Un homme à scooter perd la vie après une collision avec un véhicule de police à Bruxelles

Avant tout, nous adressons nos pensées les plus sincères, nos condoléances les plus profondes à la famille, aux proches, aux ami·es de la personne retrouvée morte. Nous savons que cette mort n’est pas un accident. Elle n’est ni une fatalité, ni un fait divers. Elle est le symptôme brutal d’un système raciste, sécuritaire et inhumain, où la vie des personnes Arabes, Noires, Rroms, Migrantes, Sans-papiers, Musulmanes, est constamment mise en danger, notamment par la violence policières. Nous espérons que cette personne pourra être identifiée, que son nom, son histoire et sa dignité seront rétablis. En attendant, nous affirmons avec force notre solidarité totale, notre soutien inconditionnel à sa famille, à ses proches, à toutes celles et ceux que cette violence institutionnelle meurtrit au quotidien.

À chaque mort, ils nous disent : “Circulez, il n’y a rien à voir.”
Mais nous voyons.
Nous voyons leurs méthodes.
Nous voyons leurs collusions.
Nous voyons leurs crimes.
Et nous nommons les choses : c’est du racisme d’État.
Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas un pic. Ce n’est qu’un rouage de plus dans la machine de mort.
Mais chaque nom gravé dans nos luttes est une mèche allumée.
La rue se souviendra.
Nous, nous n’oublions pas.
Et nous ne pardonnerons pas.
Un de plus. Et ce ne sera pas le dernier.
Mais un jour, ce système rendra des comptes.
Un homme est mort cette nuit à Bruxelles.
Encore un.
Encore un corps de trop, gisant sur l’asphalte d’un quartier populaire.
Cette fois, c’était aux rues Blaes et des Capucins, dans le quartier des Marolles. Il circulait en scooter. Il est entré en collision avec un véhicule de police. Il est mort.
Et avant même que son identité ne soit révélée, nous savons déjà qu’il y a de très fortes chances qu’il soit Noir ou Arabe.
Car ce n’est pas un fait divers. C’est une constance tragique, un schéma colonial, une mécanique létale qui cible les corps racialisés, toujours dans les mêmes contextes, avec les mêmes justifications, les mêmes silences complices.
Nous savons. Parce que nous l’avons déjà entendue. Trop souvent. Trop longtemps.
Chaque fois, le scénario se répète comme un mauvais feuilleton.
D’abord, on légitime d’emblée l’intervention policière : le scooter aurait été volé.
Ce seul détail, balancé précipitamment dans la presse, semble suffire à justifier une mort.
Comme si le soupçon de vol était une condamnation à mort.
Comme si des vies Arabes, Noires, Rroms, Migrantes, Sans-papiers, Musulmanes, ne valaient pas plus qu’un deux-roues.
Ensuite, le silence radio.
Aucun test d’alcoolémie ou de dépistage toxique pour les agents impliqués.
Aucun nom de policier communiqué.
Aucune mise à pied.
Et surtout, aucune remise en question de leur version des faits.
On se prépare déjà à l’enterrement médiatique de la vérité :
“Il roulait trop vite”, “Il a refusé d’obtempérer”, “Il aurait percuté le véhicule de police”.
Le conditionnel à sens unique.
Mais nous avons la mémoire longue.
Une violence d’État raciale et normalisée.
Cette mort n’est pas une exception. Elle s’inscrit dans une liste trop longue, une hécatombe silencieuse que les quartiers n’ont jamais oubliée, même quand l’État fait mine d’amnésie :
Adil, Ouassim, Sabrina, Mawda… et les autres.
Ce n’est pas un fait divers. C’est un système de mort.
Ce n’est pas un accident. C’est une politique de harcèlement des classes populaires racisées, déguisée en maintien de l’ordre.
Adil, tué à Anderlecht en 2020, percuté par une voiture de police alors qu’il fuyait une interpellation.
Ouassim et Sabrina, tués à cause d’une technique illégale de “parchocage”, méthode interdite mais toujours utilisée par la police pour provoquer la chute de deux-roues.
Lamine Bangoura, étranglé dans sa maison à Roulers.
Mawda, fillette kurde de deux ans, tuée par balle par un policier lors d’une course-poursuite sur l’E42.
Et tant d’autres.
Dans chacun de ces cas, la justice a systématiquement protégé les agents impliqués.
Pas un seul n’a été incarcéré.
Pas un seul n’a perdu son emploi.
Certains ont même été promus.
À chaque fois, l’État belge protège ses agents.
Il déshumanise les victimes.
Il salit leur mémoire.
Il blanchit les auteurs.
Il classe les dossiers.
Il maquille les rapports.
Et il prépare la prochaine mort.
Il faut cesser de parler d’“accident”.
Il faut cesser d’enrober les faits dans le langage de la neutralité administrative.
Ce qu’il se passe à Bruxelles, ce n’est pas un dysfonctionnement du système. C’est le système lui-même.
Un système dans lequel le soupçon, la présomption de culpabilité et le danger mortel sont attachés à la couleur de peau, au nom à consonance maghrébine, à la géographie urbaine populaire.
Ce système tue.
Ce système protège ceux qui tuent.
Et ce système produit de la mort policière comme norme de gestion raciale.
Chaque fois qu’un Noir ou un Arabe est tué par la police, c’est le silence complice des institutions qui l’entoure qui permet que ça recommence.
L’État qui tue protège ceux qui tuent.
La police, bras armé de l’État, dispose d’un permis tacite de tuer, dès lors que la victime appartient aux classes racialisées.
La violence n’est pas une déviation.
Elle est la norme, la méthode, la logique du contrôle social.
Et ce contrôle est avant tout racial.
Combien de corps faut-il encore ?
Combien de familles détruites ?
À chaque fois que nous voyons passer une voiture de police dans nos quartiers, nous nous posons une question simple :
Combien d’“accidents” provoquent-ils ?
Combien de morts ont-ils sur la conscience ?
Et pourquoi aucun chiffre n’est jamais communiqué ?
La collusion structurelle des fonctionnaires : quand l’impunité est organisée
La violence policière ne fonctionne pas en vase clos.
Elle est rendue possible par une série de complicités actives et passives à chaque étage de l’appareil d’État :
Les magistrats qui classent sans suite.
Les experts médico-légaux qui blanchissent l’intervention.
Les syndicats policiers qui protègent leurs collègues coûte que coûte.
Les politiques qui se taisent ou justifient.
Les journalistes qui reprennent sans critique les versions policières.
C’est cela que nous appelons la collusion de fonctionnaires.
Une chaîne d’acteurs institutionnels — policiers, juges, bourgmestres, ministres, journalistes — qui, chacun à leur niveau, assurent la continuité de l’impunité.
Ils ne sont pas neutres.
Ils participent activement à l’invisibilisation, à la justification et à la reproduction de la violence d’État.
Dans ce cas précis, a-t-on soumis les policiers à un test d’alcoolémie ?
Ces pratiques, pourtant exigées en cas d’accident grave impliquant un citoyen ordinaire, ne sont presque jamais appliquées aux policiers.
Pourquoi ?
Parce que dans ce pays, porter un uniforme vaut certificat d’immunité.
Et être Noir ou Arabe, dans l’espace public, vaut présomption de dangerosité.
Nous faisons confiance aux quartiers, pas aux communiqués policiers
Une vidéo circule déjà :
« Ils ont tué un type, il était en scooter, il n’avait rien à voir ! Ils roulaient comme des shlags et ils l’ont tué ! »
Ce témoignage brut vaut tous les rapports.
Car nous le savons : les versions officielles sont écrites pour blanchir, mentir, et enterrer.
La police ment. Les ministres couvrent. Les procureurs classent sans suite. Et les médias dominants répercutent.
L’urbanisme policier : un apartheid au cœur de la ville
La mort survenue aux Marolles n’est pas étrangère à l’architecture raciste de la ville.
Nous assistons à une criminalisation permanente des quartiers populaires, à travers une occupation policière constante, des patrouilles agressives, et des dispositifs qui transforment l’espace public en zone de guerre.
Comme en Palestine colonisée, la logique est sécuritaire, préventive, prédatrice.
Il ne s’agit pas d’intervenir en cas de délit, mais de maintenir les populations racialisées dans un état d’humiliation et de peur.
Ce que Fanon appelait la zone du non-être, ce sont aujourd’hui nos quartiers.
Et les shérifs modernes, ce sont ces patrouilles policières qui agissent en terrain conquis, sans devoir rendre de comptes à personne.
La police n’est pas “en crise” : elle est l’instrument d’un ordre racial
Ce n’est pas “la brebis galeuse” qu’il faut dénoncer, mais la meute structurée, entraînée, légitimée.
La police en Belgique, comme dans toute démocratie occidentale, est le bras armé de la suprématie blanche.
Elle n’est pas réformable.
Elle est structurée pour :
Maintenir les hiérarchies raciales dans l’espace urbain.
Protéger la propriété, pas la vie.
Écraser les corps jugés indésirables.
Criminaliser les survivants des politiques néocoloniales.
Ce que nous exigeons, c’est la justice, une justice qui voit, qui entend, qui nomme et qui répare.
Assez d’analyses molles.
Assez de pseudo-neutralité.
Nous ne laisserons pas cette mort être effacée, dissimulée, classée sans suite. Nous exigeons la vérité, la justice, la reconnaissance pleine de la responsabilité de celles et ceux qui, par leur silence, leur violence ou leur complicité, participent à ces crimes d’État. Nous refusons l’oubli. Nous refuserons toujours de normaliser la brutalité policière, surtout quand elle cible les Arabes, Noires, Rroms, Migrantes, Sans-papiers, Musulmans.
À la famille, aux proches, aux survivant·es, nous disons : nous sommes là, à vos côtés, en deuil, en rage, en solidarité. Aucun de nous n’est en sécurité tant que les vies des nôtres peuvent être ainsi brisées. Tant que justice n’est pas rendue, notre lutte continue.

Nordine Saïdi
Bruxelles Panthères

« La liberté, la justice et l’égalité, par tous les moyens nécessaires ! » Malcolm X

Mouvement Citoyen Palestine
« L’égalité ou rien » Edward Said

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