La violence qui déchire nos quartiers n’est pas un simple accident, ni un mal de société dont il suffirait de « réprimer » les symptômes. Ce n’est pas une question triviale de « sécurité », comme veulent nous le faire croire les autorités locales et nationales. Ce que nous vivons est bien plus grave : c’est une guerre raciale, une guerre contre les Arabes, les Noirs et les jeunes migrants. Une guerre contre la drogue, qui est avant tout une guerre contre nos corps, contre nos vies.
La récente fusillade à Clemenceau, comme tant d’autres avant elle, ne fait que révéler la brutalité d’un système qui condamne la jeunesse des quartiers populaires à l’échec, à la répression et à la mort. Et quand les jeunes réagissent, quand la frustration se transforme en violence, ils sont traités comme des criminels, des ennemis à abattre. Mais qui sont les vrais criminels ? Ceux qui vendent de la drogue ? Ou ceux qui, depuis des décennies, ont abandonné nos quartiers, les privant de toute perspective d’avenir, et utilisent la « guerre à la drogue » comme prétexte pour mener une guerre raciste, ciblant en priorité les Arabes, les Noirs et les migrants ?
Les violences policières, les contrôles au faciès, les humiliations quotidiennes, les morts sous les balles de la police… tout cela fait partie d’un même système, d’une même logique de domination raciale. Et aujourd’hui, les autorités veulent encore nous faire croire que la solution est plus de policiers, plus de répression, plus de prison. Mais tout cela n’est que le masque de l’inaction politique, de l’absence de volonté réelle de résoudre les problèmes sociaux et raciaux qui rongent nos quartiers.
Il est plus facile de se taire face à ce qui se passe dans nos quartiers, d’éviter de se mêler aux discussions, de détourner les yeux pour ne pas être emporté par cette vague de colère et de frustration qui monte de plus en plus fort. C’est ce qu’on nous demande, en silence, en attendant que la tempête passe. Mais si nous nous taisons, qui dénoncera ce qui se joue sous nos yeux ? Qui dénoncera ce « cinéma » politique, cette mise en scène où nous sommes toujours les boucs émissaires ? Si nous restons muets, qui parlera des injustices quotidiennes que nous vivons, de ce racisme structurel qui nous frappe à chaque coin de rue, de cette violence qui ne cesse de se renforcer mais qu’on veut nous faire croire qu’elle est « naturelle », « inévitable » ?
Depuis des années, ceux qui vivent dans des quartiers comme Cureghem, Clemenceau, Aumale, Bara, sont confrontés à des réalités que les autorités préfèrent ignorer ou minimiser. Ces quartiers sont invisibles aux yeux des politiques, sauf lorsqu’il s’agit de déployer plus de policiers, de multiplier les contrôles au faciès ou de justifier des politiques ultra-sécuritaires sous prétexte de « guerre contre la drogue » ou de « lutte contre les violences de gangs ». Mais la vérité, c’est que cette violence qui émerge aujourd’hui dans ces quartiers n’est que le résultat de décennies d’abandon. Ce n’est pas la faute des habitants. Ce n’est pas la faute des jeunes, des Noirs, des Arabes, des migrants, des sans-papiers qui vivent ici, qui survivent, qui résistent. C’est la faute de ceux qui ont tourné le dos à ces quartiers, qui ont laissé les jeunes grandir sans perspectives, sans opportunités, sans espoir.
Je pense à ces jeunes, ces gamins souvent livrés à eux-mêmes, qui n’ont pas de place dans la société. Ils ne trouvent ni emploi, ni formation, ni même l’espoir d’un avenir meilleur. Les dealers, eux, ont su combler ce vide en leur offrant ce que l’État leur refuse depuis des années : une place, une reconnaissance, un rôle. Et pendant ce temps-là, les autorités se contentent de les criminaliser, de les traiter comme des coupables, comme si eux seuls étaient responsables de cette situation. Mais les véritables responsables, ce sont ceux qui ont oublié ces quartiers, ceux qui ont laissé la misère s’installer, ceux qui, pendant 50 ans, ont fait en sorte que des quartiers comme Clemenceau, Aumale et Cureghem restent dans l’ombre, sans investissement, sans aide, sans politique publique digne de ce nom.
Le problème n’est pas la drogue, ce n’est pas la violence des jeunes, ce n’est pas le trafic. Ce sont les politiques publiques désastreuses, le racisme d’État, l’absence d’infrastructures, de logements dignes, de lieux où les jeunes peuvent se rencontrer, se construire, se socialiser. Ce sont les policiers qui arrivent en nombre pour réprimer sans comprendre, sans chercher à connaître, sans écouter. Ce sont ces forces de l’ordre qui participent à une violence systématique, à une violence raciste, en traitant les jeunes comme des criminels potentiels simplement à cause de leur couleur de peau ou de leur origine. Nous avons vu trop de victimes de cette violence policière : Adil, Mehdi, Ibrahima… et tant d’autres, dont les noms ne seront peut-être jamais connus de tous. Mais ces noms résonnent en nous, comme des cris de rage et de douleur, comme un appel à la justice, comme un appel à l’arrêt de cette machine infernale.
Aujourd’hui, certains se sont précipités pour utiliser ces tragédies à des fins politiques, en brandissant la menace de la répression, en proposant encore plus de sécurité, de surveillance, de contrôles. Mais qui est réellement menacé ici ? Ce ne sont pas ceux qui ont des armes ou qui vendent de la drogue, mais ceux qui vivent dans ces quartiers, qui sont traités comme des ennemis à abattre, comme des citoyens de seconde zone. Et c’est là qu’on nous ment. Car cette guerre à la drogue, cette prétendue lutte contre les gangs, ce n’est pas une guerre contre le trafic, mais une guerre raciale. C’est une guerre qui cible des communautés entières, une guerre qui justifie un contrôle permanent de nos vies, de nos quartiers, de nos corps.
Il est temps de dire la vérité : le cancer social qui ronge ces quartiers est plus profond que ce qu’on veut nous faire croire. Ce que les autorités voient aujourd’hui, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Derrière cette violence, il y a des décennies d’injustice, de racisme d’État, de négligence systématique. Derrière cette violence, il y a des générations entières de jeunes qui ont été privées de tout : de leur dignité, de leur avenir, de leurs droits. C’est ce qui a engendré cette situation, et c’est ce que personne ne veut vraiment affronter. Au lieu d’investir dans le social, dans la jeunesse, dans les services publics, on choisit de se concentrer sur la répression. On investit dans les armes, dans la surveillance, mais pas dans des solutions durables, dans des alternatives réelles.
Ce que nous demandons, c’est une politique de la jeunesse qui prenne en compte la réalité de ces jeunes, une politique qui les reconnaisse, qui les soutienne, qui leur offre un avenir, pas une politique qui les criminalise, les emprisonne et les tue. Nous avons assez de discours sur la sécurité. Nous avons assez de politiques qui nous traitent comme des criminels. Ce dont nous avons besoin, c’est d’investissement dans le social : des écoles, des centres de loisirs, des logements dignes, des lieux de rencontre et de socialisation, un soutien réel pour la jeunesse, loin des regards condescendants et des contrôles incessants.
Les autorités veulent aujourd’hui nous faire croire qu’elles gèrent le problème, mais il est plus que temps de dire qu’elles n’ont pas su gérer. Elles ont laissé les quartiers dans la misère, elles ont laissé la haine et le désespoir s’installer, et maintenant, elles veulent en faire porter la responsabilité à ceux qui n’ont jamais eu de chance dans ce système. Cette violence, cette guerre raciale, cette situation qui éclate sous nos yeux, ne sont que le résultat de 50 ans de politiques néfastes et discriminatoires. Ce n’est pas nous qui devons changer, mais bien le système. Et ce système doit cesser de nous traiter comme des ennemis, de nous considérer comme des « problèmes » à éliminer.
Ce que nous exigeons aujourd’hui, c’est une remise en question radicale de la guerre à la drogue. Cette guerre n’a jamais été une guerre contre la drogue, mais une guerre contre nos communautés, une guerre qui fait de nous des boucs émissaires, des criminels potentiels. Les dealers sont le résultat d’un système qui ne nous offre aucune alternative. Lorsque l’État ne nous offre ni travail, ni logement, ni éducation, c’est la rue qui prend le relais. Et l’État nous le reproche ensuite. Il nous dit que la solution, c’est la répression, l’augmentation des peines de prison, l’intensification de la guerre contre la drogue. Mais tout cela est une farce. Une farce raciste et violente.
Aujourd’hui, il est plus urgent que jamais de dénoncer ce qui se cache derrière cette violence. Ce n’est pas la guerre contre la drogue qui nous sauvera, mais une politique sociale et antiraciste, qui respecte la dignité et les droits de tous les habitants des quartiers populaires. Il est temps de se battre pour un avenir où chaque jeune, qu’il soit noir, arabe, migrant ou sans-papier, puisse espérer une vie meilleure, sans être constamment sous la menace de la répression. Nous sommes les enfants de ces quartiers, et nous avons droit à la justice.
Le véritable problème, c’est l’abandon systématique de nos quartiers populaires, de nos jeunes. C’est l’absence de services publics, de logements dignes, de structures d’accueil, d’espaces de loisirs et de socialisation. C’est la stigmatisation et l’isolement imposés par les autorités. Mais au lieu d’investir dans le social, dans l’avenir des jeunes, dans les écoles, dans l’accès à la culture et à la santé, on préfère investir dans la répression, dans la militarisation de nos quartiers, dans l’armement de la police.
Nous disons NON à la politique sécuritaire. Nous exigeons un désinvestissement du sécuritaire et un investissement massif dans le social. Nous exigeons des logements dignes, des écoles qui offrent de vraies opportunités, des centres de jeunesse, des espaces de vie. Nous exigeons la fin de la guerre raciale menée contre les Noirs, les Arabes et les migrants. Nous exigeons une vraie politique de justice sociale et d’égalité des chances.
Nous, habitants des quartiers populaires, en avons assez d’être criminalisés, d’être traités comme des ennemis internes. Nous avons le droit à la dignité, le droit à l’avenir, le droit à la justice. Nous sommes fatigués de pleurer nos morts, d’enterrer nos jeunes, d’assister à l’instrumentalisation de notre souffrance pour justifier une répression toujours plus féroce.
Il est temps de renverser ce système. Il est temps de refuser cette guerre raciste, de refuser la criminalisation de nos vies et de nos quartiers. Il est temps de revendiquer un futur autre que celui qu’on nous impose : un futur où la jeunesse des quartiers populaires peut enfin vivre, s’épanouir, rêver.
Nordine Saïdi Bruxelles Panthères « La liberté, la justice et l’égalité, par tous les moyens nécessaires ! » Malcolm X
De 56 fusillades enregistrées par la police fédérale en 2022, la Région de Bruxelles-Capitale est passée à 92 en 2024. L’augmentation est donc de 65% en deux ans. Et depuis le début de l’année 2025, deux personnes ont déjà perdu la vie dans ces incidents de tir. Les réunions de ces derniers jours à tous les niveaux de pouvoir visent notamment à sécuriser les « points chauds », là où l’on retrouve le plus de violences liées au trafic de drogue. Mais quels sont-ils ?
Où sont ces « points chauds » ?
Il y en a à Anderlecht, comme nous l’avons vu ces dernières semaines, mais pas seulement. Depuis 2022, les articles de presse sont de plus en plus nombreux à faire état de fusillades : Saint-Gilles, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Josse, Bruxelles-Ville et parfois, Ixelles et Forest. Le Flemish Peace Institute, institut régional de recherche, répertorie ces publications faisant état de violence avec armes à feu à l’aide d’une intelligence artificielle. La rédaction Décrypte de la RTBF a consolidé ce recensement et a placé chaque événement sur une carte.Voici ce qu’il en ressort entre 2022 et le début de cette année 2025.
Le compteur montre que les événements relayés par les médias sont en augmentation. Une tendance confirmée par les chiffres officiels de la police fédérale qui, eux, répertorient tous les incidents de tirs dans la capitale. En deux ans, ils ont augmenté de 65%.
Si l’utilisation d’arme à feu se fait parfois dans le cadre de violences homophobes, d’un attentat ou de féminicides à Bruxelles, la plupart des incidents ont une cause encore « inconnue » au moment où les faits sont relayés dans les médias. Mais le lieu, les personnes impliquées, auteurs ou victimes,et le modus operandi laissent à penser qu’ils sont en lien avec le milieu de la drogue. Voilà pourquoi elles sont répertoriées sous la légende « Inconnu/drogue » dans la carte ci-dessous.
« La plupart des violences à Bruxelles sont effectivement liées au milieu de la drogue« , confirme Astrid De Schutter, chercheuse à l’Institut flamand de la paix qui a travaillé sur cette base de données. « Il s’agit souvent de conflits entre différentes organisations de trafic de drogue ou au sein d’une même organisation, mais parfois, des victimes innocentes sont également touchées. »
« Cela peut être dû fait que, d’une part, un plus grand nombre de criminels ont facilement accès aux armes à feu. D’autre part, nous constatons aussi que, parfois, des criminels très jeunes sont utilisés pour exécuter ce genre de tâches. Les jeunes sont plus impulsifs et ne sont pas toujours capables d’évaluer correctement les risques. »
Ils tirent puis ils réfléchissent
« Ils tirent puis ils réfléchissent« , ajoute Tim Surmont, criminologue analyste des marchés et de la criminalité liés à la drogue pour l’Agence européenne des drogues, formé à l’Université de Gand. « Tous ces jeunes sont recrutés par des réseaux criminels. On ne peut pas résoudre ce problème en deux semaines parce qu’il est lié au fait que les jeunes sont dans une situation économique et sociale défavorisée. Ils sont ainsi plus faciles à recruter. Ils y voient un moyen rapide de se faire de l’argent et sont donc faciles à recruter. »
Ce sont donc ces jeunes qui gravissent petit à petit les échelons qui se retrouvent d’abord avec de la drogue à vendre entre les mains. Ensuite, avec des armes lourdes. La jeunesse est donc ciblée et pas seulement celle notre capitale. « On a vu dernièrement des jeunes de Marseille actifs à Bruxelles », note le criminologue.
Cesfusillades s’inscrivent ainsi dans un contexte d’une « guerre des territoires » comme on l’a beaucoup entendu ces derniers mois. Pour Patrick Baus, délégué permanent de la CGSP Police interviewé par BX1, la situation va aujourd’hui un cran plus loin. « On est au-delà de l’occupation de terrain. Aujourd’hui, on est dans un système de vengeance. »
Et de souligner que la coopération internationale est prioritaire « pour l’importation du trafic de stupéfiants et pour le niveau moyen. Au niveau du deal de rue, on est quand même davantage sur des petites bandes locales où l’on profite de profils fragilisés, sans domicile fixe ou sans papiers pour les petites besognes. »
Plus qu’ailleurs ?
Bruxelles, Marseille mais aussi d’autres villes d’Europe connaissent des problèmes liés au trafic de drogue. Où se situe notre capitale ? Est-ce pire qu’ailleurs ? Le Flemish Peace Institute peut donner une tendance sur base des articles de presse : Bruxelles se place aujourd’hui dans le top des grandes villes européennes où les fusillades liées au milieu de la drogue sont relayées par les médias.
Une analyse confirmée par Tim Surmont. « Nous surveillons l’ensemble de l’Union européenne en ce qui concerne la violence liée à la drogue. Ces derniers jours, clairement, la plupart des signalements que nous avons reçus viennent de Bruxelles. »
Mais Tim Surmont fait tout de même une différence entre Bruxelles et les autres villes. Ailleurs, les violences sont d’un autre genre. Elles sont plus organisées, stratégiques. Il s’agit davantage d’intimidations préméditées envers des personnes qui ne veulent pas coopérer à l’importation de drogue, plutôt que de jeunes qui tirent pour garder un point de deal. « Il y a encore des explosions à Rotterdam, à Amsterdam, mais il s’agit de violences qui ressemblent à celles que l’on retrouve à Anvers. »
Différence entre Bruxelles et Anvers
« Ces deux dernières années, à Anvers, si les gens n’étaient pas prêts à coopérer, il y avait de la violence« , explique Tim Surmont. « Nous avons vu la série de grenades qui ont explosé à Anvers. Elles n’étaient pas destinées à tuer des gens, mais à les intimider. Le but : qu’ils coopèrent à l’importation de drogue. Il s’agit aussi de rivalités entre les gangs qui s’en prenaient aux marchandises dans les ports. C’est donc complètement différent de ce qu’il se passe à Bruxelles. »
Dans son analyse des articles de presse, Astrid De Schutter fait le même constat : « À Anvers, ce sont plus souvent des maisons ou des bâtiments qui sont ciblés pour montrer que les auteurs savent où la famille de l’individu habite. » Mais cela n’empêche pas de victimes collatérales. On se souvient de cette petite fille tuée en 2023 chez elle, à Merksem (Anvers) derrière une porte de garage.
« Les quantités de cocaïne saisies dans le port d’Anvers au cours de la dernière décennie ont été très élevées », confirme Tim Surmont. « Il y a de nombreuses raisons à cela. Tout d’abord, la production de cocaïne en Amérique latine a considérablement augmenté grâce à l’innovation dans l’agriculture. Ce n’est pas seulement pour les plants de tomates, mais aussi pour ce type de cultures. »
Plus complexe qu’auparavant
« Ensuite, la mondialisation joue un rôle important« , continue-t-il. « Autrefois, les groupes criminels étaient très facilement identifiables : c’était la mafia italienne. Aujourd’hui, l’organisation pour entrer en Europe est complètement différente. Il y a beaucoup d’acteurs sur le marché, des groupes criminels irlandais, marocains, italiens, albanais ou russes. »
Ils ont tous des moyens différents d’acheminer les produits en Europe
« Ils sont tous en concurrence les uns avec les autres et veulent donc fournir le meilleur produit. Ils ont tous des moyens différents d’acheminer les produits en Europe et ils trouvent toujours la voie où il y a le moins de résistance.Dans le passé, beaucoup de marchandises arrivaient à Rotterdam. Puis, Rotterdam a fait de gros efforts pour que davantage de scanners soient installés dans le port. C’est devenu beaucoup plus inaccessible. Et rapidement, nous avons vu le changement vers Anvers. »
À noter qu’en 2024, les quantités de cocaïne saisies à Anvers sont en nette diminution. Mais ce n’est pas pour autant que les quantités qui arrivent sur notre territoire sont en diminution. Cela signifie que la drogue arrive par d’autres voies comme le montrent les quantités dévoilées par les douanes début janvier 2025.
C’est ce que constate l’Agence européenne des drogues. « Nous voyons maintenant que les saisies diminuent un peu à Anvers. Mais nous voyons aussi qu’ailleurs, les saisies augmentent parce qu’ils cherchent la voie de la moindre résistance. Par exemple, l’année dernière au port d’Algésiras en Espagne, la plus grande quantité de cocaïne a été saisie : 13 tonnes. Même chose pour Hambourg, qui augmente également, ainsi que pour les petits ports. En fait, c’est le cas partout. » Un constat qui fait dire au criminologue que le problème doit être géré à tous les niveaux de pouvoir, y compris européen pour que les violences cessent ici, à Bruxelles.
Ce jeudi, le Conseil communal a acté le passage des additionnels à l’Impôt des Personnes Physiques (IPP) de 5,5% à 7% pour l’année 2025.
Ce n’est pas une décision qui a été prise de gaité de coeur… Et le collège (unanime au final…) a eu de longs débats en interne avant de soumettre cette mesure au Conseil communal.
Pourquoi une telle proposition? Tout simplement parce que nos charges explosent.
La police, la santé, l’aide sociale, l’éducation pèsent de plus en plus lourdement sur les finances communales.
Faut-il supprimer des services ou faut-il les financer de la manière la plus juste qui soit? C’est une question qu’on doit tous se poser.
L’opposition Ecolo, PTB, Team Ahidar… a dénoncé, vent debout, la menace d’un « enfer fiscal » à Anderlecht. Qu’en est-il?
On savait que le PTB était un parti populiste. En 2022, ils se sont abstenus lorsque le Collège a proposé une diminution des additionnels à l’Impôt des Personnes Physiques au motif que « ça n’allait pas de diminuer un impôt par nature progressif ». En 2024, ils votent contre l’augmentation des mêmes additionnels parce qu’on ne peut augmenter la fiscalité. Quid???
On savait moins qu’Ecolo était aussi un parti populiste. Au pouvoir, confrontés aux contraintes de gestion, ils valident l’augmentation du précompte immobilier. Dans l’opposition, ils hurlent à la rage taxatoire…
Ces deux partis se sont sont fermement opposés au nouveau taux IPP. C’est facile de dire qu’on ne veut pas augmenter les impôts. C’est parfois un peu moins facile de dire ce qu’on va diminuer comme service si on arrive plus à les financer…
Au choix : le PTB et Ecolo souhaitent-ils :
– Fermer des écoles ou des crèches?
– Engager moins de policiers
– Fermer l’Hôpital Bracops
– … ?
Nous vivons une période difficile. Et l’absence de solidarité entre les différentes institutions en est le signal clair. Nous nous battrons avec force et vigueur pour obtenir un juste équilibre entre les efforts des communes les plus riches et les communes qui, comme Anderlecht, sont confrontées à une augmentation croissante de la précarité.
Mais dans l’attente de cette nécessaire solidarité, il nous faut faire face.
Pour ce qui me concerne, à la question de « que faut-il supprimer ? » Je réponds : rien. Je ne veux pas fermer d’école, pas fermer de crèche, pas fermer d’hôpital… et pas diminuer la présence de nos policiers.
On va donc passer de 5,5% à 7% d’additionnels à l’IPP. Avec notre Collège PS-MR-Engagés-Vooruit nous assumons cette décision.
C’est une décision difficile. Notamment parce qu’elle pèse sur les revenus du travail. Mais pour que chacun puisse se faire une idée concrète de ses effets, il est important de savoir ce qu’elle recouvre précisément:
– Pour un revenu de 20.000 € bruts par an, ça représente une augmentation de l’impôt de 1,5 € / mois.
– Pour un revenu de 25.000 € bruts par an, ça représente une augmentation de l’impôt de 4 € / mois.
– Pour un revenu de 50.000 € bruts par an, ça représente une augmentation de l’impôt de 15 € / mois.
C’est toujours trop. Surtout quand cela touche les revenus du travail. Mais faudrait-il prendre le risque de devoir fermer des écoles, des crèches, des hôpitaux ou diminuer la présence policière si on n’avait pas pris cette mesure? Je pose tout simplement la question…
Vous soulevez la difficulté d’une décision politique lourde de conséquences pour les citoyens d’Anderlecht. Cependant, votre plaidoyer en faveur d’une augmentation des additionnels à l’IPP soulève des enjeux essentiels sur lesquels il convient de se pencher sous un prisme différent du votre.
Votre message omet un point fondamental : Anderlecht compte parmi les communes les plus précarisées de Belgique, avec une forte concentration de populations issues de l’immigration postcoloniale et des classes populaires. Ces populations sont déjà lourdement touchées par des inégalités structurelles en matière d’emploi, de logement, de santé et d’éducation. Imposer davantage les revenus du travail, même à hauteur de quelques euros par mois, revient à alourdir le fardeau fiscal de ceux qui, statistiquement, ont le moins à contribuer. Les citoyens que vous représentez, majoritairement issus des quartiers populaires, sont les premières victimes de ce système économique qui reproduit les inégalités raciales et sociales.
Votre mesure revient à exiger de ces citoyens qu’ils financent eux-mêmes les infrastructures censées corriger les inégalités qu’ils subissent. Or, ces inégalités ne sont pas le fruit d’un hasard, mais bien d’une histoire longue, celle de politiques publiques discriminantes et d’une gestion communale où les choix budgétaires n’ont pas toujours bénéficié aux plus précaires. Les erreurs passées – et présentes – ne peuvent être réparées sur le dos des plus pauvres.
« C’est celui qui le dit qui l’est »
Vous accusez vos opposants politiques de populisme, mais votre raisonnement s’y inscrit parfaitement. En présentant l’augmentation des impôts locaux comme un choix binaire – soit on taxe davantage, soit on ferme des écoles, des crèches, des hôpitaux –, vous simplifiez à l’extrême un problème complexe et empêchez tout débat démocratique sur les alternatives possibles.
Si vraiment « tout le monde doit se poser la question de ce qu’il faut supprimer », alors permettez aux citoyens eux-mêmes de répondre. Pourquoi ne pas organiser un référendum communal sur les priorités budgétaires ? Inventons-le, puisque vous appelez à une solidarité face aux contraintes financières. Donnons la parole aux habitants : veulent-ils financer la police, un appareil souvent perçu comme oppressif, voire dangereux, pour leurs enfants ? Ou préfèrent-ils voir leurs contributions aller à des écoles réellement inclusives, des logements sociaux, des programmes d’aide à l’emploi et des projets de justice sociale ?
Écoles, crèches, et racisme structurel.
Votre défense des écoles et des crèches est louable, mais il est temps de poser une question essentielle : Quels types d’écoles finance-t-on avec cet argent public ? Des écoles qui perpétuent le racisme systémique et reproduisent les inégalités structurelles ? Des écoles où les enfants d’origine maghrébine ou subsaharienne sont systématiquement orientés vers des filières techniques ou professionnelles, même lorsque leur potentiel académique est clair ? Des crèches où la diversité culturelle des familles est ignorée ou méprisée ?
Si nous devons payer davantage pour maintenir ces institutions, alors exigeons qu’elles soient profondément transformées. Les citoyens d’Anderlecht, qui représentent une pluralité de cultures et d’identités, méritent des structures éducatives qui les valorisent, qui enseignent une histoire décoloniale et qui luttent activement contre les discriminations raciales.
Police : financer ceux qui nous oppressent ?
Vous affirmez ne vouloir diminuer ni les effectifs policiers ni leur financement. Mais pour les habitants d’Anderlecht, en particulier pour les jeunes Arabes, Noirs, Rroms, la police n’est pas synonyme de sécurité. Elle est trop souvent perçue comme un danger, une institution qui harcèle, humilie et parfois tue. Faut-il rappeler les nombreuses affaires de violences policières à Anderlecht, où les victimes sont majoritairement issues des minorités raciales ? Faut-il rappeler que pour une partie significative des citoyens d’Anderlecht, la police incarne non pas la protection, mais une menace ?
Dans ces conditions, demander à ces mêmes citoyens de financer une institution qui les oppresse relève d’une double injustice. Si vous insistez pour que la police reste une priorité budgétaire, alors engagez-vous à ce qu’elle soit profondément réformée :
– Formation antiraciste obligatoire pour tous les agents.
– Mécanismes de contrôle indépendants pour enquêter sur les abus.
– Réduction des dispositifs répressifs au profit de programmes de prévention et de médiation.
Une solidarité à repenser : antiracisme et décolonisation.
Si vous souhaitez réellement défendre une solidarité intercommunale, pourquoi ne pas exiger des communes riches – où résident majoritairement les classes favorisées blanches – qu’elles financent davantage les infrastructures sociales à Anderlecht ? Pourquoi ne pas mettre en place une taxation spécifique sur les grandes entreprises ou sur les revenus du capital, qui profitent bien davantage à ces communes qu’aux nôtres ?
Monsieur le Bourgmestre, vous demandez aux citoyens d’accepter une mesure difficile. Mais ce n’est pas seulement une question de finances. C’est une question de justice. De respect. De dignité. Si vous voulez leur demander de payer plus, alors demandez-leur aussi ce qu’ils souhaitent financer. Engagez-vous à transformer les institutions pour qu’elles soient réellement au service de tous, et pas seulement de ceux qui détiennent le pouvoir.
Organisez ce référendum communal sur les priorités budgétaires. Ouvrez le débat. Donnez la parole aux citoyens, y compris ceux des quartiers populaires, des minorités racialisées, des précaires. Ce n’est qu’à cette condition que votre décision sera légitime.
Et surtout, Monsieur le Bourgmestre, souvenez-vous : la justice sociale et raciale ne se décrète pas. Elle se construit, collectivement, avec et pour ceux qui en ont le plus besoin.