OPINIONS | mardi 5 mars 2013 à 15h54
Monsieur « Indignez-vous » vient de mourir et ce n’est pas Monsieur l’avocat Uyttendaele qui le remplacera. Est-il ignorant, de mauvaise foi ou les deux ?
M. Uyttendaele est favorable à une rencontre entre le Recteur de l’ULB, M. Viviers et le Président de l’Etat d’Israël, M. Peres. Je sais que M. Peres est docteur honoris causa de l’ULB, que le Recteur, tout en étant très prudent, a dès lors une obligation à laquelle il ne peut sans doute pas se soustraire.
Les organisateurs de la rencontre
Il faut cependant savoir que la rencontre est organisée par le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB), ceux-là même qui ne perdent pas une occasion de critiquer l’ULB, notamment lorsque son Conseil d’Administration a décidé de reconnaître le Cercle Etudiant BDS (Boycott, Divestment and Sanction) en juillet 2012.
Je suis d’origine juive et attaché à plusieurs titres à l’ULB. J’y ai fait mes études et j’y ai enseigné comme professeur entre 1972 et 2004. J’y suis maintenant chercheur. Comme plusieurs autres, également d’origine juive, j’ai soutenu le Conseil d’Administration de l’ULB dans une Carte Blanche qui avait pour titre « Le boycott d’Israël : une opinion délictueuse ? » parue le 13 juillet 2012 dans Le Soir.
Nous n’y défendions ni ne soutenions le droit de boycotter l’Etat d’Israël. Quelles qu’aient à l’époque été nos opinions, là n’était pas notre propos. Notre propos était de défendre le Conseil d’Administration, qui après s’être dûment informé sur la question, avait décidé de reconnaître ce fameux cercle BDS. Cette décision a fait couler beaucoup d’encre et de poison contre l’ULB du côté des organisations juives de Belgique, y compris du CCOJB, dont le Professeur Sosnowski de l’ULB est le président.
Le président Peres
Voici sur la forme. Sur le fond, M. Peres n’a pas toujours été la blanche colombe que l’on croit. Il a été le protégé de Ben Gourion, dont on sait pertinemment bien aujourd’hui qu’il a souvent fermé les yeux et s’est bouché le nez lors des expulsions de palestiniens en 1947-48. M. Peres a été un des premiers à encourager la création de colonies dans les territoires occupés durant les années 1970. Il a été, comme la plupart des officiels israéliens, opposé à des discussions avec l’OLP d’Arafat. Il a essayé de circonvenir ce dernier en se concertant avec le Roi Hussein de Jordanie. Par la suite, et malgré l’un ou l’autre soubresaut de courage de temps à autre, il a navigué en eau trouble et a fini par devenir un président qui comme la plupart de présidents n’a pas beaucoup de pouvoir.
Il n’a d’aucune façon réussi à arrêter la fondation d’une université israélienne en territoire occupé (Ariel University, dans la colonie d’Ariel), ce qui va à l’encontre de tous les principes de droit international. En 2012, le Conseil des Présidents des Universités israéliennes a déposé une requête auprès la Cour Suprême d’Israël (High Court of Justice) contre la reconnaissance de l’appellation Université d’Ariel de ce qui, à l’époque, n’était que le Centre universitaire d’Ariel. En vain.
La décision finale de nommer « Université » ce Centre (je répète, illégal en droit international) a été prise à la sauvette, après une convocation de dernière minute du Conseil de l’Education Supérieure israélien en présence de 11 membres sur les 24 de la Commission qui devait statuer. Il faut ajouter que cette université, située en Palestine occupée, n’accepte que des étudiants israéliens (Juifs et autres) et pas des palestiniens.
M. Uyttendaele, vous qui êtes professeur dans la même université que moi, vous qui vous déclarez un « partisan inconditionnel de la création d’un Etat palestinien », vous auriez dû avoir entendu parler de la construction de cette université en territoire occupé, qui n’accepte pas d’étudiants palestiniens et qui est faite à l’encontre de tous les principes de droit international. Je répète, vous auriez dû le savoir. Après tout, sauf erreur, vous êtes juriste, non ?
Victor Ginsburgh
Spécialiste de l’économie de la culture, Victor Ginsburgh est aussi un polémiste et un observateur engagé de l’évolution du Proche-Orient. Juif, il plaide depuis longtemps pour une autre politique de la part d’Israël.