Rassemblement pour les détenus belgo-marocains dans les prisons marocaines

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Premier rassemblement à Bruxelles du Comité des familles des détenus européens au Maroc, par Luk Vervaet
A l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme, une soixante de membres de famille et amis des détenus belgo-marocains dans les prisons marocaines, se sont réunis autour du Monument à l’honneur de l’immigration marocaine le 9 décembre à Bruxelles. Ils ont ainsi donné une toute autre dimension à cette journée, hors des belles paroles et des déclarations dont on a l’habitude.
Dans des témoignages émouvants et avec des photos et banderoles, des soeurs, des mamans, des grand-mères et des enfants des détenus ont attiré l’attention des passants sur la situation dramatique de leurs proches dans les prisons marocaines.
Elles ont dénoncé l’attitude de la Belgique, qui refuse toute aide sous quelle forme que ce soit, aux détenus et à leurs familles au nom de la « double nationalité » belgo-marocaine. La Belgique s’est ainsi rendue complice dans le mauvais traitement de ces détenus, allant jusqu’à leur torture.
En français, en néerlandais et en arabe, les familles ont annoncé qu’elles ne lâcheraient pas la lutte tant que leurs proches ne soient pas bien traîtés dans les prisons marocaines, tant qu’ils ne soient pas mis sous la protection de la Belgique, tant qu’ils ne soient pas transférés vers la Belgique s’ils le demandent, tant qu’ils ne soient pas libérés au cas où ils ont été torturé.
A l’exemple des mamans des enfants disparus en Belgique dans les années nonante, à l’exemple des Mères en noir en Argentine à la recherche de leurs fils et filles disparus et torturés, les familles se donneront rendez-vous chaque premier dimanche du mois de 12 à 14 heures autour du Monument La Pasionaria. Le prochain rendez-vous est fixé pour le dimanche 6 janvier 2013. Dans la crise économique actuelle, dans une situation de surpopulation carcérale au Maroc et en Belgique, dans un climat islamophobe… les familles se réalisent que leur combat sera des plus difficiles. Mais malgré les difficultés, elles ont bien l’intention de ne pas lâcher.
Pourquoi les familles ont-elles choisi la date de la journée mondiale des droits de l’homme pour démarrer leur action ?
D’abord, parce que la déclaration des droits de l’homme, vieille de 64 ans, a formulé les droits fondamentaux des personnes, suite à l’horreur de la deuxième guerre mondiale et suite aux abus et aux atrocités commis par les polices et les tribunaux des dictatures.
Les droits et les libertés formulés dans la déclaration des droits de l’homme sont universels. Ils passent avant toute autre considération. Ils ont été formulés pour les personnes, qui ne disposent pas de ces droits, et ne pas pour ceux qui en disposent déjà. C’est à dire, ils servent à protéger les exclus de la société, les diabolisés, ceux qu’on a rendu invisible, ceux à qui on a enlevé leur humanité, ceux qui, aujourd’hui, sont inculpés ou condamnés en tant que « suspect terroriste » ou « grand criminel ».
La déclaration des droits de l’homme est un message clair à tous ceux qui appliquent la sélectivité dans la défense des droits fondamentaux d’une personne, et qui le font dépendre de sa nationalité, des faits commis, de son idéologie ou de sa religion.
La déclaration des droits de l’homme est la condition primordiale pour que tout détenu ait droit à un procès équitable et juste.
Et deuxièmement, il y a une règle fondamentale de protection qui sort de cette déclaration des droits de l’homme.
Tous les aveux obtenus par la maltraitance des inculpés ou sous la torture ne peuvent être utilisés pour les juger. Quand l’état, ses fonctionnaires, sa police violent les droits fondamentaux des personnes, il s’en suit que toute poursuite judiciaire, tout procès et toute condamnation doivent être annulés et les inculpés doivent être libérés. Cette règle, qui peut même faire libérer des « vrais coupables », nous protège précisément contre l’abus et l’arbitraire au niveau de l’état ou de la police. Ces abus deviendraient très vite systématique si on laissait de tels abus sans conséquence radicale. Comme c’est la cas aujourd’hui au Maroc. Où la torture et la maltraitance des détenus passent sans être sanctionnés et font d’or et déjà déjà partie du système.
Les pratiques de la police (secrète) ou la situation dans les prisons marocaines sont en flagrante contradiction avec la déclaration des droits de l’homme.
La situation au sein des prisons y est tout simplement infernale. Le système judiciaire marocain est dans une crise totale. Un dernier exemple : au lieu de 4000 détenus dans une prison à Casablanca, il y en a maintenant pas moins de 16000 détenus. Il y a un taux de récidive de presque 90%. Les responsables de cette politique s’en lavent les mains. Tout le monde se renvoit la balle. Cette situation a, encore une fois, été décrite en long et en large dans différents rapports récents comme celui de Juan Mendez, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, et dans le rapport du CNDH, organe des droits de l’homme instauré par le Roi Mohamed VI lui-même.
La Belgique a systématiquement nié cette situation et elle continue à le faire jusqu’à aujourd’hui. Depuis des années les familles des détenus belgo-marocains au Maroc doivent entendre de la bouche des fonctionnaires de notre Ministère des affaires étrangères qu’ils n’ont « jamais entendu parler de torture au Maroc ». Depuis le premier mai 2011, elle renvoit comme si ne rien était, sous la pression de l’extrême droite et pour plaire à l’opinion publique, les quelques dizaines de détenus ayant la nationalité marocaine contre leur gré vers l’enfer décrit dans les rapports ci-mentionnés.
En donnant des dossiers judiciaires aux autorités marocaines, en refusant toute aide ou toute intervention en faveur des détenus belgo-marocains au Maroc, la Belgique, tout en se vantant d’être un modèle des droits de l’homme, a été complice à leur condamnation, à leur traitement inhumain et dégradant et à la torture des détenus belgo-marocains au Maroc. Elle rend l’impunité possible.
Voici les questions auxquelles les familles veulent une réponse de la part du Ministère des affaires étrangères et de la justice en Belgique :
Comment justifier qu’un Belgo-Marocain ne peut pas jouir de la même assistance qu’un Belgo-Belge ? Pourquoi nous refuse-t-on les visites consulaires dans les prisons pour les membres de nos familles pour se vérifier de leur état de santé physique et morale ? Visites, qui pourraient apaiser les inquiétudes des familles qui sont loin de leurs proches, qui aujourd’hui ne sont informées par personne, qui ne savent pas à qui s’adresser dans un pays qu’ils ne connaissent souvent pas.
Une intervention de la Belgique ne pourrait-elle pas obliger le Maroc à prendre obligatoirement les mesures nécessaires au niveau de la santé, de l’hygiène, de la nourriture, de la surpopulation, ce qui pourrait avoir un effet bénéfique pour tous les détenus ?
Pourquoi la Belgique maintient-elle sa coopération judiciaire avec le Maroc ?
Comment la Belgique justifie-t-elle qu’on enlève la nationalité belge à certains de nos proches, ce qui les expose d’avantage aux abus de la part du système judiciaire marocain ? Comment justifie-t-elle le tranfert des prisonniers marocains en Belgique vers le Maroc ? Pourquoi, contrairement aux tranferts des détenus marocains de la Belgique vers le Maroc, les demandes de transfert de nos proches vers la Belgique restent-elles lettre morte ?
L’abandon par l’Union européenne des citoyens, disposant de la double nationalité, est une politique commune de tous les pays européens. Mais la Belgique dépasse les autres pays. Pourquoi un détenu belgo-marocain n’a-t-il pas droit à un avocat belge, comme c’est bien le cas pour les détenus français-marocains, qui ont droit à un avocat français ? Pourquoi les détenus belgo-marocains ne reçoivent-ils pas un minimum de soutien financier de l’état, sans lequel il est impossible de survivre dans ces prisons, comme cela se fait par exemple par l’Espagne pour les détenus hispano-marocains ?
Le Comité des familles des détenus européens au Maroc continuera sa lutte jusqu’à ce que les familles reçoivent une réponse à ces questions, digne de la Déclaration des droits de l’homme.
 
 
 
 
La Fondation Alkarama (octobre 2012)
sur deux Belges, détenus aux Maroc : Ali Aarrass et Hicham Bouhali Zriouil.
La Fondation Alkarama (octobre 2012) sur deux Belges, détenus aux Maroc : Ali Aarrass et Hicham Bouhali Zriouil.

 

Sur le Belge Ali Aarrass

 

« Le cas de M. Ali Aarrass, citoyen Belge d’origine marocaine, bien que déjà cité dans le rapport alternatif soumis au Comité, nous semble particulièrement éloquent sur l’absence de sérieux dans les enquêtes relatives aux allégations de tortures à la lumière des derniers éléments relatifs à l’expertise médicale qu’il a subi.

Rappelons qu’il a été arrêté à Algésiras, en Espagne le 1er avril 2008 et placé en détention, avant d’être extradé vers le Maroc 14 décembre 2010, malgré la demande expresse du Comité des droits de l’homme de ne pas l’extrader, en raison des risques de torture qu’il encourrait au Maroc. Dès son arrivé au Maroc, il a été détenu au secret pendant plus de dix jours, sauvagement torturé et contraint de signer des aveux, en arabe, langue qu’il ne lit pas. C’est sur la base de ces aveux obtenus sous la torture qu’il a été condamné le 24 novembre 2011 à 15 années d’emprisonnement ferme.

A la suite de sa saisine du Comité contre la Torture, M. Aarrass a fait l’objet d’une expertise médicale pour vérifier ses allégations, ce qui n’est que très rarement le cas pour les nombreux autres détenus condamnés sur la base d’aveux sous la torture et pour lesquels les juges ne prêtent aucune attention à leurs allégations.

Cet examen mené par 3 médecins désignés par le Procureur général près la Cour de Rabat, et qui a conclu à l’absence « de traces pouvant être en rapport avec des actes de torture allégués », a été analysée par un médecin indépendant de l’association IRCT (International Rehabilitation Council for Torture Victims), qui en a relevé les nombreuses failles.

Il souligne que ce rapport médico-légal est « bien en deçà des normes internationalement admises pour l’examen médical des victimes de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels qu’il sont définis par le Protocole d’Istanbul ».

Il précise notamment que le rapport médico-légal très bref, « ne fournit presque aucun détail sur les examens effectués, et une description très partielle des résultats de ces examens.[…] Aucune tentative n’est faite dans le rapport pour corréler, ou non, les résultats de l’examen physique avec les allégations de torture, ni d’ailleurs avec des antécédents de traumatisme. […] Il n’apparait nulle part que M. Aarrass ait consenti à cet l’examen, ni dans quelles conditions ce dernier s’est déroulé (durée de l’examen, autres personnes présentes, détenu menotté ou non etc). […] Il relève l’absence de diagrammes du corps d’appui et de photographies annexées au rapport qui indiqueraient plus précisément la position anatomique et la nature des marques indiquées[…].

Le rapport médical ne fait aucune mention d’une évaluation psychologique ou psychiatrique, en dépit des problèmes de concentration, la peur et le stress excessif décrits par la victime. Il s’agit d’une omission importante de l’évaluation et du rapport, qui démontre que l’examen n’est pas conforme aux normes internationales pour l’évaluation des allégations de torture».

On peut ainsi légitimement s’interroger sur l’indépendance des médecins désignés par les autorités de l’Etat partie pour effectuer des expertises médicales et pour enquêter sur les allégations de tortures comme dans le cas de M. Bouchta Charef, cité en exemple par les autorités marocaines dans ses réponses aux recommandations finales du CAT.

Il convient de rappeler qu’après la publication de la vidéo relative à M. Bouchta Charef postée le 19 avril 2011 sur Youtube, dans laquelle il témoigne des tortures subies lors de sa détention au secret à Témara et notamment d’avoir été violé par ses geôliers au moyen d’une bouteille, et de son appel à des associations médicales indépendantes à venir constater les violations subies par les détenus dans les prisons marocaines, les autorités du pays on accordé une attention particulière à cette affaire fortement médiatisée.

L’expertise en question avait été réalisée par des médecins choisis par l’administration pénitentiaire en présence d’agents des services de sécurité. M. Charef a fait savoir qu’il avait vécu cet examen médical comme une humiliation supplémentaire et a contesté les conclusions des experts en continuant à revendiquer le droit d’être examiné par des médecins indépendants pour vérifier ses allégations.

Ainsi, la dénonciation publique de la torture par le ministre de la Justice laissait espérer des mesures concrètes pour mettre un terme définitif à cette pratique à commencer par des enquêtes sérieuses et indépendantes sur les allégations de tortures et la poursuite des auteurs.

Or, tous les cas cités ci-dessus illustrent que les interventions des autorités marocaines dans les affaires les plus médiatisées et les expertises menés par des médecins choisis par les autorités sont insuffisantes. Ces médecins mènent des examens en toute hâte et en présence de membres des services de sécurité. Ces conditions ne sont pas conformes au Protocole d’Istanbul relatif aux standards internationaux d’enquête sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Quant aux médecins légistes indépendants, proposés par les associations pour mener des expertises médicales pour les détenus qui ont affirmé avoir été torturés, ils sont systématiquement refusés par l’administration pénitentiaire, qui reste nous le rappelons, placée sous l’autorité directe du Palais royal et non du ministère de la justice ». (page 7)

 

Sur le Belge Hicham Bouhali Zriouil

 

« Malgré ces recommandations, la loi anti-terroriste 03-03 reste toujours en vigueur dans sa forme initiale. Elle n’a pas été révisée tant pour la question relative à la définition même du terrorisme que pour celle des délais de garde à vue et des garanties fondamentales des prévenus.

Ainsi, la même définition vague et extensive du terrorisme reste applicable ainsi que le fait que la faculté de poursuivre des personnes pour les délits d’apologie et d’incitation au terrorisme, définis d’une manière particulièrement vague et sans que les faits poursuivis ne comportent nécessairement un risque concret d’action violente.

De nombreuses personnes restent à ce jour détenues après avoir été condamnées en vertu de cette loi. D’autres sont, encore aujourd’hui, arrêtées ou extradées sous l’emprise de cette loi, y compris pour des motifs politiques.

C’est ainsi que M. Hicham Bouhaili Zriouil, citoyen Belge d’origine marocaine, accusé de terrorisme et arrêté en Syrie le 25 juillet 2011, a été extradé vers le Maroc le 11 octobre 2011, par la force et pour des motifs inconnus, alors que la Belgique, pays dont il est ressortissant, avait émis un mandat d’arrêt international contre lui.

A son arrivé au Maroc, M. Bouhaili Zriouil a été détenu au secret et interrogé pendant plus d’une semaine par les services de sécurité et contraint de témoigner contre lui-même sous la contrainte.

Il a été accusé de « formation d’un groupe terroriste en vue de commettre des actes terroristes et l’agression intentionnelle de la vie d’autrui et à leur sécurité » , d’« atteinte à la sûreté nationale », d’« incitation à l’intimidation et à la violence » et d’« incitation d’autrui à commettre des crimes terroristes », et, bien qu’il ait formellement nié toutes ces accusations il a été condamné à vingt années d’emprisonnement ferme par la cour criminelle de Rabat, le 23 février 2012, le juge, s’étant basé pour justifier cette condamnation exclusivement sur les procès verbaux d’enquête préliminaire établis par les services de sécurité marocains et sur les procès verbaux d’audition de M. Zriouil établis au cours de sa garde à vue durant laquelle il a subi menaces et traitements cruels, inhumains et dégradants. Comme dans la grande majorité des affaires de terrorisme, aucune preuve ni aucun élément matériels n’ont été produits par l’accusation pouvant justifier la condamnation ». (Page 5)

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Passeports, fouilles, 30 minutes de visite et un goût amer : visite à Ali Aarrass, le vendredi 7 décembre à 12h
Passeports, fouilles, 30 minutes de visite et un goût amer : visite à Ali Aarrass, le vendredi 7 décembre à 12h

 

Je me dirige à la prison de Salé en fin de matinée, accompagnée de mon fils Mohamed Dahnin, 18 ans.

Nos passeports sont exigés, nous les remettons au garde qui les réceptionne tous et qui très vite va encore demander le carnet de famille, pour prouver que c’est bien de mon fils qu’il s’agit.

Je conteste en me servant de l’argument suivant :

« Vous avez déjà autorisé ma fille Sarah Dahnin à rendre visite à mon frère et cela sans aucun document en dehors du passeport. Là il s’agit de son frère Mohamed, j’ai 7 enfants et il est fort probable que je vienne avec chacun d’eux pour voir leur oncle. Vous n’allez pas m’ennuyer avec le même baratin pour chacun d’eux ?! Vérifiez votre registre des visiteurs et vous verrez bien que Sarah Dahnin, ma fille, a pu y entrer le voir et que donc il n’y a pas de raison qu’on refuse l’accès à mon fils ».

Nous allons attendre à l’extérieur, environ une demi-heure. Cela va nous laisser le temps d’observer avec peine, les proches parents d’autres détenus, qui attendent aussi mais depuis bien plus longtemps que nous. Sous la pluie… Le regard de ces gens est triste et le teint pâle. Ils sont pour la plupart mal vêtus, reflet de leur situation financière qui ne doit pas du tout être rose.

Une fois qu’on nous a autorisés à rentrer, encore une période d’attente d’une autre demi-heure dans la salle de fouilles de tout, des aliments, vêtements et autre….

J’ai ramené entre autre, une plaque réchaud électrique à Ali, afin qu’il puisse de nouveau cuisiner par lui-même, vu que l’autre plaque qu’on lui avait acheté lui a été confisquée et ensuite volée par l’adjoint du directeur de la prison. Nous lui avons ramené aussi du chocolat et des frangipanes, Ali aime beaucoup ça.

Finalement une garde m’appelle pour me fouiller à l’écart. Elle va procéder à des fouilles corporelles et m’accompagner jusque dans la salle de visites. Je réalise qu’ils ont séparé mon fils de moi…Mon sang ne fait qu’un tour. Je demande à la gardienne où se trouve mon fils et elle me répond à moitié, en marmonnant, qu’il arrive.

Je ne me gêne pas et lui demande encore une fois, il est où et pourquoi vous le laissez dehors ? Il est venu voir son oncle et je ne vois pas pourquoi vous l’éloignez de moi alors qu’il ne parle pas du tout l’arabe et que c’est bien la première fois dans sa vie qu’il rentre dans une prison ?

La gardienne m’ignore et continue à parler comme si de rien n’était au gars qui tient une sorte de petit magasin qui se trouve dans la salle des visites. Sur ce  je me lève et m’approche de la grille qui est fermée derrière moi, en vain, puisqu’elle simule bien ne pas me voir. Je m’approche d’elle et elle me dit en arabe, sur un ton impératif : « Patiente qu’est que t’as toi ? Pourquoi t’excites-tu comme ça ? »

Je lui réponds : « Si toi tu as l’habitude de ces lieux, ce n’est point le cas pour nous, je ne me sens pas du tout rassurée avec vos méthodes ! Je veux que vous laissiez rentrer mon fils ou alors je préfère sortir le rejoindre ! D’ailleurs vous allez entendre parler de tout ça ! »

La gardienne appelle de suite un garde par téléphone. Ce garde ne tarde pas à venir, mais à son tour ne réagit pas. Il prend le trousseau de clés que la gardienne lui passe et ne dis rien et reste debout, planté devant moi.

Je me rends compte que j’ai à faire à des gens plus que bizarres, l’arrogance et la malhonnêteté sont si présents en eux…. Je décide de remettre ça et de ne pas me laisser faire. Je m’adresse cette fois ci à ce garde et lui dit, que mon fils est venu rendre visite à son oncle en ma compagnie, mais que cela fait quasi 25 minutes qu’ils l’ont laissé dehors. Ce dernier sourit ironiquement et me dit que c’est tout à fait normal, que les femmes fouillent les femmes et les gardes hommes, les hommes. Sur ce je lui demande, qui va fouiller mon fils ? Là il me répond « Moi » et je lui dis alors pourquoi le laissez vous attendre plus longtemps, il doit être fort inquiet de ne pas avoir pu rentrer avec moi.

Le garde prend mes dires très à la légère et s’en va tout doucement et en esquissant un sourire diabolique revient quelques minutes plus tard avec mon fils.

Je respire enfin normalement et je m’oblige à faire semblant de rien devant lui.

Pendant ce temps, j’ai pu sentir des choses horribles, je vous jure que d’être la dedans n’est déjà pas du tout rassurant, mais quand en plus ils s’amusent avec vos nerfs avec un sang froid à vous glacer le vôtre….

Nous allons après cela attendre encore 15 minutes approximativement avant de voir arriver Ali enfin. Il entre et avance dans la salle des visites avec un air tellement amère. Un regard triste, exprimant un grand dégout et les traits qui laissent paraître une grande fatigue. Cerné et flétri comme s’il se fanait.

Mais dès qu’il nous voit, le sourire gagne tout son visage en éclat et en émotions ! Il va me serrer dans ses bras à ne plus vouloir me lâcher, et de même à mon fils.

Mon fils le serre aussi mais avec un bras et Ali lui fait la remarque tout en l’étreignant de toutes ses force…. Mais où est donc ton deuxième bras ? Et Mohamed réagit immédiatement en le levant et l’enlaçant des plus belles. Ali poursuit en lui disant, mon Dieu que ça fait du bien…. Je les observe et en écoutant Ali me rend compte à quel point il manque de chaleur humaine et d’affection dans ces lieux lugubres tenus par des diables.

D’habitude, sachant que nous venons de loin, les gardes sous les ordres de la direction, nous donnaient droit à au moins deux heures de visite. Nous nous asseyons autour d’une table et deux gardes prennent des chaises et s’asseyaient à un mètre de notre table, pour entendre ce qu’on se dit.

Nous les avons ignorés et donc commencés à discuter à notre aise, sans penser à donner priorité aux choses les plus importantes, pensant avoir le temps de tout dire. J’ai durant ce temps de discussion découvert qu’Ali avait perdu encore une dent. Il s’agit d’une canine inférieure. Elle faisait partie des dents qui bougeaient entièrement depuis la torture subie. On lui avait fracassé des bouteilles à la bouche….

J’ai pleuré et ne savait que dire, Ali me regardait d’un air qui en disait long, sans rien me dire, comme si pour lui cela ne signifiait plus rien à coté de tout ce qu’il a enduré.

Alors que nous parlions d’un peu de tout, voilà que dès la demi-heure passée, un garde est venu mettre un terme à notre visite. Ali réagit au quart de tour en disant que nous venons de très loin, qu’il ne voit jamais personne, que ce n’est pas normal qu’on veuille interrompre ainsi sa visite ! Mais le garde qui a pourtant l’air gêné insiste et simultanément s’éloigne sans savoir que répondre. 5 minutes plus tard, ce même fonctionnaire revient nous demander de quitter. Plus moyen de négocier ni d’insister lorsqu’il dit que ce n’est pas lui mais les ordres.

J’ai senti cette interruption comme une rupture terrible car je voyais bien qu’Ali avait besoin d’être en notre compagnie. Il n’était pas très bien physiquement, même si le moral semble lui plutôt bon.

Quoi qu’il en soit, Ali ne va pas bien physiquement, j’insiste pour qu’il soit vu d’urgence par des spécialistes.

Il m’a décrit le malaise qu’il a eu. Il a été pris d’une douleur extrêmement forte dans le bas ventre, douleur qui l’empêchait de respirer, jusqu’à en perdre connaissance.

Il m’a aussi dit qu’il a été pris de frayeur lorsqu’en se réveillant il a vu l’infirmier en train de le piquer au doigt. Ali le haie et se méfie de lui comme de la peste. L’histoire des résultats sanguins perdure, on refuse toujours de lui donner les résultats.

Ali est pour le moment dans l’aile B du pavillon II de Salé. Il a été seul pendant quelques jours, mais pas en isolation. Il a droit à une heure de promenade dans la cour le matin et une autre heure le soir. Il en profite pour faire du sport. Il y a peu il avait droit à 4 heures de sortie dans la cour.

J’ai du reprendre le nouveau réchaud car les gardes savaient qu’Ali avait récupéré le sien. Ce réchaud, Ali ne peut plus l’utiliser dans sa cellule, ils ont changé les fusibles et ont mis des plus faibles, ce qui fait que tout saute chaque fois qu’il le branche, et cela même alors qu’il était seul dans l’aile B. Du coup, Ali doit cuisiner au fond du Hall de l’aile B, la prise se trouve tout au fond du couloir à l’opposé de sa cellule. En somme comme il le dit, ici il faut se battre et surtout beaucoup patienter pour trouver le moyen de subsister. J’ai appris aujourd’hui que ce réchaud est en panne, ils l’ont détraqué et moi j’ai repris l’autre :-( De vrais ordures!

Et pourtant, malgré tout Ali semble avoir le moral, il est très réaliste et dis très clairement qu’il ne croit pas du tout en une libération proche. Il développe des moyens de résistance, mais je me sens fort inquiète pour lui malgré cela.

Ali a reçu 17 lettres d’un coup, merci à vous tous!

Ali n’a pas reçu de coups durant la dernière révolte des prisonniers mais comme je vous l’avais dit, il a été mis sérieusement sous pression. Nous pensons que c’est grâce au soutien de toutes parts qu’ils n’osent plus lui administrer des coups.

Le nouvel adjoint du directeur semble beaucoup se méfier d’Ali, vu qu’on prétend que l’ancien aurait été démis de sa fonction à cause de la plainte de mon frère. Reste à vérifier, même si c’est ce que les prisonniers ont dit à Ali. Le nouvel adjoint répond donc aux différentes demandes d’Ali par un : « va voir le directeur. »

Vous vous rendez compte, que nous avons fait plus de 2200 km, pris un avion, un train, un taxi, pour seulement une demi heure de visite ?! C’est inadmissible !

Farida Aarrass.

Dimanche / zondag 6 jan 2013
12-14 h/uMonument La Pasionaria, Avenue Stalingrad, 1000 BxlRassemblement mensuel pour les détenus belgo-marocains dans les prisons marocaines
Maandelijkse bijeenkomst voor de Belgisch-Marokkaanse gedetineerden in de Marokkaanse gevangenissen

Abandon des détenus et de leurs familles par la Belgique
Torture,maltraitance, procès inéquitables au Maroc :

STOP!

België laat ons in de steek
Marokko foltert en ontzegt ons het recht op een eerlijk proces :

STOP!

org. Comité des familles des détenus européens dans les prisons marocaines / Comité van de families van Europese gedetineerden in Marokkaanse gevangenissen

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Eerste bijeenkomst in Brussel van het Comité van de families van de Europese gevangenen in Marokko

Naar aanleiding van de Internationale Dag van de Mensenrechten, kwamen een zestigtal familieleden en vrienden van Belgisch-Marokkaanse gevangenen in Marokkaanse gevangenissen samen rond het Monument ter ere van de Marokkaanse immigratie in Brussel. Ze gaven op die manier een heel andere dimensie aan die dag, wars van alle mooie verklaringen en officiele discours.
Door hun vaak ontroerende getuigenissen en met foto’s en spandoeken, trokken de zusters, moeders, oma’s en kinderen van de gevangenen de aandacht van de voorbijgangers op de situatie van hun familieleden in de Marokkaanse gevangenissen.
Ze kloegen de houding van België aan, dat elke hulp weigert aan de gevangenen en hun families in naam van de « dubbele nationaliteit » van de betrokkenen. België maakt zich op die manier medeplichtig aan de mishandeling en zelfs aan de foltering van deze gevangenen.
In het Frans, Nederlands en Arabisch kondigden de families aan dat ze met hun actie zullen doorgaan tot hun familieleden goed worden behandeld, tot zij onder de bescherming van België worden geplaatst, tot ze naar België worden overgebracht als ze daarom vragen, tot ze onmiddellijk worden vrijgelaten ingeval ze zijn gemarteld.
Naar het voorbeeld van de moeders van de verdwenen kinderen in België in de jaren negentig, en net als de Moeders in het Zwart in Argentinië, die op zoek waren naar hun verdwenen en gemartelde zoons en dochters, zullen de families elke eerste zondag van de maand van 12 tot 14 uur verzamelen rond het Monument Pasionaria. De volgende bijeenkomst gaat door op zondag 6 januari 2013. Gezien de economische crisis, de overbevolkte gevangenissen in Marokko en België, het racistisch en islamofoob klimaat, beseffen de families goed dat hun strijd erg moeilijk zal zijn. Maar ondanks die moeilijkheden, nemen ze zich voor om nooit op te geven.

Waarom kozen de families voor de datum van de Internationale Dag van de Mensenrechten om hun actie te starten?
Ten eerste, omdat die Verklaring, vandaag 64 jaar oud, de fundamentele rechten van de personen vastlegde, na de verschrikkingen van de Tweede Wereldoorlog en na de misbruiken en de wreedheden, die begaan werden door de politie en de rechtbanken van de dictaturen.
De rechten en vrijheden, vastgelegd in de Verklaring van de rechten van de mens, zijn universeel. Ze hebben voorrang op elke andere overweging. Ze zijn gemaakt om dié mensen te beschermen, die niet beschikken over deze rechten, en dus niet voor degenen die ze al hebben. Dat wil zeggen, ze dienen om diegenen te beschermen die door de maatschappij worden uitgesloten, diegenen die onzichtbaar zijn gemaakt, degenen die ontmenselijkt werden, degenen die vandaag worden beschuldigd of veroordeeld worden als « verdachte van terrorisme » of als « grote crimineel ».
De Verklaring van de rechten van de mens is een duidelijke boodschap aan allen die een selectiviteit aan de dag leggen in de verdediging van de fundamentele rechten van een persoon, en die hun solidariteit afhankelijk maken van zijn nationaliteit, de feiten waarvan hij beschuldigd wordt, zijn ideologie of zijn religie.

Vervolgens is er een fundamentele bescherming die voortvloeit uit de Verklaring van de Rechten van de Mens.
De toepassing van de Verklaring van de rechten van de mens is de voorwaarde die moet vervuld zijn om te kunnen spreken van een eerlijke en rechtvaardige rechtsgang.
Alle bekentenissen van een verdachte die verkregen werden door mishandeling of door marteling moeten door een rechtbank worden verworpen. Wanneer de staat, de ambtenaren of de politie de fundamentele rechten van het individu schenden, dan volgt daaruit dat iedere vervolging, proces of straf moet worden ongedaan gemaakt en dat de verdachte moet worden vrijgelaten. Deze regel kan er zelfs toe leiden dat « echte schuldigen » vrijuit gaan. Maar die regel beschermt ons precies tegen de willekeur en het misbruik vanwege de staat of de politie. Deze misbruiken zouden immers heel snel een routinepraktijk van de staat worden in geval men een misbruik zonder radicaal gevolg zou laten. Zoals dat nu het geval is in Marokko, waar marteling en mishandeling van gevangenen onderdeel van een systeem zijn geworden.
De praktijken van de (geheime) politie en de situatie in de Marokkaanse gevangenissen zijn in flagrante tegenspraak met de Verklaring van de rechten van de mens.
De situatie in de gevangenissen is hels. Het Marokkaanse rechtssysteem is in totale crisis. Een  recent voorbeeld: in plaats van 4000 gedetineerden in een gevangenis in Casablanca, zijn er nu niet minder dan 16.000 gevangenen. Er is een recidive van bijna 90%. De verantwoordelijken voor deze situatie wassen hun handen in onschuld. Iedereen schuift de verantwoordelijkheid door naar een ander.
Die dramatische situatie op het vlak van de gevanghenissen werd opnieuw uitvoerig beschreven in een aantal recente rapporten. Zoals dat van Juan Mendez, de speciale VN-rapporteur inzake foltering, en in het rapport van de CNDH, een mensenrechtenorganisatie die werd opgericht en benoemd door koning Mohammed VI zelf.
België heeft deze situatie steeds ontkend en blijft dit doen tot op vandaag.
Al jaren moeten de families van Belgisch-Marokkaanse gedetineerden in Marokko uit de mond van ambtenaren van ons Ministerie van Buitenlandse Zaken vernemen dat ze « nog nooit gehoord hebben over foltering in Marokko. » Alsof er niets aan de hand was, worden sinds 1 mei 2011 een paar dozijn gevangenen met de Marokkaanse nationaliteit, onder druk van extreem-rechts om de publieke opinie te behagen tegen hun wil uit België getransfereerd naar de Marokkaanse gevangenissen. België speelt gerechtelijke dossiers door aan de Marokkaanse autoriteiten, maar weigert tegelijk elke hulp of interventie voor een gevangene.

Hier zijn de vragen waarop de gezinnen een antwoord willen van het Belgische Ministerie van Buitenlandse Zaken en Justitie :
Hoe kan men rechtvaardigen dat een Belgisch-Marokkaanse Belg niet over dezelfde bijstand kan beschikken dan een andere Belg ?
Waarom weigert men ons een consulair bezoek in de gevangenis om zich tenminste van de lichamelijke en geestelijke gezondheid van onze familieleden te vergewissen? Zo’n bezoeken zouden al een hoop zorgen kunnen wegnemen bij de families, die zich hier, op 2000 km afstand bevinden van hun familielid, die niet weten wie te contacteren in een land dat ze vaak niet eens kennen.
Waarom kan België Marokko niet dwingen arokko om de nodige maatregelen te nemen voor de gezondheid, de hygiëne, de voeding, de medische zorgen, de overbevolking… wat een gunstig effect voor alle gevangenen zou kunnen hebben?
Waarom handhaaft België zijn gerechtelijke samenwerking met Marokko ?
Hoe rechtvaardigt België dat het de Belgische nationaliteit afneemt van sommige van onze familieleden, waardoor men hen nog meer blootstelt aan de misbruiken het Marokkaanse gerechtelijke systeem? Hoe rechtvaardigt België de transfert van Marokkaanse gevangenen uit België naar Marokko? En waarom blijven tegelijk onze verzoeken om een transfert van onze familieleden naar België dode letter?
Het in de steek laten van de burgers, die over een dubbele nationaliteit beschikken, is een gemeenschappelijk kenmerk van alle Europese landen. Maar België steekt op dit punt de andere Europese landen voorbij. Waarom heeft bijvoorbeeld een Belgisch-Marokkaanse gedetineerde geen recht op een Belgische advocaat, zoals dat wel het geval is voor de Frans-Marokkaanse gevangenen, die recht hebben op een Franse advocaat? Waarom ontvangen Belgisch-Marokkaanse gevangenen niet eens een minimale financiële steun van de staat, zonder dewelke het onmogelijk is om te overleven in  de Marokkanse  gevangenissen, zoals dat bijvoorbeeld wel gebeurt door Spanje voor de Spaans-Marokkaanse gevangenen?

Het Comite van de Families van Europese gedetineerden in Marokko zal blijven vechten totdat de families een antwoord krijgen op deze vragen. Een antwoord dat beantwoordt aan de Verklaring van de Rechten van de Mens.

Luk Vervaet

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