Nordine Saidi est poursuivi devant le Tribunal correctionnel pour avoir envoyé deux mails aux mandataires politiques de Lessines, demandant l’annulation du cortège qu’ils appellent « la grande sortie des nègres ». Le militant anti-raciste est poursuivi pour menaces et harcèlement.
Comment une telle violation de la liberté d’expression a-t-elle été rendue possible ?
Rétroactes :
– 8 septembre 2018 :
Un article dans le journal « Vers l’Avenir » nous apprend l’existence d’un carnaval se déroulant chaque 3ème weekend de septembre dans un village de Lessines (Deux-Acrens) et qui comprend, le samedi soir, une parade dite « grande sortie des nègres ».
– 9 septembre 2018 :
Bruxelles Panthères, par l’intermédiaire de Nordine Saidi, envoie un email longuement argumenté à l’ensemble des membres du conseil communal de Lessines pour les inviter à mettre un terme à cette activité négrophobe.
– 13 septembre 2018 :
D’après ses propres dires, l’ASBL organisatrice du carnaval, à qui Bruxelles Panthères et Nordine Saidi ne se sont jamais adressés puisqu’ils ne connaissaient même pas son existence, aurait décidé d’annuler sa « grande sortie des nègres ».
Le même jour, n’ayant reçu de réponse ni du bourgmestre, ni d’aucun.e des destinataires du message du 9 septembre, Nordine Saidi, au nom de Bruxelles Panthères, a envoyé un deuxième mail. Il y disait que n’ayant reçu aucune réponse, nous allions mobiliser des citoyens pour nous rendre sur place afin de sensibiliser la population au problème du « blackface » et leur expliquer en quoi leur parade annuelle est effectivement négrophobe.
– 14 septembre 2018 :
Après plusieurs jours pendant lesquels l’ensemble des médias qui ont abordé le sujet nous ont accusés de menaces contre le carnaval, sans jamais prendre contact avec nous pour s’enquérir de notre version de l’histoire, le porte-parole du collectif est invité en studio pour le journal de Bel-RTL de 18h en présence de Patrick Charlier, directeur d’UNIA et avec le président de l’ASBL organisatrice de la parade négrophobe par téléphone. Questionné en direct par le journaliste, il répond très clairement et sans aucune ambiguïté qu’il n’y a évidemment aucune menace dans les messages envoyés au bourgmestre et au conseil communal et que notre seul objectif était d’ouvrir la discussion pour expliquer en quoi la « sortie des nègres » est une activité négrophobe et raciste et qu’elle doit donc cesser d’être pratiquée.
– 15 septembre 2018 :
Comme annoncé par les organisateurs, la parade n’a pas lieu.
– Juin 2019 :
9 mois après l’envoi des emails, plainte est déposée, avec constitution de partie civile, contre Nordine Saidi et Bruxelles Panthères pour « menaces » et « harcèlement ». Nordine est convoqué et entendu par la police. Il répète la même chose que ce que nous avions toujours écrit et dit jusque-là. Ayant écrit au Bourgmestre, et tenant compte du fait que les policiers l’ont mentionné pendant l’audition, nous pensions que la plainte émanait de lui. Nous apprendrons bien plus tard que le bourgmestre socialiste de Lessines n’a en fait été entendu que comme témoin.
– Juillet 2019 :
« Notélé » annonce qu’après avoir été annulée en 2018, la parade de 2019 aura bien lieu mais en étant rebaptisée : « grande sortie des diables ».
– 14 septembre 2019 :
Deux membres de Bruxelles Panthères, dont Nordine Saidi, se rendent à Lessines pour observer de visu s’il ne s’agit que d’un changement de nom ou si la parade a effectivement subi des modifications.
Ils sont rapidement entourés de 7 ou 8 policiers qui les contrôlent et les fouillent. A la fin de la fouille, l’un des policiers appelle le bourgmestre, en leur présence, pour lui demander s’ils peuvent rester et assister à la parade. Le bourgmestre donne son autorisation et le dangereux envoyeur d’emails et son comparse peuvent assister à la parade. Après quelques minutes d’observation, protégés d’une partie des villageois par les policiers, ils ont pu quitter les lieux sans dommages.
– Février 2020 :
Pascal DE HANDSCHUTTER, bourgmestre socialiste de Lessines, convoque une conférence de presse pour annoncer qu’il porte plainte pour diffamation contre Bruxelles Panthères au motif qu’il n’a pas porté plainte contre Bruxelles Panthères. On vous rappelle qu’on est à Lessines, patrie de Magritte.
Fin des rétroactes.
– 16 octobre 2020 : Audience devant la chambre du conseil.
Après deux reports (le premier dû à un premier changement d’avocat de la plaignante, le second dû au confinement du printemps 2020) Nordine Saidi et Bruxelles Panthères sont finalement effectivement auditionnés devant la chambre du conseil du tribunal de Tournai.
Nous reviendrons plus longuement, ailleurs, sur le déroulement de cette audience.
En attendant, voici déjà le résultat de celle-ci avec une petite précision sur la manière dont la décision nous a été communiquée.
A la fin de l’audience, il n’y a pas de décision. A la question « quand celle-ci tombera-t-elle? », il est répondu à notre avocate qu’elle peut appeler le tribunal dans l’après-midi pour en prendre connaissance. Dont acte. On l’informe que la décision de renvoyer, ou pas, Nordine Saidi et Bruxelles Panthères devant le tribunal correctionnel ne tombera finalement que le 27 octobre.
– 17 octobre 2020 :
Sur base de l’information erronée que nous avons reçue du tribunal et que nous lui avons transmise, le journaliste Olivier Mukuna annonce dans sa chronique hebdomadaire, consacrée au cas qui nous occupe, que la décision de la chambre du conseil de Tournai tombera le mardi 27 octobre.
Dans l’après-midi de ce même samedi 17 octobre, nous apprenons dans un article en ligne de Sudpresse que Bruxelles Panthères ne sera pas poursuivi mais que ce sera bien le cas pour Nordine Saidi.
– 19 octobre 2020 :
Appelant à nouveau le tribunal, notre avocate apprend qu’en tant qu’association de fait, puisque, comme elle l’a plaidé, la loi (et sans doute les syndicats) ne le permettant pas, Bruxelles Panthères ne sera pas poursuivie devant le tribunal correctionnel.
Ce sera par contre bel et bien le cas pour Nordine Saidi.
Du chef de « menace » et de « harcèlement ».
Vous avez bien lu. Nordine Saidi, militant antiraciste politique et décolonial devra comparaître devant un tribunal correctionnel, risquant dès lors d’être condamné à une peine de privation de liberté (autrement dit de la prison), parce qu’il a envoyé deux mails (sous forme de lettres ouvertes) à des élus politiques pour les inviter au dialogue et à mettre un terme à une activité négrophobe et donc profondément raciste.
Contact :
Mouhad Reghif
Porte-parole de Bruxelles Panthères (+ 32 475 38 79 78)
Pour nous soutenir pour les frais de justice, voici le lien Paypal :
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