Pour que s’arrête la peur !

 

Pierre PICCININProfesseur d’histoire et de sciences politiques

Europe – Sionisme – Pour que s’arrête la peur ! (La Libre Belgique, 28 octobre 2011)

« Conflit israélo-palestinien : dérapage à l’ULB », La Libre Belgique, 27 septembre 2011

Le mardi 27 septembre, le quotidien La Libre Belgique (LLB), auquel je collaborais depuis plusieurs années, a publié un billet assassin m’incriminant personnellement, ainsi que Souhail Chichah, chercheur en économie de la discrimination à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

Selon les termes de ce billet, Souhail Chichah et moi-même, tous deux « membres de l’ULB », aurions « approuvé les outrances d’un étudiant en sciences politiques » qui, dans un commentaire posté sur le site de socialisation Facebook, qualifiait de manière peu amène le philosophe Guy Haarscher, professeur à l’ULB (l’étudiant réagissait aux prises de position de ce professeur, favorable à l’intervention de l’OTAN en Libye).

À l’origine de ce billet ? Une déclaration de l’Union des Étudiants juifs de Belgique (UEJB), qui, faisant écho à une publication du site Philosémitisme, se disait inquiète de « l’importation du conflit israélo-palestinien en Belgique ».

On notera d’emblée que le propos de l’étudiant portait sur la Libye et non pas sur Israël ou la Palestine; on se demandera dès lors pourquoi l’UEJB s’en est inquiétée et pourquoi LLB a cru utile de titrer sur le conflit israélo-palestinien (en fait, seul le mot « sionistes », dans le texte de l’étudiant, présente un quelconque rapport avec Israël; rien d’autre).

On notera également que ce ne sont pas les mots « va-t-en-guerre » et « atlantiste » qui semblent poser problème, mais le mot « sioniste ». Or, ce mot n’a aucune connotation raciste, contrairement à ce que le ton « alarmant » de l’article essaie cependant de suggérer (sioniste : qui milite pour la constitution d’un État juif en Palestine –dictionnaire Larousse).

On notera encore que LLB a choisi de ne publier du commentaire de l’étudiant que les quatre mots qui pouvaient choquer, quatre mots totalement détachés et du contexte et du contenu du commentaire.

On notera enfin que c’est là tout ce que l’UEJB a pu trouver, semble-t-il, c’est-à-dire absolument rien du tout, en scrutant pourtant les moindres de mes gestes et paroles et en espionnant quotidiennement les pages Facebook de mes collègues et la mienne.

Non seulement, je ne suis plus membre du personnel scientifique de l’ULB et n’exerce plus aucune fonction dans cette université (si l’auteur du billet avait eu la déontologie de me contacter et de vérifier ses sources, comme le fait un véritable journaliste, il aurait pu s’épargner cette bévue).

Mais, d’autre part, je n’ai nullement « approuvé » (ni, par ailleurs, non plus condamné) les « outrances » ou le caractère satirique de cette boutade estudiantine, somme toute fort banale pour qui fréquente les cercles de baptême.

En revanche, j’ai certainement apprécié la substance du propos de l’étudiant, qui semble avoir tout à fait échappé à l’auteur de ce billet de presse bien peu honorable : j’ai pu considérer le propos de l’étudiant sur l’intervention atlantique en Libye avec d’autant plus de pertinence que je venais alors de rentrer de Benghazi et d’avoir passé plusieurs jours sur le front libyen, en compagnie des combattants de la rébellion, où j’avais pu constater une réalité très éloignée de la simplification manichéenne véhiculée par les médias européens et promue par certains intellectuels ignorant tout de cette réalité.

Aurais-je dû me montrer plus prudent, du fait de cette raillerie grivoise?

D’une part, je ne suis pas l’auteur de ces mots (c’est là le style d’un étudiant; ce n’est pas le mien) et, d’autre part, Facebook n’est quand même pas Le Monde diplomatique, mais un lieu propice aux conversations informelles où le sens de la diatribe et la libre polémique devraient pouvoir s’exprimer sans censure. Surtout, j’aurais fait plus attention si j’avais pu imaginer qu’il existait des esprits à ce point retors, pour fouiner ainsi dans les moindres de mes actes et essayer de me couvrir d’opprobres sur leur site ignoble. Mais, en vérité, je dois avouer que ce ne sont pas ces quatre mots qui avaient attiré mon attention et -peut-être ai-je les idées trop larges- que je n’en avais pas même souvenir lorsque je les ai vu reproduits par LLB.

Cela étant, ce billet n’aurait bien évidemment eu aucun retentissement ni impact, s’il ne s’était agi que du mot un peu trop cru d’un étudiant taillant un costard à l’un de ses professeurs, un mot posté sur Facebook et négligemment (imprudemment !) relevé d’un « like » (« dérapage sur le net » eût d’ailleurs mieux convenu en titre de ce billet, si dérapage il y avait eu).

L’intérêt est donc ailleurs : l’UEJB a voulu jeter le discrédit et, par l’exercice d’une diffamation suggestive, laisser entendre que, peut-être, ces deux enseignants, qui auraient « approuvé » l’expression qui fâche, ne seraient pas tout à fait exempts d’une ou l’autre mauvaise pensée… Pour ce faire, la moindre aspérité est extraite de son contexte, transformée en faux pas et utilisée, montée en épingle, remodelée et balancée sur la place publique, sans autre forme de procès. Et le saut est fait, en un clin d’œil, du rejet du sionisme à l’antisémitisme.

Antisémitisme ! Le mot est lâché.

Et l’exercice est concluant. Pour en avoir la preuve, il ne faut pas se donner plus de mal que la peine de lire les dizaines de réactions de la foule désinformée, hallucinantes, plus exaltées les unes que les autres, qui se sont bousculées sur le site de LLB après la publication de l’article en question : « Boycott de l’ULB devenue un repaire d’antisémites! Quelles sanctions contre Chichah et Piccinin ? » ; « Un assistant et un prof qui approuvent des propos pareils, on doit les virer illico! » ; « C’est tout de même troublant qu’une unif laisse enseigner un antisémite » ; « Plus un pays s’islamise, plus il devient anti-israélien et antisémite » ; « Belle illustration de la ‘Libre Pensée’ que ce lâchage antisémite! », etc.

En publiant ce coup-bas racoleur, LLB a choisi son camp : celui de la délation manipulatrice malsaine. LLB a publié quatre mots totalement hors contexte et laissé chacun se faire une idée… une fausse idée. C’est cela de la « diffamation suggestive », dont transpire ce billet.

Le procédé n’est pas nouveau et ce genre d’attaque ne m’est pas inconnu.

Il y a trois mois à peine, j’avais une nouvelle fois fait l’objet d’un même amalgame vicieux, dans le mensuel Points critiques, la revue de l’Union des Progressistes juifs de Belgique (UPJB) :  dans un article intitulé Pour en finir avec (l’imposteur) Dieudonné (Points critiques, juin 2011, p. 16  et p. 17), un « journaliste » associait mon nom à l’extrême-droite et, se référant à un douteux ouvrage publié en France (M. BRIGANTI et al., La Galaxie Dieudonné), me stigmatisait, ainsi que Souhail Chichah et plusieurs autres intellectuels belges, comme membre d’un réseau antisémite promouvant l’amalgame entre l’antisémitisme et l’antisionisme dans le but d’inciter au racisme.

Premièrement, l’ouvrage qui était cité ne fait pas la moindre allusion à moi et, deuxièmement, j’ai dénoncé à maintes reprises cet amalgame, auquel encouragent au contraire les organisations sionistes, dans le but de discréditer et d’intimider, en les taxant d’antisémitisme, les intellectuels qui s’opposent au sionisme, c’est-à-dire à la politique colonialiste de l’État d’Israël en Palestine (voir le droit de réponse).

Procédés diffamatoires, donc, dans le chef de l’UPJB. Et usage décomplexé de cet amalgame que l’UPJB prétendait pourtant dénoncer…

Le billet du 27 septembre, procédé habituel de ces milieux, n’aurait donc pas eu plus de conséquence, si toutefois LLB, en la rédaction duquel quotidien j’avais toute confiance, n’avait décidé, en quête de dédouanement, de mettre un terme à notre collaboration et de refuser désormais de publier mes contributions, sans même demander à m’entendre.

En outre, alors que nous avions eu un entretien téléphonique des plus aimables au cours duquel m’avait été assuré un espace de réponse comme mon droit le plus évident, la rédaction m’a, une demi-heure plus tard, adressé un courrier laconique me déniant ce droit de réponse (par l’intervention de mon conseil juridique, la LLB a depuis lors été mise en demeure de publier ma réponse, selon les prescrits légaux, et n’a pas eu d’autre choix que de s’exécuter (voir le droit de réponse, dans LLB du 28 octobre 2011; toutefois, LLB n’a pas rempli ses obligations puisqu’elle n’a pas publié ce droit de réponse  à la une de la version électronique; aussi, j’envisage une action en justice dans le but d’obtenir la condamnation du journal).

Je déplore d’autant plus cette attitude indécente de la part de ce quotidien, qu’il avait encore publié deux de mes articles il y a quelques semaines à peine, à la suite des investigations que j’avais menées en Syrie au courant du mois de juillet.

Et je m’interroge sur les raisons pour lesquelles ce simple fait divers d’une dizaine de lignes a curieusement été mis à « la une » de l’édition électronique du journal : tous ceux qui ont consulté le site de LLB ne pouvaient pas ne pas le voir. En cela, LLB a participé a la campagne de diffamation qui nous vise, Souhail Chichah, d’autres et moi.

Tout comme je m’interroge également sur ce qui est en train d’arriver au sein de la rédaction de LLB. C’est que cette « dénonciation » traînait déjà sur le site Philosémitisme depuis quinze jours avant sa publication par LLB ; Philosémitisme, ce site haineux, qui pratique la délation anonyme, ce site nauséabond… Est-ce donc là que, désormais, les journalistes de LLB iront chercher leur inspiration ?

Il est en tout cas très inquiétant qu’un grand quotidien reproduise et cautionne de la sorte des propos tirés d’une publication dont le seul objectif est d’inciter à la haine.

Quoi qu’il en soit, par cette décision et en me fermant désormais ses colonnes, LLB offre à ces groupes de pression une belle victoire, et la démocratie et la liberté d’expression n’en sont que plus affaiblies.

Pourquoi ces attaques et ce système, qui peuvent apparaître incroyables, aujourd’hui et dans un pays démocratique comme la Belgique, où l’on pourrait se croire en sécurité, libre de ses opinions, à l’abri de ce genre de procédés ?

J’en ignorais jusqu’à l’idée, il y a un an encore ; et, si quelqu’un m’avait expliqué que, en Belgique, dans les années 2010’, de tels procédés étaient mis en œuvre par des associations juives et que leurs manœuvres pouvaient être couronnées de succès, je suis à peu près certain que j’aurais eu grand mal à le croire. Et pourtant, c’est, depuis un an, la réalité de mon quotidien…

En avril 2010, au grand dam du Cercle du Libre Examen, organisateur de l’événement, les autorités de l’ULB avaient censuré la projection du film du journaliste Olivier Mukuna, film dont le sujet central, l’humoriste français Dieudonné, avait déchaîné les passions et provoqué une levée de boucliers dans les rangs du Comité de Coordination des Organisations juives de Belgique (CCOJB), organisation puissante, membre du Congrès juif européen et du Congrès juif mondial.

Révolté par ces pratiques liberticides, me sentant personnellement attaqué dans ma liberté de juger de par moi-même, j’avais alors pris ma plume pour m’indigner publiquement de l’accumulation de décisions de cet acabit, de plus en plus fréquentes dans le chef des décideurs ulbistes (P. PICCININ, Censure, pressions ou usure? Qu’est-il en train d’arriver à l’Université Libre de Bruxelles?, L’Écho, 5 mai 2010; et La Libre Belgique, 7 mai 2010).

Le 20 septembre 2010, au terme d’une longue polémique et d’interventions médiatiques, le film fut finalement projeté dans le grand auditorium Janson, à l’ULB (mais pas dans les meilleures conditions). La projection fut suivie d’un débat, qui tourna presque au pugilat verbal : venus en force, des membres des diverses organisations juives évoquées plus haut, accompagnés de surcroît d’hommes armés -envoyés sur le campus par le « Bureau exécutif de Surveillance communautaire » (BESC), sorte de milice juive, présente sur le territoire national et dont la légalité et les contours exacts posent question-, se sont déployés dans l’assemblée et ont tenté de saboter la conférence par des cris et des menaces physiques, interrompant régulièrement le déroulement du débat (voir la vidéo de la conférence -à la sortie de la conférence, un journaliste et un photographe qui s’intéressaient à la présence du BESC ont été pris à partie et molestés par ses membres; les miliciens du BESC ont obligé le photographe a effacer toutes les photographies qu’il avait prises).

Durant toute la conférence, ces éléments perturbateurs ont surtout visé Souhail Chichah, un des orateurs, très critique vis-à-vis de la politique israélienne en Palestine.

Dans les semaines qui ont suivi cette conférence, Souhail Chichah a reçu de nombreux courriers le menaçant d’être tabassé, le menaçant de mort, menaçant sa famille. Il fut plus tard victime d’une tentative d’attaque au couteau, qui échoua grâce à l’intervention de voisins.

Plusieurs sites sionistes l’ont attaqué sur internet et ses propos furent volontairement déformés : alors que Souhail Chichah, comparant la situation des immigrés maghrébins en Belgique à celles des Juifs qui fuyaient les persécutions, avait expliqué que ces derniers avaient souffert de la pauvreté et qu’ils avaient eu aussi été perçus comme sales, nuisibles, ces sites ont asserté qu’il s’était exclamé « sales Juifs ! ».

L’UEJB a diffusé une petite vidéo intitulée « Dérives incontrôlées à l’ULB », grossier montage de plans découpés, filmés lors de la conférence du 20 septembre, et de phrases extraites de leur contexte, et ce dans le but de le faire passer pour antisémite (la conférence avait cependant été intégralement filmée ; la supercherie a rapidement été démontrée –voir la vidéo de la conférence).

Enfin, le CCOJB, très présent à l’ULB, demanda des sanctions, à savoir le licenciement du chercheur.

Étant informé de cette situation infernale et nerveusement insoutenable, que subissait cette personne pour avoir osé s’exprimer sans détour sur le conflit israélo-arabe, comment pouvais-je décemment me terrer dans la sécurité de ma réserve, me taire ? A fortiori alors que j’avais assisté à cette conférence du début jusques à la fin. Je suis donc intervenu une seconde fois dans ce contexte, en publiant une carte blanche appelant à la mobilisation contre le terrorisme de la pensée (P. PICCININ, La Liberté d’expression menacée de mort, La Libre Belgique, 14 octobre 2010).

C’est alors que j’ai moi-même commencé à faire l’objet des mêmes tentatives d’intimidation…

Menaces de mort, courriers d’insultes, lettres adressées à mes collègues m’accusant d’antisémitisme, à mes supérieurs demandant mon licenciement, calomnies sur internet, où j’ai été attaqué aussi parce que d’obédience catholique (voir par exemple Juif.org ; France-Israël ; Philosémitisme)… Des extraits de conversations de ma page Facebook ou des parties de phrases de certains de mes articles, sortis de leur contexte, se sont retrouvés sur des sites sionistes, déformés et montés en épingle, sous l’étiquette de l’antisémitisme. Et, systématiquement, les noms des institutions où j’enseigne sont mentionnés, avec insistance, dans le but de provoquer l’inquiétude de mes supérieurs et des les amener à se désolidariser.

Plus sérieusement, ma participation à des conférences et tables rondes a été à plusieurs reprises annulée (par exemple : participation déprogrammée par l’IERI), et ces mêmes sites sionistes s’en sont vantés (voir Juif.org) : des avalanches de courriers menaçant de boycott effrayaient les propriétaires des salles ; des menaces sur la carrière des organisateurs les amenaient à renoncer (l’un d’eux m’a appelé, paniqué, un matin, à l’aube, tant il avait reçu de courriers d’une singulière véhémence, pour s’excuser de devoir annuler tout un programme).

Parfois, je me dis que j’aurais mieux fait de dessiner des caricatures de Mahomet; on m’aurait probablement donné un prix et une médaille…

Par recoupement, il a été possible d’établir que ces différentes interventions étaient coordonnées, résultats de mots d’ordre et d’organisations pyramidales, et ne résultaient pas d’initiatives individuelles isolées.

Interpellée à diverses reprises, dans l’expectative, ma direction m’a demandé de m’engager par un écrit, dans lequel je promettais, d’une part, de ne pas faire état, dans mes cours, d’opinions personnelles sur les questions ayant trait au Moyen-Orient ou au conflit israélo-arabe et, d’autre part, de ne plus mentionner lors de mes conférences ou interventions publiques le nom de l’institution dans laquelle j’enseigne.

Cet engagement fut signé à huis-clos et le document, à caractère strictement confidentiel, archivé par l’administration.

Quelques jours plus tard, plusieurs sites sionistes publiaient de larges extraits du texte…

Une enquête est aujourd’hui en cours, pour identifier la (ou les) personne qui, ayant partie liée avec les milieux sionistes, a subtilisé et transmis ce document.

Ainsi, le billet publié ce 27 septembre par LLB et la décision de la rédaction de ce quotidien constituent le dernier acte en date dans cette campagne de destruction.

C’est comme cela que l’on essaie de faire taire.

Par l’exercice d’un terrorisme intellectuel qui muselle souvent même les plus vertueux, par cet amalgame facile à générer dans l’esprit de personnes peu averties, où se mélangent antisionisme et antisémitisme, où le fait de critiquer Israël et la politique colonialiste en Palestine, le sionisme, est perçu comme le symptôme d’un racisme antijuif, de l’antisémitisme.

Souhail Chichah et moi ne sommes pas seuls à faire l’objet de pressions et d’intimidations.

Des centaines d’intellectuels, connus ou anonymes, sont sous la menace, en Belgique, en France, ailleurs en Europe et aux États-Unis : Charles Enderlin, journaliste, harcelé par de violentes campagnes de dénigrement depuis plus de dix ans, pour avoir rapporté la mort du petit Mohamed al-Dura, un enfant palestinien tué par l’armée israélienne en 2000 et devenu le symbole des injustices commises par l’État hébreux. L’écrivain Paul-Éric Blanrue, auteur de Sarkozy, Israël et les juifs, ouvrage dont aucune des maisons d’édition qui publiaient ordinairement ses oeuvres n’a voulu et que certains diffuseurs ont refusé de distribuer. Le caricaturiste Siné, collaborateur historique de Charlie Hebdo, dont il a été licencié pour une chronique dans laquelle il avait ironisé sur le rapport entre les Juifs et l’argent. Eric Mazet, journaliste, mis à pied en septembre dernier pour avoir osé poser la question « DSK est-il soutenu par un lobby juif ? ». Plus récemment, encore, Étienne Leenhardt, directeur-adjoint de l’information de la chaîne de télévision France 2, attaqué par le Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF) à la suite d’un reportage qui analysait le fonctionnement du lobby israélien aux États-Unis… La journaliste Silvia Cattori, le journaliste Alain Ménargues, l’éditeur Éric Hazan, le philosophe Alain Badiou, le journaliste Richard Labévière, l’universitaire Pascal Boniface, les écrivains Pierre Péan et Renaud Camus, etc.

On pourrait multiplier ainsi les exemples.

Des personnalités juives aussi en sont victimes, accusées d’être antisémites ( !) et harcelées par des groupes de pression.

La liste en est longue : Stéphane Hessel, rescapé du camp concentrationnaire de Buchenwald, l’auteur du désormais très célèbre Indignez-vous ! ;  il avait osé soutenir le mouvement de boycott des produits israéliens pour protester contre le sort fait à la population de Gaza ; en janvier dernier, le CRIF et l’organisation juive Europe-Israël lançaient une campagne contre cet esprit libre et contraignait les autorités de l’École Normale Supérieure (Paris) à annuler sa conférence. Mathieu Kassovits, réalisateur français, qui avait dénoncé le sionisme radical, expliquant que ce sont ces méthodes, précisément, qui choquent les gens et sont à l’origine d’une recrudescence de haine envers les Juifs. Noam Chomsky. Ou encore Norman Finkelstein, professeur de sciences politiques à l’Université DePaul de Chicago et remercié après la publication de son essai L’industrie de l’holocauste, ouvrage dans lequel il regrettait la manière dont les Juifs sionistes instrumentalisent le génocide des Juifs d’Europe pour justifier la colonisation israélienne en Palestine et imposer le silence aux critiques. Edgar Morin, qui avait dénoncé dans le journal Le Monde la ghettoïsation des Palestiniens et les humiliations subies. Daniel Mermet, journaliste, attaqué par l’Union des Étudiants juifs de France pour avoir critiqué la politique d’Ariel Sharon. Gilad Atzmon, Olivia Zemor, Esther Ben Bassa, etc.

C’est l’inquisition en marche et tout le monde tremble, journalistes, politiciens, magistrats.

Dans plusieurs articles, pourtant, j’avais clairement pris position par rapport à l’antisémitisme, que j’ai toujours condamné sans ambiguïté aucune, et j’avais essayé d’expliquer au mieux comment antisionisme et antisémitisme ne sauraient en aucun cas être confondus et pas même rapprochés (par exemple : P. PICCININ, Antisémitisme et antisionisme : les confusions et tabous de l’Occident, L’Orient – Le Jour, 1er octobre 2010).

Mais ceux qui nous attaquent aujourd’hui et essaient de nous accrocher l’étiquette « antisémite » dans le dos n’en ont cure : leur objectif n’est pas de lutter contre le racisme, contre l’antisémitisme, mais de ruiner la réputation des intellectuels qui osent dénoncer trop haut les agissements de l’État d’Israël.

Dans le climat détestable qui règne dans notre pays, en France tout autant, dans d’autres pays d’Europe aussi, concernant tout ce qui touche à la Communauté juive et à l’État d’Israël, je peux comprendre que d’aucuns tentent de se protéger en ouvrant tous les parapluies possibles, voire de se dédouaner et de donner des gages, en collaborant. Je connais ainsi les cas de collègues qui, par résignation et par peur d’être pris pour cible, refusent objectivement de travailler sur des sujets ayant trait au conflit israélo-palestinien, par crainte d’être amenés à devoir dire des choses qui leur attireraient des ennuis. Et je pense que l’attitude, décevante, du rédacteur-en-chef de LLB n’est pas d’un autre ordre.

Cependant, si les chercheurs honnêtes, pour qui la carrière n’est pas tout, les historiens, les politologues, les philosophes, les journalistes, les écrivains, si les citoyens se taisent et cautionnent ces pratiques par leur silence, c’est à des parcelles entières de leur propre liberté qu’ils acceptent de renoncer.

Si ceux qui ont osé briser ce mur de silence et en payent le prix, victimes de pressions, de menaces, d’atteinte à leur emploi ou à leur espace d’expression, à leur intégrité physique parfois, restent isolés face à ces attaques, ils seront écrasés par ce système.

En revanche, si quelques-uns, quelques-uns seulement, osent parler et commencent à dénoncer la politique sioniste et les méthodes dont elle use, s’ils montrent du doigt ceux qui se sont soumis à cette politique et y participent même activement dans le but d’en retirer des avantages ou, à tout le moins, de ne pas s’exposer, si le silence peut être rompu, chacun pourra s’exprimer librement.

En ce qui me concerne, je refuse de me laisser intimider.

Confronté à la gravité de la tournure que prennent à présent les attaques de ceux qui voudraient me réduire au silence, aux atteintes faites à ma réputation et à ma carrière professionnelle, j’ai le choix entre l’équilibre rassurant de l’homme couché ou la dignité.

Je choisis la dignité.

C’est pourquoi, premièrement, j’ai déposé un dossier de plainte pour harcèlement auprès du Procureur du Roi de Namur, à l’encontre des sites et publications sionistes impliqués, des personnes identifiées ayant pris part à ce système et contre X.

En outre, parce qu’il est grand temps que cessent ces méthodes exécrables, qu’il s’agisse du sionisme ou d’autres objets, deuxièmement, avec le soutien d’universitaires, de journalistes et de citoyens engagés, je prends l’initiative de constituer une association pour la protection des libertés et du droit à l’expression.

J’invite dès lors le monde intellectuel et tous les citoyens, en Belgique, en France, en Europe, à se mobiliser.

Pour que s’arrête la peur !

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© Cet article peut être librement reproduit, sous condition d’en mentionner la source (www.pierrepiccinin.eu).

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