Mawda, Médusa : une nouvelle politique de la race

« Les personnes en séjour illégal constituant une menace pour la sécurité nationale (sic) seront recherchées en priorité et renvoyées au plus vite vers leur pays d’origine. L’arrivée massive de demandeurs d’asile a créé le besoin d’entreprendre une action visant à maintenir un contrôle maximal sur cet afflux. L’action Médusa a été mise sur pied dans cette optique-là. » (cf. « note de politique générale » présentée au parlement par le gouvernement le 3 novembre 2015)

Le cadre opérationnel Médusa mit en place par le gouvernement Michel (et encore récemment défendu par Pieter De Crem) considère les (trans)migrants comme une « menace à la sécurité nationale ». Le « Plan Médusa 2 » a été lancé en octobre 2017 en prévision de la fermeture du camp de migrants de Calais et visait à refouler les migrants à la frontière franco-belge qui tentaient de passer par la Flandre. Depuis ce cadre opérationnel s’est étendu aux autoroutes vers la France ainsi qu’aux gares. Notamment en conférant des missions spéciales à la police des autoroutes et du rail. Aujourd’hui ce dispositif de traques aux migrants vient se brancher sur un screening des demandes d’asile par la sûreté de l’État sensé identifier les « menaces potentielles pour l’ordre public ».

Médusa est ainsi devenue le nom infâme d’une frontière invisible qui sature l’espace de la circulation (autoroutes, gares, aéroports, trains, trams, métro, etc.), elle est devenue le nom d’une nouvelle logique d’apartheid. Médusa est le nom d’une nouvelle politique de la race. Elle se déploie comme une technologie de gouvernement par laquelle la dimension de la mort se trouve (ré)introduite dans les pratiques du biopouvoir ; elle en constitue le versant nécropolitique. Et comme tout dispositif de pouvoir Médusa produit aussi une façon de penser, elle génère un ensemble de propositions discursives. C’est sur cet imaginaire racial du migrant comme « menace à la sécurité nationale » que s’est appuyé, depuis le début, le parquet de Mons dans l’affaire Mawda. Cet esprit Médusa est la trame narrative qui circule à travers les différentes versions des événements construites par le parquet de Mons et en surdétermine la cohérence : « l’échange de tir », « Mawda utilisée comme enfant bélier », « la folle course poursuite » et aujourd’hui « la camionnette comme arme par destination ». Cette dernière fiction couple la politique de la race avec une sorte d’imaginaire islamophobe. Le lien se fait immédiatement dans l’inconscient islamophobe d’une partie de la population entre la camionnette considérée comme « arme par destination » et les « attentats » de Nice. Dans ces différentes versions, il s’agit, à chaque fois, d’entériner l’idée d’une légitime défense préventive de la part de la police contre les migrants.
On ne peut pas comprendre l’affaire Mawda sans prendre en compte cette nouvelle politique de la race. Mawda est le nom d’un point de rupture dans cette politique, d’une interruption profonde de sa naturalité qui devrait nous contraindre à interroger en profondeur les types d’assujettissement, les types de subjectivités que fabrique Médusa. Mawda est le nom d’une forme de subjectivation politique qui s’articule autour de deux exigences : la vérité et la justice.
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