination fondée sur la religion ou les convictions affecte divers aspects de la vie des musulmans, notamment l’emploi et l’éducation.
Il s’attache en particulier à la situation en Belgique, en Espagne, en France, aux Pays-Bas et en Suisse, pays dans lesquels Amnesty International a déjà fait part de ses préoccupations sur un certain nombre de sujets, comme la création de lieux de culte et l’interdiction du voile intégral.

 Le port de signes et de vêtements religieux ou culturels fait partie du droit à la liberté d’expression

Le port de signes et de vêtements religieux ou culturels fait partie du droit à la liberté d’expression, et du droit à la liberté de religion ou de conviction. Au cours des 10 dernières années, dans de nombreux pays dont l’Espagne, la France, la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas, des interdictions du port du voile ou d’autres vêtements religieux et traditionnels à l’école ont été prononcées.
Toute restriction au port de symboles et vêtements culturels ou religieux à l’école doit être fondée sur une évaluation au cas par cas, a précisé Marco Perolini. Les mesures d’interdiction totale risquent de compromettre l’accès à l’éducation des jeunes filles musulmanes et de porter atteinte à leur droit à la liberté d’expression et leur droit d’exprimer leurs convictions.

 La législation de l’UE interdisant la discrimination fondée sur la religion ou les convictions dans le domaine de l’emploi semble inefficace dans toute l’Europe

Le rapport met également en évidence le fait que la législation interdisant la discrimination dans l’emploi n’est pas correctement appliquée en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Certains employeurs ont pu s’affranchir de l’obligation de l’égalité de traitement en invoquant le motif que tel ou tel symbole culturel ou religieux allait déplaire aux clients ou aux autres membres du personnel, ou qu’il était incompatible avec l’image de l’entreprise ou allait à l’encontre de sa « neutralité ».
Ceci est absolument contraire à la législation de l’Union européenne (UE) en matière de lutte contre la discrimination, qui n’autorise des différences de traitement dans le domaine de l’emploi que lorsque la nature spécifique de l’emploi l’exige.

 Le droit de créer des lieux de culte fait l’objet de restrictions dans certains pays européens

Composante essentielle du droit à la liberté d’expression ou de conviction, le droit de créer des lieux de culte fait l’objet de restrictions dans certains pays européens, bien que les États aient l’obligation de protéger, respecter et mettre en œuvre ce droit.
En Suisse, les musulmans sont visés spécifiquement depuis l’inscription dans la Constitution en 2010 de l’interdiction de la construction de minarets, une initiative qui a introduit dans la loi fondamentale les stéréotypes anti-musulmans et viole les obligations internationales de l’État helvétique.

En Catalogne (Espagne), les musulmans sont contraints de prier dans des espaces extérieurs parce que les salles de prière sont trop petites pour accueillir tous les fidèles et que les demandes de construction de mosquées se heurtent à la polémique – certains jugeant ces demandes incompatibles avec les traditions et la culture catalanes. Ceci porte atteinte à la liberté de religion, qui comprend le droit d’exercer le culte collectivement dans un endroit approprié.

Dans de nombreux pays européens prévaut l’idée que l’on veut bien accepter l’islam et les musulmans tant qu’ils ne sont pas trop visibles. Cette attitude est à l’origine de violations des droits humains. Il faut la combattre.

Documents joints

Amnesty dénonce les discriminations
envers les musulmans en Europe
Dans un rapport publié ce mardi, Amnesty International dénonce les discriminations dont sont victimes les musulmans en Europe. Deux jours après le résultat historique de l’extrême droite en France, Amnesty pointe du doigt l’exploitation politique des préjugés.
© Image Globe
Licenciés à cause de leurs barbes, exclues des classes pour ports du foulard, prières de rues par manque de lieux de culte… Amnesty International a dénoncé ce mardi dans un rapport les « discriminations » envers les musulmans dans des pays européens comme la France et la Belgique, et l’exploitation politique des « préjugés ».
Dans son rapport qui se concentre sur la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse, Amnesty International appelle les gouvernements européens « à faire plus pour s’en prendre aux stéréotypes négatifs (…) contre les musulmans, qui attisent les discriminations, essentiellement dans l’éducation et le monde du travail ».
« Plutôt que de riposter à ces préjugés, les partis politiques » les « encouragent bassement dans leur quête de voix électorales », a estimé Marco Perolini d’Amnesty.
Symboles religieux ou culturels
« Des femmes musulmanes se voient refuser des emplois et des jeunes filles sont empêchées d’aller en classe simplement parce qu’elles portent des vêtements traditionnels comme le foulard », a-t-il relevé. « Des hommes peuvent être licenciés pour porter des barbes associées à l’islam. »
En France, en Belgique et aux Pays-Bas, les employeurs sont autorisés, en violation de la législation européenne, à discriminer des musulmans sous prétexte que « les symboles religieux ou culturels agaceront les clients ou les collègues », note l’organisation de défense des droits de l’Homme.
La législation européenne en la matière « semble être inefficace (…), car nous observons un taux plus élevé de chômage parmi les musulmans, en particulier chez les musulmanes d’origine étrangère », poursuit Marco Perolini.
« L’interdiction n’est pas la bonne approche »
Dans son rapport intitulé « Choix et préjudice: les discriminations contre les musulmans en Europe » et publié deux jours après le résultat historique de l’extrême droite en France, Amnesty insiste sur le fait que « porter des symboles ou des vêtements religieux ou culturels fait partie du droit de liberté d’expression ».
« L’interdiction de porter des vêtements (…) n’est pas la bonne approche », estime l’organisation. »Une interdiction générale risque de porter préjudice à l’accès des filles à l’éducation et de violer leur droit de liberté d’expression », poursuit Amnesty.
L’organisation dénonce aussi l’accès limité fait aux musulmans pour prier, notamment en Suisse où la population a voté en 2009 contre la construction de nouveaux minarets, et en Catalogne (est de l’Espagne) où certains doivent prier dehors faute de lieux de prière adéquats.
Le Vif.be, avec Belga

source : levif.be, le 24 avril 2012

Dans un rapport publié ce mardi, Amnesty International dénonce les discriminations dont sont victimes les musulmans en Europe. Deux jours après le résultat historique de l’extrême droite en France, Amnesty pointe du doigt l’exploitation politique des préjugés.

© Image Globe

Licenciés à cause de leurs barbes, exclues des classes pour ports du foulard, prières de rues par manque de lieux de culte… Amnesty International a dénoncé ce mardi dans un rapport les « discriminations » envers les musulmans dans des pays européens comme la France et la Belgique, et l’exploitation politique des « préjugés ».

Dans son rapport qui se concentre sur la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse, Amnesty International appelle les gouvernements européens « à faire plus pour s’en prendre aux stéréotypes négatifs (…) contre les musulmans, qui attisent les discriminations, essentiellement dans l’éducation et le monde du travail ».

« Plutôt que de riposter à ces préjugés, les partis politiques » les « encouragent bassement dans leur quête de voix électorales », a estimé Marco Perolini d’Amnesty.

Symboles religieux ou culturels

« Des femmes musulmanes se voient refuser des emplois et des jeunes filles sont empêchées d’aller en classe simplement parce qu’elles portent des vêtements traditionnels comme le foulard », a-t-il relevé. « Des hommes peuvent être licenciés pour porter des barbes associées à l’islam. »

En France, en Belgique et aux Pays-Bas, les employeurs sont autorisés, en violation de la législation européenne, à discriminer des musulmans sous prétexte que « les symboles religieux ou culturels agaceront les clients ou les collègues », note l’organisation de défense des droits de l’Homme.

La législation européenne en la matière « semble être inefficace (…), car nous observons un taux plus élevé de chômage parmi les musulmans, en particulier chez les musulmanes d’origine étrangère », poursuit Marco Perolini.

« L’interdiction n’est pas la bonne approche »

Dans son rapport intitulé « Choix et préjudice: les discriminations contre les musulmans en Europe » et publié deux jours après le résultat historique de l’extrême droite en France, Amnesty insiste sur le fait que « porter des symboles ou des vêtements religieux ou culturels fait partie du droit de liberté d’expression ».

« L’interdiction de porter des vêtements (…) n’est pas la bonne approche », estime l’organisation. »Une interdiction générale risque de porter préjudice à l’accès des filles à l’éducation et de violer leur droit de liberté d’expression », poursuit Amnesty.

L’organisation dénonce aussi l’accès limité fait aux musulmans pour prier, notamment en Suisse où la population a voté en 2009 contre la construction de nouveaux minarets, et en Catalogne (est de l’Espagne) où certains doivent prier dehors faute de lieux de prière adéquats.

Le Vif.be, avec Belga

 
Le rapport d’Amnesty International renforce la position de Justice and Democracy

COMMUNIQUE DE PRESSE

Ce mardi 24 avril 2012, l’organisation Amnesty International a rendu public un rapport intitulé “Choix et préjugés – La discrimination à l’égard des musulmans en Europe”.

Ce rapport met en évidence les nombreuses discriminations subies par les citoyens et citoyennes de confession musulmane en Europe, dans des secteurs aussi divers que l’enseignement, l’emploi et la fonction publique. La Belgique y est particulièrement visée.

Parmi les mesures jugées discriminatoires et attentatoires aux droits fondamentaux par Amnesty International, il y a les législations interdisant de façon générale et absolue le port du voile intégral dans l’espace public. Justice and Democracy (J&D) asbl souhaite rappeler à cet égard qu’elle a introduit, le 14 novembre 2011, un recours en annulation, actuellement pendant, contre la loi belge du 1er juin 2011 « visant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage » ou loi “anti-voile intégral” auprès de la Cour constitutionnelle.

Sur la même question, nous souhaitons attirer l’attention sur l’existence d’une proposition juridique rendue publique, le 25 mars 2010, par le groupe de travail neutralite.be. Cette proposition de circulaire, privilégiant la régulation à l’interdiction, est de nature à assurer l’équilibre entre l’exigence de sécurité publique et le respect de la liberté individuelle.

Justice and Democracy asbl

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