Ils veulent qu’on soit « Gandhi » face à des milices néonazies.

Ne nous demandez pas de condamner nos enfants quand ils se défendent.
Condamnez l’État qui les abandonne.
Condamnez la presse qui les trahit.
Condamnez la police qui les frappe.
Nous, on les défendra.
Toujours.
Quoi qu’il en coûte.

Ils veulent qu’on soit « Gandhi » face à des milices néonazies.
Depuis quelques heures, une image tourne en boucle : celle d’une sœur donnant à boire à un néonazi à terre. Et nombreux sont ceux qui, dans un réflexe pavlovien, la partagent avec une fierté mal placée. Comme s’il nous fallait encore prouver notre « humanité ». Comme si, après une attaque néofasciste en plein quartier populaire, notre honneur collectif devait se jouer dans une scène de pardon, de bonté, de tendresse. Comme si cette image pouvait nous absoudre de fautes que nous n’avons jamais commises.
Mais cette image, aussi belle soit-elle, masque une vérité politique. Elle participe à l’effacement. Elle invisibilise les jeunes du quartier Maritime qui se sont levés, qui ont résisté, qui ont pris des coups et en ont rendu. Des jeunes qui n’ont pas attendu que l’État les protège – parce que l’État ne protège ni les Arabes, ni les Noirs, ni les Musulman·e·s. Ils ont défendu leur rue, leur famille, leur dignité.
Pendant qu’on encense l’image d’une mère bienveillante qui tend de l’eau à son agresseur, on oublie que ses enfants étaient dans la rue, face aux néonazis, face aux molosses, face aux meutes. Et qu’ils se sont battus, parce qu’ils n’avaient pas le choix.
Ce n’est pas d’images apaisantes dont nous avons besoin. C’est de vérité politique. Et la vérité, c’est que ce dimanche, Molenbeek a subi une attaque fasciste en bande organisée. Ce n’est pas un fait divers. C’est un fait.
Ce qui s’est passé, c’est une rafle. Pas une métaphore. Une vraie. Des groupes de supporters sont venus semer la terreur, ciblant des quartiers à majorité musulmane, agressant des commerçants, frappant en bande des passants, hurlant leur haine raciale en pleine capitale. C’était une opération de terreur blanche.
Et pendant que l’État se tait, pendant que les médias floutent et dédouanent, on ose nous demander de rester polis, de faire le tri entre les “bons” et les “mauvais” jeunes, de calmer les quartiers. On ose même parler de “situation complexe”, qu’il faudrait “laisser le temps de clarifier”, comme si les images n’existaient pas, comme si les victimes n’étaient pas déjà là, visibles, reconnaissables.
Ce que nous avons vu, ce que nous avons vécu, c’est un moment colonial. Un moment de haine structurelle contre les enfants d’immigrés, contre les jeunes musulmans, contre tout un quartier qui ose encore relever la tête.
Et pendant qu’on applaudissait la sœur qui donnait à boire, ses enfants, eux, étaient sur la ligne de front. Et personne ne leur a tendu une bouteille.
Un autre réflexe pavlovien — voire suicidaire — consiste à crier en chœur : « C’est la faute à la police qui n’est pas intervenue ! » Erreur. Car ne pas intervenir, de la part de la police, n’est pas un geste neutre. Ils sont bel et bien intervenus… mais pour faire ce qu’ils savent faire de mieux : harceler, traquer, et poursuivre les jeunes du quartier.
La vraie question à poser, c’est : de combien de policiers était composé le groupe de néonazis ?
Voir dans la police l’outil de résolution de ce chaos, ou espérer qu’elle empêche ce type d’agression, revient à attendre d’un pyromane qu’il éteigne l’incendie — alors qu’il tient une bouteille d’essence à la main.
Et puisque je parle de « Gandhi » — ce Gandhi négrophobe, mais soit — rappelons au moins ce qu’il disait lui-même sur la non-violence :
« Je crois vraiment que là où il n’y a que le choix entre la lâcheté et la violence, je conseillerais la violence. (…) C’est pourquoi je préconise à ceux qui croient à la méthode de la violence d’apprendre le maniement des armes. Je préférerais que l’Inde eût recours aux armes pour défendre son honneur plutôt que de la voir, par lâcheté, devenir ou rester l’impuissant témoin de son propre déshonneur. »
Nous sommes les enfants de Molenbeek. Dignes. Insoumis. En colère. Vivants.
Nordine Saïdi
Bruxelles Panthères

« La liberté, la justice et l’égalité, par tous les moyens nécessaires ! » Malcolm X

Mouvement Citoyen Palestine


« L’égalité ou rien » Edward Said

Coupe de Belgique : 63 personnes interpellées après les affrontements à Bruxelles

Je pars de suppositions. Mais elles sont bâties sur des décennies de réalité.
Je n’ai pas accès à la liste des 63 personnes interpellées par la police bruxelloise ce dimanche 5 mai, à la suite des affrontements survenus en marge de la finale de la Coupe de Belgique. Je n’ai pas de lien direct pour avoir une information correct. Mais j’assume de supposer qu’une majorité de ces interpellés sont des jeunes, Noirs ou Arabes, habitant Bruxelles — peut-être Molenbeek. Je le suppose parce que c’est le schéma habituel. Parce que l’histoire de la gestion policière nous a appris une chose : ce sont toujours les mêmes qui paient l’addition — les Noirs et les Arabes.
Molenbeek, 5 mai 2025 : 63 interpellations. Zéro nazi arrêté ?
La presse belge, fidèle à ses réflexes les plus ancrés, titre : « 63 personnes interpellées après les violences à Bruxelles ». Aucune mention des causes. Aucune contextualisation. Aucun mot sur le caractère néonazi de l’agression initiale. Rien sur la terreur blanche méthodiquement organisée dans les rues de la capitale.
Comme trop souvent, la fausse neutralité médiatique agit comme écran de fumée idéologique : on parle de « violences », sans jamais qualifier l’attaque raciste d’un quartier populaire. On invisibilise les agressions fascistes, et on exhibe les réactions de défense comme si elles étaient le mal initial.
Mais nous refusons ce flou stratégique. Nous affirmons une chose claire et nette : ce dimanche, des jeunes bruxellois — Arabes, Noirs, musulmans — ont fait face à une meute raciste. Ils ont fait ce que l’État ne fera jamais pour eux : ils ont protégé leur quartier, leurs proches, leur dignité. Et pour cela, ce sont eux qu’on interpelle. Pas les agresseurs.
Alors que la police se félicite des 63 arrestations, nous posons les seules questions politiques valables :
Qui sont les 63 personnes interpellées ?
Combien sont des jeunes Noirs ou Arabes de Molenbeek ou d’autres communes populaires bruxelloises ?
Combien de néonazis ont été arrêtés ? Pourquoi aucun ne l’a été ?
Pourquoi la même police qui harcèle des manifestant·e·s pro-palestiniens pacifiques dans le centre-ville n’a-t-elle pas stoppé une bande d’extrême droite venue semer la terreur ?
A-t-on procédé à des arrestations hors de Bruxelles, à la sortie du train ou sur les lieux d’embarquement ? Si non, pourquoi ?
À celles et ceux qui, ces dernières heures, se disent « indignés », qui écrivent leur solidarité avec les jeunes de Molenbeek sur les réseaux sociaux : le moment est venu de faire plus que des stories.
Il faut maintenant agir politiquement et exiger publiquement :
L’acquittement pur et simple de tous les jeunes interpellés pour avoir défendu leur quartier.
La reconnaissance pleine et entière du droit à l’autodéfense face à une agression fasciste.
La transparence totale sur les interpellations : leur base, leur déroulement, leur profilage racial.
L’arrestation des véritables fauteurs de violence : les milices néonazies.
On peut me reprocher de parler à partir de suppositions. Peut-être. Mais dans un État où les corps racialisés sont systématiquement criminalisés, supposer devient parfois la seule manière de refuser le récit imposé.
Et ici, il ne s’agit pas d’imaginer un scénario. Il s’agit de reconnaître une répétition historique. On ne lit pas un fait divers, on relit une archive coloniale : encore une fois, les enfants des quartiers populaires sont punis pour ne pas avoir tendu l’autre joue.
La perche est tendue. Aux élu·e·s, aux figures politiques, aux organisations progressistes : prouvez que vous êtes plus que des statuts Facebook. Jamal Ikazban Ahmed El Khannouss Dirk De Block Fouad Ahidar Zoubida Jellab Ahmed Laaouej Montrez que votre indignation est politique, pas opportuniste. Que vous êtes prêt·e·s à affronter, non seulement les fascistes dans la rue, mais l’État qui les tolère, les couvre, et les accompagne.
Parce que si les jeunes de Molenbeek ont été interpellés, c’est précisément parce qu’ils ont refusé l’humiliation. Et ce refus, c’est notre honneur à toutes et à tous.

Nordine Saïdi

Bruxelles Panthères
« La liberté, la justice et l’égalité, par tous les moyens nécessaires ! » Malcolm X

Mouvement Citoyen Palestine


« L’égalité ou rien » Edward Said

Les jeunes n’ont pas “réagi”, ils ont résisté à une offensive raciste légitimée par l’État.

Molenbeek s’est défendue — parce que personne ne le fera à sa place.

Il est peut-être encore « trop tôt » pour certains politiciens ou analystes pour se prononcer. Il est peut-être encore, selon eux, nécessaire d’« attendre les résultats de l’enquête ». Mais pour celles et ceux qui vivent à Bruxelles, à Molenbeek, pour les habitants du quartier Maritime, pour les commerçants, pour la jeunesse marocaine, pour les musulman·e·s visé·e·s, ce qui s’est passé ce dimanche 4 mai 2025 est clair. Il ne s’agit pas d’un simple « débordement de supporters » ou de « tensions post-match ». Ce que nous avons vu, ce sont des rafles racistes menées par des groupes organisés de néonazis, en plein cœur de Bruxelles, à Molenbeek.
Pas besoin d’attendre 24 heures pour nommer l’évidence : c’était une expédition punitive. Une opération ciblée, planifiée, contre une population perçue comme ennemie, étrangère, indésirable.
Ce qu’on appelle aujourd’hui des « supporters du FC Bruges » ont parcouru les rues de Molenbeek sans encadrement policier, sans dispositif de prévention, sans le moindre contrôle. Comment se fait-il qu’un groupe si massivement mobilisé ait pu entrer dans une commune à majorité musulmane, racialement stigmatisée, déjà sous surveillance constante, sans le moindre encadrement ? La réponse est politique. Ce n’est pas un oubli. Ce n’est pas une défaillance. C’est une complicité structurelle.
Ces dernières années, Molenbeek a été criminalisée, essentialisée, caricaturée comme un foyer du mal. Depuis les attentats de Paris et Bruxelles, les discours sécuritaires ont construit ce quartier comme un « territoire à reconquérir ». Et dans ce contexte, permettre à des hooligans identitaires et suprémacistes blancs de s’y déchaîner sans contrôle, ce n’est pas une anomalie : c’est une continuation. Une logique coloniale d’expédition punitive menée par procuration.
Des commerçants ont été violemment agressés. Du mobilier urbain a été détruit. Des passants isolés ont été attaqués. Les témoignages sont accablants et convergents : les néonazis cherchaient à provoquer, agresser, humilier. Et tout cela s’est fait dans un climat d’impunité, sous le regard d’un État qui ferme les yeux, voire, ouvre la voie.
Les médias et la fabrication de l’ennemi.
Il faut s’attendre dans les heures qui viennent à une offensive médiatique inversée : ce ne sont pas les néonazis qui seront mis au centre du récit, mais les jeunes marocains qui auront osé riposter, se défendre, résister. On parlera de « vengeance », de « violences communautaires », de « chaos urbain ». On pointera la jeunesse marocaine de Molenbeek comme l’origine du désordre.
Ce récit-là est déjà prêt. Il a déjà servi.
Comme lors des affrontements entre jeunes marocains et hooligans israéliens pendant Ajax – Maccabi, ou comme lors des révoltes urbaines qui ont suivi des violences policières, le projecteur sera braqué non pas sur les agresseurs, mais sur la résistance populaire. Les chaînes d’info recycleront les images de jeunes en capuches, en les extrayant de leur contexte. Les politicien·ne·s de droite – et d’extrême-droite – dénonceront « l’échec de l’intégration », « la culture de l’excuse », « les zones de non-droit ». Et la boucle sera bouclée.
Une répétition du silence d’État : après l’assassinat d’Aboubakar Cissé
Ce qui s’est passé aujourd’hui est dans la droite ligne de l’assassinat d’Aboubakar Cissé, ce jeune musulman tué en pleine prière dans une mosquée en France il y a quelques jours. Là aussi : silence d’État. Silence médiatique. Et comme d’habitude, c’est dans le silence que le racisme tue.
Ces meurtres, ces attaques, ces rafles, ne sont pas des anomalies. Ce sont des expressions logiques et concrètes de la suprématie blanche européenne. Ce sont les prolongements de politiques racistes, d’infrastructures répressives, d’un apartheid qui ne dit pas son nom mais qui organise le territoire, les discours, les affects.
Une jeunesse qui résiste.
Face à cette violence, une partie de la jeunesse marocaine de Molenbeek a résisté. Elle ne l’a pas fait par plaisir. Elle ne l’a pas fait par goût de la violence. Elle l’a fait parce que l’État ne la protège pas. Elle l’a fait parce que la police n’était pas là pour repousser les agresseurs, mais pour encadrer les agressés. Elle l’a fait parce que dans ces moments-là, résister, c’est survivre.
C’était une résistance politique. Une défense populaire. Une levée spontanée contre une attaque ciblée. Une communauté s’est dressée, non pas contre des supporters de football, mais contre l’extrême-droite, contre la terreur raciste, contre la lâcheté des institutions.
Contre la violence, oui. Mais surtout contre le racisme.
Bien sûr, nous déplorons toutes les violences. Personne ne se réjouit de scènes de chaos dans les rues. Mais toutes les violences ne se valent pas. Il y a une différence fondamentale entre l’agression raciste et la riposte antifasciste. Il y a une différence entre semer la peur, et défendre les siens. Mettre tout sur le même plan, c’est nier les rapports de pouvoir. C’est blanchir les agresseurs.
Ce qui s’est passé à Molenbeek n’est que le symptôme d’un système raciste européen, qui laisse proliférer les groupuscules néonazis, qui criminalise les quartiers populaires, et qui nie à une jeunesse racialisée le droit même à la légitime défense.
Solidarité active avec Molenbeek.
Nous affirmons ici notre solidarité pleine et entière avec les habitants de Molenbeek, avec la jeunesse qui a résisté, avec les familles musulmanes qui ont eu peur. Nous refusons le récit qui va inverser les rôles. Nous refusons le silence sur les causes. Nous refusons la criminalisation de la dignité.
Il est temps de dire haut et fort : ce ne sont pas des supporters. Ce sont des milices néonazies. Ce ne sont pas des « débordements ». Ce sont des attaques coordonnées. Ce ne sont pas des réponses disproportionnées. Ce sont des actes de résistance.
Et face à cette violence raciste, notre devoir est d’organiser la riposte politique, solidaire, antiraciste, populaire. Molenbeek ne sera pas seul.
Nordine Saïdi
Bruxelles Panthères

« La liberté, la justice et l’égalité, par tous les moyens nécessaires ! » Malcolm X

Mouvement Citoyen Palestine


« L’égalité ou rien » Edward Said
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