Nous défendons des acquis sociaux !

« Je ne comprends pas qu’on puisse se désolidariser de ses propres enfants en ne réagissant pas aux mesures prévues par le gouvernement fédéral comme le fait l’auteur de l’opinion “Je n’irai pas manifester ce jeudi” paru dans La Libre du 6 novembre » (voir lien ci-dessous). Une opinion de Sandrine Vancampenhout, citoyenne engagée.

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Chers citoyens, chères citoyennes ulcéré(e)s par les manifestations,

Moi aussi, j’en ai ras-le-bol. D’ailleurs, la coupe a débordé depuis quelques semaines. Nommez cette goutte comme bon vous semble, disons Bartchel Jamcken, pour le patronyme. Nous en avons ras-le-bol, mais nous ne nous plaignons pas, nous nous indignons.

Je suis peut-être salariée, peut-être indépendante. J’aurais pu tout aussi bien être au chômage, être sans-abri… La fonction n’empêche pas la conscience sociale.

Oui, nous défendons les droits des travailleurs, mais pas seulement. Nous défendons des acquis sociaux. Nous défendons les luttes antérieures des travailleurs, nous défendons l’avenir de nos enfants, et des vôtres. De nos petits-enfants, et des vôtres. Personne ne vous a obligé à descendre avec nous dans la rue. A votre grand dam, je tiens à vous signaler que des trains roulaient. Des bus, des trams, des métros. Et quand bien même si cela n’avait pas été le cas, personne ne vous a empêché de prendre vos dispositions pour vous rendre sur votre lieu de travail.

Quant au trou budgétaire, pensez bien que celui-ci n’a pas attendu les actions de grève pour pointer le bout de son nez. Le trou budgétaire a bon dos quand ce sont les citoyens qui doivent le colmater. Le trou budgétaire, comme vous dites, il y en aurait des alternatives pour y mettre fin. La retraite à 67 ans nous concerne tous. Si vous êtes motivé à l’idée de travailler jusqu’à cet âge, grand bien vous fasse, il existe déjà des bonus à la pension, faites-vous plaisir, c’est possible ! Mais très peu pour moi. Je ne travaillerai pas jusqu’à 67 ans, et mes enfants non plus, que Bartchel Jamcken se le dise bien, et qu’il se le répète jusqu’à ce que cela soit bien ancré.

Quant à vos pertes de revenus suite à vos congés, ne vous en faites pas. Les grévistes syndiqués ont, eux aussi, perdu une journée de salaire. Au mieux, ils auront prévu le coup, et auront pris un congé payé pour se rendre à la manifestation. Au pire, ils auront pris un congé sans solde, et auront été indemnisés de dix euros. Comprenez bien que nous préférons perdre une journée de salaire, plutôt que de nous plaindre dans notre fauteuil sur les derniers accès suicidaires du gouvernement.

Je remarque que bien souvent, les ulcérés comparent notre situation à d’autres systèmes, “moins pires”. Oui, certes, nous sommes mieux lotis que d’autres. Est-ce une raison pour ne pas s’indigner ? Est-ce une raison pour accepter d’être dépouillés de nos acquis de la sorte ? Non, nous n’attendrons pas que le gouvernement fasse ses preuves. Le peu que nous en avons vu suffit pour se forger une idée. Je n’ai pas voté pour le MR, et encore moins pour la N-VA. Et je refuse d’être gouvernée par un gouvernement raciste, fasciste et antisocial (entre autres). Encore une fois, les ulcérés comparent le gouvernement : avec un autre parti au pouvoir, moins pire ou meilleur devenir ? La réponse est pourtant simple. Qu’importe le nom du parti qui gouverne, de telles mesures ne peuvent pas passer. Je ne pense pas que le PS aurait été forcément mieux. Une gauche de droite, très peu pour moi. Mais une chose est sûre, c’est toujours moins pire. Et une chose est tout aussi sûre, si le PS avait mis en place de telles mesures, la réaction aurait été la même.

Le pétrin dans lequel nous nous trouvons n’est pas dû aux personnes qui subsistent grâce à la sécurité sociale ou à l’aide sociale du CPAS. Avec un peu d’imagination et de créativité, nous pourrions d’ailleurs colmater le trou budgétaire : en réduisant les salaires des ministres, en faisant payer plus d’impôts aux grandes entreprises, aux multinationales, en investissant dans l’éducation. Evidemment, cela ne plairait pas à la classe dirigeante… Alors sucrons les prolétaires. On ne change pas une équipe qui gagne, n’est-ce pas ? Voyez, les solutions existent.

Pour reprendre votre exemple, ou tout du moins le compléter, voici le tableau : le parent qui, suite à un accident ne peut plus travailler, n’aura à long terme sûrement plus d’aide financière octroyée par notre “système social”. Il n’y aura plus de système social. Il y aurait donc tout intérêt à ce que les travailleurs luttent pour que soient garanties des allocations ou des indemnités quelconques en cas d’accident. Au-delà de l’accident de voiture, le chômage peut être considéré comme tel. La pension, peut être considérée comme un droit à pouvoir jouir de sa vie un minimum après avoir travaillé pendant plus de 40 ans ! Mettons les vieux à l’emploi plus longtemps, ça réduira le chômage des jeunes…

Les pensions ? Rabotées. Le chômage ? Raboté. Les allocations familiales ? Rabotées. Je ne vous parle pas du pouvoir d’achat, de l’index, de la suppression des barèmes d’ancienneté. Les soins de santé ? Rabotés. A deux coups, le parent accidenté de votre exemple ne pourra même pas se soigner. Elle n’est pas belle la vie ? Mais ne nous plaignons pas. Il y a les travailleurs de l’Est. Il y a aussi les petits enfants, en Chine, en Inde, en Afrique, qui triment pour gagner un peu d’argent. Il y a aussi des pays où les allocations de chômage, ça n’existe pas, où la pension est une misère. Il y a des recoins du monde où il n’y a pas d’eau. Alors surtout, ne nous plaignons pas. Il y a plus mal loti, et les exemples ne manquent pas. Faudrait-il alors être dans ces situations extrêmes pour que vous nous accordiez ENFIN le droit de nous indigner ? Serait-ce alors plus légitime ?

Il n’y a plus de sous dans les caisses de l’Etat ? Disons plutôt qu’il y a des sous, mais qu’il y a surtout des priorités. Et que nos priorités ne sont pas les mêmes que ceux qui nous dirigent. Des solutions, nous en avons à la pelle. Mais les riches, ont encore une fois, leurs poches cadenassées, et préfèrent faire porter le chapeau aux gens précarisés, aux petits travailleurs. Divisons pour mieux régner : le travailleur râle sur le chômeur, le chômeur râle parce que “l’étranger” lui pique son boulot, ou parce qu’il “profite de la Sécu” (oui ! Les “étrangers ont le pouvoir de voler le boulot des autres et de gratter la Sécu et l’aide sociale en même temps : ils sont magiciens). Et en attendant, tout ce joli monde se tire dans les pattes. Ha ça ! Ça en arrange du monde. On regarde vers le bas, jamais vers le haut.

Vous vous êtes déjà vus, assis dans votre fauteuil ? Parce que j’en ai vu, dans leur fauteuil, qui sont aussi complètement saouls. Les gens qui urinent en rue n’ont pas attendu la manifestation, et ne sont pas tous syndiqués, rassurez-vous. Moi ce que je trouve désolant, c’est d’avoir permis la mise en place d’un pareil gouvernement.

Une citoyenne qui se demande comment faire entendre notre mécontentement si ce n’est en descendant dans la rue. Après réflexion, peut-être qu’avec un bouquet de fleurs et une jolie carte postale envoyée par recommandé, ils remettraient en question leurs mesures…

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