Révolution transfigurée

Que se passe-t-il en territoire étranger ? Pour un territoire étranger. Je parle du pays, mais aussi de l’autre du lieu. Je parle d’une autre pratique, pas seulement celle du sens ou du concept. Je parle d’un autre temps, passé et à venir. Et du présent qui surgit sous la forme d’une occupation. L’occupation du temps. Martin Luther King, Angela Davis, Jean Genet, une voix à New-York, Cornel West, Malcom X. Plutôt afro-américain, c’est venu comme ça. Et Genet n’y dépareille pas. La « brutalité » justement, et le romantisme, un romantisme. Qui charge. Quelque chose de révolutionnaire traversant les figures.

Réalisation : Frédéric Neyrat

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10 points : Angela Davis et l’ULB

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par Le Bougnoulosophe – Vendredi 04 mai 2012

Le Bougnoulosophe est « un nom multiple », car mieux que quiconque, il sait que « je est un autre » et que l’Autre est un « je » potentiel. Pour lui, la séquence historique qu’a été la colonisation européenne est un moment charnière de l’humanité. Et il entend en tirer toutes les conséquences – toutes ! […]

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Le 14 mai 2012, l’Université Libre de Bruxelles (ULB) honorera Angela Davis (entre autres) de l’insigne de Docteur Honoris Causa. Est-ce bien raisonnable ? L’ULB est-elle légitime pour décerner ce titre à cette figure emblématique des « minorités » ? Elle, qui la décerna à Fadela Amara sept ans plus tôt, elle qui, à l’heure qu’il est, a Caroline Fourest comme référence en matière de valeurs, elle qui, aujourd’hui, procède à la mise au ban de l’Université d’un chercheur engagé et contestataire, issu des « minorités », comme l’a été Angela Davis en son temps… «S’ils viennent me prendre ce matin, ils viendront te prendre ce soir.» (Angela Davis)

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arce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui pratique cyniquement et hypocritement le mépris et le racisme de classe, qui est également, ici, le plus souvent, un mépris de « race », lieu qui réalise une étrange synthèse entre « lutte des classes » et « choc des civilisations ».

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu, le lieu-dit, où s’élabore savamment un « nouveau racisme » (l’islamophobie), qui aime à se camoufler derrière le masque de la laïcité.

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui est à l’avant-garde du discours impérialiste (Irak, Afghanistan, Palestine, bientôt l’Iran) sous le couvert de la défense des droits de l’homme.

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui ne conçoit le féminisme que comme une « question blanche », suivant le prisme de l’homme blanc, un lieu dans lequel le mot « articulation » ne signifie rien, un lieu qui, par ailleurs, a confisqué « l’universel », ou ce qu’il en reste, pour ses intérêts privés.

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui est une tour d’ivoire arrogante qui trône et méprise son hinterland sociologique fait d’enfants de la classe ouvrière métissée, un lieu qui, comme un camp retranché, s’honore et se félicite de la rupture radicale – qui est un écho à la distinction « nous » /« eux », « civilisation » /« barbarie »…-, qu’il a installé entre lui et les habitants de l‘inner-city.

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui disqualifie et entrave la constitution d’un savoir des « minorités sur les minorités », un lieu où n’existe ni histoire impartiale de l’Afrique (que ce soit du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne), ni une histoire de la colonisation, ni une histoire sérieuse des divers immigrations, ni postcolonial studies, ni black studies, ni même cultural studies.

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui pratique la marchandisation du savoir, un lieu où nous savons pertinemment qu’elle ne sera perçue que comme un logo ou comme une marque, dont on espère un retour sur investissement, un lieu qui disqualifie et délégitime la constitution de tout savoir alternatif ou « minoritaire ».

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davisnous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu qui empêche les articulations et les collaborations fructueuses, notamment celles entre militants (d’où qu’ils viennent) et monde académique, un lieu qui bride toute convergence des luttes, un lieu qui des ponts fait des murs

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer à un lieu où la liberté d’expression et la libre pensée ne sont que des slogans vides de sens, un lieu où règne une censure sournoise, tout particulièrement envers les minorités et leurs centres d’intérêt.

 

Parce que nous aimons véritablement Angela Davis, nous ne souhaitons pas la voir associer un haut lieux de la chasse aux sorcières et des cabales maccarthystes qu’est devenu l’ULB, un lieu qui a opéré aujourd’hui, à l’évidence, une dérive autoritaire.

 

En réalité, ce qui se joue ici, c’est une véritable opération de récupération de la part de l’ULB qui vise à tirer profit de l’aura de respectabilité, d’intégrité et de radicalité de la brillante intellectuelle. Et qui vise tout à la fois à disqualifier les héritiers contemporains des combats menés par Angela Davis tout au long de sa vie. Cette instrumentalisation d’Angela Davis permet d’une part de redorer le blason de l’ULB, dont la réputation est gravement entachée aujourd’hui, par cela, elle entend s’acheter une conduite à bon compte, notamment, en matière d’antiracisme. D’autre part, en s’accaparant et en cherchant à dévoyer ce symbole de la lutte et de la résistance des « minorités », cette opération de communication cherche à camoufler un virage résolument conservateur qu’a pris cette université. Enfin, par ce détournement du patrimoine des luttes « minoritaires » qu’est Angela Davis, l’ULB vise à nous affaiblir et à nous délégitimer un peu plus, nous, « minorités », qui sommes déjà les cibles privilégiées d’une société dominante qui vacille…

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