Palestine: 10 leçons de l’invasion russe de l’Ukraine

1. Les habitants de l’Ukraine sont des “Européens aux yeux bleus et aux cheveux blonds qui se font tuer”, alors que les Palestiniens sont des Arabes, qui ont un teint plus foncé. Leçon n°1: l’empathie et la reconnaissance de la douleur et de la souffrance ont un code couleur, et la race a toujours son importance en 2022;

 

2.  En Palestine, comme en Afghanistan, en Irak, en Somalie, en Syrie, la violence est normale et la mort est intégrée à la culture, alors que l’Ukraine est une “ville européenne”, moderne, évoluée et que ce genre de choses n’est pas censé survenir dans cette région. Leçon n° 2 : l’histoire occidentale et européenne n’est qu’une longue série de gommages et d’amnésie, marquée en profondeur par une vision d’exceptionnalisme.

3. Combattre comme volontaire pour défendre l’Ukraine alors qu’on lui est étranger est un acte héroïque – c’est assurément le cas – mais se porter volontaire pour résister au colonialisme de peuplement et à l’apartheid est qualifié de “terrorisme” par les puissances occidentales. Leçon n° 3 : les Palestiniens sont diabolisés même quand ils sont auteurs d’actes héroïques.

4. Quand un soldat ukrainien se fait exploser et détruit un pont pour empêcher les Russes d’avancer il est célébré pour ce sacrifice. Leçon n° 4 : les Palestiniens sont diabolisés pour la simple raison qu’ils sont Palestiniens, et leur résistance, quelle qu’elle soit, est qualifiée de terrorisme.

5. Pour exprimer leur solidarité, les équipes et les personnalités du sport peuvent brandir un drapeau ukrainien, mettre des messages sur les panneaux électroniques et manifester leur position sur le terrain : tout cela est très positif et les sportifs doivent avoir le droit et la possibilité de le faire. Cependant, la Palestine est une exception, dès qu’il s’agit pour des sportifs connus d’exprimer leur soutien aux Palestiniens qui subissent une occupation coloniale de peuplement combinée structurellement à un système de ségrégation raciale-religieuse. Leçon n° 5 : la structure administrative du sport distribue des amendes et des sanctions (cartons rouges) à quiconque exprime un soutien à la Palestine, y compris lorsque des supporters brandissent des drapeaux palestiniens sur les gradins.

6. Les appels à l’envoi d’armes en Ukraine pour combattre l’invasion et l’occupation russes sont soutenus et présentés comme un droit fondamental pour des gens qui font face à un tel ennemi. Toute personne qui propose de soutenir les Palestiniens en envoyant du matériel militaire dans le but de renforcer la résistance est passible de sanctions pénales et même d’emprisonnement sous un chef d’inculpation flou tel que le soutien matériel. Leçon n° 6 : les Palestiniens n’ont pas le droit de se défendre mais doivent accepter d’être occupés, et la communauté mondiale s’engage à financer toutes sortes de soutien à l’occupant colonialiste de peuplement.

7. Pour l’Ukraine, les défenseurs du droit international dans le monde occidental se sont appuyés sur la  4e Convention de Genève, augmentée des définitions des crimes de guerre et de génocide, mais rien de tout cela ne s’applique à la Palestine et aux Palestiniens. Ajoutons qu’une grande partie du Sud global et du monde musulman subit le même genre de double traitement quand il s’agit de droit international et de la  4e Convention de Genève. Si vous avez un doute, demandez donc aux Afghans, aux Irakiens et aux Syriens leur opinion sur ce point, et nous pourrons en discuter. Leçon n° 7 : les Palestiniens sont contraints de vivre hors du champ du droit international pendant que le monde occidental fournit les armes et le matériel utilisés  par Israël pour violer la  4e Convention de Genève et la Convention sur le Génocide. L’invasion de l’Ukraine a rendu tout cela très clair.

8. A juste titre, les médias se sont centrés sur les victimes de l’invasion russe et des récits émouvants montrant des personnes qui prennent les armes pour défendre leur famille, leur maison, leur ville. La Palestine est toujours exposée à un traitement médiatique qui donne une place centrale, humanisée et amplifiée, au narratif de l’occupation coloniale de peuplement, tout en gommant le narratif palestinien ou en lui donnant un caractère problématique au moyen d’un euphémisme banalisé, celui de morts survenues au cours d’“affrontements”, Israël ayant le droit de se défendre ou de répondre au tir de missiles. Leçon n° 8 : on fait des Palestiniens des coupables, au motif qu’ils veulent vivre sur leur terre et qu’ils ont l’audace d’insister. Le monde occidental pratique le double traitement et endosse sa culpabilité dans la poursuite du colonialisme de peuplement en Palestine.

9. Les institutions d’enseignement du monde occidental ont affirmé leur solidarité avec l’Ukraine, là encore à juste titre dès lors qu’un peuple fait face à une invasion. En avril et mai de l’an passé, Israël a lancé une attaque massive contre les Palestiniens lors de la nuit la plus sacrée du Ramadan, la 27e  Nuit du Ramadan, après quoi a eu lieu un bombardement massif de Gaza. Quand des enseignants, des départements et des étudiants de diverses universités ont exprimé leur solidarité avec la Palestine et les Palestiniens, un défilé impressionnant de personnalités politiques, de présidents d’universités et d’acteurs des médias ont répété avec insistance que les établissements d’enseignement supérieur ne devaient pas être politisés et ont veillé à ce que leurs règles de fonctionnement empêchent l’expression de ces positions de solidarité. Leçon n° 9 : sur les campus, la Palestine se heurte toujours à des checkpoints administratifs, sionistes, colonialistes de peuplement qui se sont structurés pour empêcher la solidarité avec les Palestiniens.

10. Le mouvement en faveur du boycott, du désinvestissement et des sanctions (BDS) contre la Russie se développe à la vitesse de la lumière, souvent impulsé par les mêmes personnages qui ont prôné des lois destinées à poursuivre pénalement et à punir le mouvement BDS palestinien. Leçon n° 10 : la Palestine fait l’objet d’un double traitement constant sur le front du BDS, de la liberté d’expression et des droits constitutionnels. On ne peut trouver de preuve plus claire de ce double traitement qu’en écoutant les individus et les groupes qui sont maintenant les promoteurs résolus de mesures législatives d’autorisation du BDS envers la Russie, alors qu’ils se sont opposés au mouvement BDS palestinien.

Source : Prof. Hatem Bazian sur Medium

Traduction SM pour l’Agence média Palestine

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