Alors que se commémorait – le 17 janvier dernier – le 53ème anniversaire de la mort de Patrice Lumumba, le Département d’Etat des USA a reconnu, dans un document, son implication dans le renversement et l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Congolais. Ce document de 900 pages nommé « Congo 1960-1968 » a été déclassifié. Analyses.
« Une oreille a été coupée de la tête de Lumumba », voilà ce que l’on peut lire dans ce document qui retrace, en toute transparence, la politique des USA au Congo dans les années soixante. Pour les panafricanistes et antiimpérialistes, il ne faisait aucun doute de l’implication de la CIA et des services secrets belges dans l’assassinat de Lumumba. Ce document d’archives, déclassifié 50 ans après, nous le confirme et livre des anecdotes.
Il est expliqué que « Dès août 1960, le gouvernement américain a lancé un programme politique secret au Congo qui a duré près de 7 ans, d’abord en vue d’éliminer Lumumba du pouvoir et de le remplacer par un leader prooccidental plus modéré ». Inutile de préciser que ce fameux leader fut JosephDésiré Mobutu (pas encore Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, père de la nation…), qui était à l’époque Chef d’étatmajor de l’armée congolaise.
Un mobile clair, un crime qui le devient
Toutefois, à la lecture de ce document, il est clairement indiqué que la première crainte des USA était de voir Lumumba s’allier avec l’ennemi communiste. Ce n’est donc pas Lumumba luimême qui faisait peur aux puissances occidentales mais bien le spectre communiste, l’URSS en tête, à l’assaut du Congo et de toutes ses richesses naturelles. Le Katanga de Moïse Tshombé était la région la plus riche du Congo en termes de matières premières, et cela n’a pas échappé aux Américains qui, dans cette note confidentielle, énumèrent les bienfaits de cette province : « Le Katanga fournit deux tiers de la valeur totale de la production minérale du Congo le cuivre de tout le Congo (7% de la production mondiale), le cobalt (60 % de la production mondiale), le manganèse, le zinc, le cadmium, germanium et de l’uranium ».
Tshombé déclara l’indépendance du Katanga le 11 juillet 1960, soit 11 jours après l’indépendance du Congo, et demanda à la Belgique une aide pour former une armée katangaise.
La France, voulant également profiter du minerai de cette province, envoya son « Corsaire de la République », Bob Denard, en renfort. Concernant les circonstances de l’assassinat de Lumumba, sujet à de nombreuses divergences chez les historiens, un télégramme daté du 8 février 1961 rapporte que « Patrice Lumumba, Okito et Maurice Joseph Mpolo furent exécutés peu de temps après leur arrivée à Elisabethville le soir du 17 janvier. Le soldat Jan.Katanga a abattu Okito et Mpolo. Un agent belge a exécuté Lumumba avec une rafale de mitraillette fireat 2300Z le 17 janvier. Une oreille a été coupée de la tête de Lumumba et envoyée à Albert Kalonji, président du SudKasaï [une autre région sécessionniste]. Les trois corps ont été enterrés dans une fosse commune. ». Kalonji, âgé de 84 ans, est toujours vivant, et malgré ces révélations qui montrent clairement sa complicité, il n’est pas poursuivi par la justice…
Et en France ?
Le gouvernement américain, qui a une responsabilité directe dans le sort réservé au Congo depuis son indépendance, montre la voie en déclassifiant des archives secrètes, même si cette démarche est effectuée un demisiècle plus tard. La France devrait prendre exemple de cette initiative : les Français mais surtout les Africains veulent savoir la vérité sur les assassinats, coups d’Etats, déstabilisations orchestrés sur le continent noir.
Vous venez de lire un article du mensuel Billets d’Afrique 232 – février 2014.