Ahmed Elasey , sdf abattu par les forces de l’odre condamné en appel à 6 ans fermes !

Bruxelles, juin 2019,

Sans-abri condamné pour tentative de meurtre il se voit augmenter sa peine en appel!

Comment dire, comment écrire, comment exprimer l’effroi que déclenche le verdict de l’appel  prononcé le 21 juin dernier au palais de justice de Bruxelles. Il s’agissait de l’appel du jugement qui condamnait en décembre 2018 M. Ahmed Elasey à cinq ans de prison fermes pour « tentative de meurtre ».

Les faits remontent au 17 septembre 2018 à Bruxelles, sur le trottoir de l’Office des étrangers, juste à côté du parc Maximilien. Plusieurs policiers viennent une nouvelle fois pour déloger M. Ahmed Elasey, mais que celui-ci refuse et s’assied pour fumer une cigarette. Cette attitude anodine en soi ne correspond pas aux attentes des forces de l’ordre et M. Ahmed Elasey se voit menacer par un policier avec sa matraque. Pris par la peur il veut qu’on lui fiche la paix et se lève pour s’en aller, son petit couteau à la main. La situation prend une allure qui aurait pu être qualifiée de rocambolesque, sauf que dans la vraie ville de Bruxelles, les nombreux policiers se dirigent vers lui et tentent de l’immobiliser brutalement. On bouge, on refuse et le couteau blesse un des policier au crâne. Aspergé et aveuglé par le spray des policiers, frappé, maintenu, il est alors visé par un policier qui tire trois balles. L’une le touche à l’abdomen, l’autre à la jambe, et les coups de pieds se poursuivent…
M. Ahmed Elasey est hospitalisé en soins intensifs! Il y sera interrogé par la police le lendemain et y séjournera 40 jours.




Notons que la blessure du policier au crâne, en outre qualifiée de légère, ne peut en aucun cas être imaginée comme « tentative de meurtre ». Le refus de M. Ahmed Elasey de lâcher son couteau, est effectivement ce qui  sous-tend l’ensemble de l’accusation policière. Cette attitude frondeuse de la part d’une personne sans-abri se transforme pour les policiers « qui ne font que leur travail »*, en prétexte de défendre un collègue, de telle sorte qu’ un des 6, 7 policiers si bien intentionné à l’égard de son collègue, tire tout bonnement à trois reprises sur Monsieur Elasey!

Alors la Cour se met tergiverser comme elle l’a fait en précisant certaines formulations telles que « avoir été porteur d’un objet piquant et tranchant…qui n’était pas … comme arme mais dont il apparait que le prévenu tentait manifestement de l’utiliser … pour blesser … »* blabla destiné à justifier la prévention de « tentative de meurtre » … « ces faits sont extrêmement graves le prévenu n’ayant pas hésité à tenter de tuer deux policiers qui ne faisaient que leur travail … manifestement mu par une rage difficilement contrôlable… »*

… On croit cauchemarder, c’est pas sérieux? eh bien si, hélas, pour la Cour, c’est plausible! Alors comment la Cour sait-elle que c’est « manifestement mu »* par quelque chose ? et comment la Cour prétend-elle savoir que le prévenu « n’a pas hésité à tenter de tuer »*? Même un profane en droit se rend compte que vouloir tuer quelqu’un.e ne ressemble pas à ce cas de figure, c’est criant.
Une personne sur la rue que les policiers viennent « embêter » fréquemment, à qui ils retirent les objets personnels, les voyant débarquer une nouvelle fois, n’a-t-elle donc pas de raison d’être irritée et de ne pas avoir envie d’obtempérer? Même s’il s’agit de forces de l’ordre?!
Les forces de l’ordre opèrent-elles de manière pertinente? Pour quelle raison sont-elles à 6 ou 7 à entourer une personne seule, même munie d’un canif? Cela justifie-t-il qu’un policier se permet de sortir son arme? de la pointer et de pan pan pan, tirer dans l’abdomen et les jambes? Et bien non! L’usage de la force, et à fortiori le tir d’arme à feu sont des matières strictement réglementées.

Mais la Cour, peut-être, permettons-nous des supputations puisque le juge le fait aussi (manifestement, il apparait, etc.. ne sont pas des fait avérés ni prouvés) donc permettons-nous de supputer que les tirs policiers qui ont failli couter la vie à un être humain démuni, doivent être absolument couverts et justifiés, imaginons aussi que le fait que nous ayons sorti cet homme de l’anonymat pourtant bien orchestré puisque les hôpitaux prétendaient ne pas l’avoir reçu, la presse ne le décrivant que comme un migrant dans un premier temps un SDF ensuite, cet anonymat a été contrarié par les actions de soutien et pis encore, des avocat.e.s se sont penché.e.s sur son dossier et ont effectué un travail juridique approfondi qui malheureusement va à l’encontre de l’accusation portée.

Donc qu’en résulte-t-il ? une augmentation de la peine initiale portée des 5 ans elle passe à 6 ans fermes! « celle prononcée par le premier juge étant insuffisante »* – « cette peine tient compte (…) aussi de la précarité sociale et financière dans laquelle se trouve le prévenu, des séquelles médicales qu’il subit toujours actuellement suite au coups de feu qui ont dû être tirés et son absence antécédents judiciaires »*
Quand on vous disait qu’on croit cauchemarder !
« La hauteur de cette peine ne permet pas d’accorder au prévenu une quelconque mesure de faveur. Par ces agissements le prévenu s’est largement montré indigne de participer à l’organisation de la société. »*
En fait il ne s’agit pas de vérité judiciaire et justifiée juridiquement sur base des textes de loi, il s’agit de la part des juges d’émettre leurs avis moralisateurs exprimés de la part d’une caste qui bien au chaud derrière son titre, se permet d’envisager la société d’une manière personnelle bien particulière.

Reprenons ici la citation d’Aharon Barak : « Le juge doit être conscient de son pouvoir ainsi que de ses limites. Dans une démocratie, les pouvoirs conférés au juge sont très importants. Le pouvoir judiciaire comme n’importe quelle autre forme de pouvoir peut faire l’objet d’abus. Il faut que le juge comprenne que son pouvoir se limite à son judiciaire à proprement dit »

Nous en sommes loin!

par Gene Vreden, groupe de soutien à Ahmed

juillet 2019

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