Belgique et racisme d’Etat : illustration par le cas Kimyongur


Jean Bricmont, sur le mur Facebook duquel je suis tombé sur l’article du Soir, ne le dit évidemment pas (il en est incapable) mais cette histoire est une illustration supplémentaire flagrante de ce dont certains s’obstinent à nier l’existence, alors que d’autres souhaitent poursuivre ceux et celles qui en parlent et le combattent : le racisme d’État.

 

Kimyongur en est victime parce qu’il s’appelle Kimyongur.

Il est « binational ». Il a deux cartes, oui, mais c’est une paire pourrie.

Il est belgo-turc ou turco-belge.

 

S’il était franco-belge ou belgo-luxembourgeois ou belgo-israélien et que sa tête était mise à prix par la Turquie, c’est à une toute autre histoire qu’on aurait droit. De la part du Soir d’abord[1] qui nous ferait un article qui ne serait pas implicitement à charge. En résumé : il a été poursuivi pour ceci, a été arrêté pour cela, écrit un livre sur une terroriste fugitive condamnée dont il a été accusé d’être le complice, etc. Le Soir nous parlerait de Loups Gris, de professeurs et de journalistes turques en prisons et bien sûr, d’Erdogan l’islamiste (c’est-à-dire le musulman). Les réactions des différentes chancelleries concernées seraient sans doute aussi bien différentes puisque, déjà, elles auraient existé, ainsi que, automatiquement, leur reprise dans les médias.

 

Kimyongur, bien qu’il ne se définisse politiquement pas comme ça à ma connaissance, est un Indigène. Quel pays au monde extrade l’un de ses ressortissants ? Ou plutôt quelqu’un qu’il considère comme l’un de ses ressortissants, vers un pays par ailleurs largement considéré comme rétrograde ou subissant un régime qui porte atteinte à « nos » valeurs, etc. ? Aucun.

 

Bahar, grâce à son intelligence, à sa résilience, à ses soutiens directs comme indirects, parmi lesquels je compte les juges qui ont eu la lucidité et le courage, au bord du gouffre, de ne pas le pousser par reflex vers un destin définitivement funeste et grâce à la chance, est libre. Ou en tout cas n’est pas dans une geôle tuque, ou belge.

 

Nizar Trabelssi, lui, belge aussi, mais surtout tunisien, en tout cas pas luxembourgeois ou israéliens, ancien joueur de D1, condamné par la même Justice belge déjà mentionnée, ayant purgé la totalité de sa peine (un truc aussi fréquent en Belgique que le passage de la comète de Halley) a été livré sans trop de bruits aux geôles étasuniennes.

 

Ali Aarrass, belgo-marocain, ancien soldat de l’armée … belge, lui, a été abandonné, il y a plus de 7 ans, aux griffes infâmes du corrompu système judiciaire marocain, par le biais de l’européen et démocratique gouvernement espagnol dont la Justice nous inspire confiance. Guantánamo a aussi ses sous-sols.

Si on ajoute à cet immonde tableau, parmi d’autres exemples, le cas des soudanais récemment déportés, la Belgique, petit royaume artificiel et colonialiste, composé officiellement de trois communautés aussi blanches les unes que les autres, se construit un méprisable palmarès d’extraditions de basanés vers des pays où l’on bafoue les droits humains les plus élémentaires, où l’on torture sans vergogne.

 

Être Indigène et binational ça ressemble à ça. Tu as un pays qui veut ta peau et un autre pour qui elle ne vaut rien, indifféremment du sens dans lequel ça se matérialise. Mais, pour moi et beaucoup d’entre nous, quand ça vient du sens dont est supposé venir la lumière, c’est tout simplement aveuglant d’un racisme d’État structurel et donc prégnant, permanent, héréditairement transmissible, et à éradiquer, pour notre dignité et celle de nos enfants.

Par Mouhad Reghif, membre des Bruxelles Panthères

[1] 

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