Pour dénoncer « l’impunité » liée aux « crimes industriels »,
une chercheuse refuse sa Légion d’honneur
le Dimanche 5 Août 2012 à 08:27Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche honoraire à l’Inserm, figurait sur la liste des trente promus sélectionnés par Cécile Duflot, la ministre du Logement. Elle lui a écrit hier pour refuser sa Légion d’honneur.Un geste destiné à attirer l’attention sur « l’impunité qui, jusqu’à ce jour, protège les responsables de crimes industriels ».
Annie Thébaud-Mony © A.T-M
»Ma démarche se veut un appel à la mobilisation citoyenne, mais aussi parlementaire et gouvernementale, pour le respect des droits fondamentaux à la vie, à la santé, à la dignité. Nous voulons être pris au sérieux lorsque nous donnons à voir cette dégradation des conditions de travail, le drame des accidents du travail et maladies professionnelles, mais aussi l’accumulation des impasses environnementales, en matière d’amiante, de pesticides, de déchets nucléaires et chimiques... »
Spécialiste des cancers professionnels, et porte-parole de Ban Asbestos France, une association de lutte contre l’amiante, Annie Thébaud-Mony évoque également « la sous-traitance et le transfert des risques vers des populations très précarisées (maintenance, nettoyages, gestion des déchets) » .
La chercheuse dont la carrière a été « bloquée pendant dix ans« , plaide enfin pour que la recherche sur l’exposition aux cancérogènes au travail soit dotée des moyens financiers publics nécessaires et que les jeunes chercheurs qui s’y adonnent cessent d’être maintenus dans un statut précaire.
Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé, refuse la légion d’honneur
La sociologue de la santé, spécialiste des cancers professionnels, Annie Thébaud-Mony a refusé la Légion d’honneur décernée par la ministre du Logement Cécile Duflot pour dénoncer l’indifférence qui entoure les questions liées à la santé au travail et les crimes industriels.
Annie Thébaud-Mony est directrice de recherche honoraire à l’Inserm, présidente de l’Association Henri Pézerat (santé, travail, environnement) et porte-parole de Ban Asbestos France.
Dans une lettre adressée à la ministre, transmise à la presse le 4 août, elle appelle à agir pour « la remise en cause de l’impunité qui jusqu’à ce jour protège les responsables de crimes industriels
« . Elle déplore que la crise économique occulte la dégradation des conditions de travail ainsi que « l’accumulation des impasses environnementales, en matière d’amiante, de pesticides, de déchets nucléaires et chimique
« .
« Cessons les vraies fausses controverses sur les faibles doses. Des politiques publiques doivent devenir le rempart à la mise en danger délibérée d’autrui, y compris en matière pénale
« , écrit-elle.
Annie Thébaud-Mony a notamment publié « L’industrie nucléaire : sous-traitance et servitude
» (2000) et « Travailler peut nuire gravement à votre santé. Sous-traitance des risques, Mise en danger d’autrui, Atteintes à la dignité, Violences physiques et morales, Cancers professionnels
» (2007) pour lequel elle a reçu le Prix de la revue Prescrire et de l’Association des journalistes de la presse médicale. Voyez le compte-rendu de Igor Martinache dans Lectures
Les travaux scientifiques de la chercheuse, indiquait la revue Santé et Travail en avril dernier, « ont toujours poursuivi un double objectif : mettre en visibilité les atteintes à la santé dues au travail et aider les victimes à obtenir réparation
« .
Interview : Sous-traitance nucléaire : vers « une relation de maître à esclave » ? (par Basta!) (La sous-traitance a notamment pour fonction de ventiler les doses de radioactivité reçues par le personnel. Certains travailleurs sous-traitants, pour ne pas perdre leur emploi, laissent leur dosimètre en zone protégée…). L’association Ban Asbestos France dont la chercheuse est porte-parole dénonce aussi « la sous-traitance et le transfert des risques vers des populations très précarisées (maintenance, nettoyages, gestion des déchets)
« .
Page de la chercheuse (École des hautes études en sciences sociales)