Appel urgent du parti Egalité contre la guerre au Mali

http://77.img.v4.skyrock.net/0727/74020727/pics/2906834015_1.jpg
Appel urgent du parti Egalité contre la guerre au Mali

Après être entrée en guerre contre l’Afghanistan et la Libye, c’est maintenant au Mali que la Belgique déclare la guerre ! 

En effet, ce mardi 15 Janvier 2013, les principaux ministres du gouvernement se sont réunis en Comité ministériel restreint à propos de la situation au Mali. L’armée belge interviendra bien en appui de l’armée française dans l’agression du Mali appelé opération SERVAL, du nom de ce félin qui peut uriner jusqu’à 30 fois par heure pour marquer son territoire,  car Il s’agit bien d’une guerre de (re)colonisation des territoires.

« Le Mali qui a été une colonie française de 1892 à 1960 et se trouve au centre géographique de l’Afrique occidentale, est une région riche en ressources, qui était jadis au cœur de l’empire colonial français.

Depuis 1968, le groupe nucléaire français Areva a déjà extrait au Niger voisin 100.000 tonnes d’uranium et projette d’y ouvrir en 2014 la deuxième plus grande mine d’uranium du monde. Le gouvernement Hollande se sert de la guerre pour établir des liens étroits avec le régime algérien qui dispose d’immenses réserves de gaz naturel. Les forces françaises sont également déployées au Sénégal, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Tous ces pays sont d’anciennes colonies françaises.

La France collabore avec les Etats-Unis. La Grande-Bretagne et d’autres alliés de l’OTAN pour planifier une intervention plus vaste au Mali, et pour laquelle divers régimes fantoches d’Afrique occidentale fourniront les troupes au sol. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a confirmé que le Sénégal et le Nigeria ont déjà envoyé de l’« aide » au Mali.» [i]

Au sein du gouvernement, personne ne contredit l’opportunité d’une participation belge, comme si l’unité de la Belgique était revivifiée par le sang malien. Pour la vice-première cdH, Joëlle Milquet, l’opération serait « légitime », et « le Mali c’est pas loin ». Pour les vice-premiers ministres Open Vld et sp.a, Alexander De Croo et Johan Vande Lanotte, il faut « écouter ce que le ministre de la Défense a à dire ».

En décidant de bombarder puis d’occuper l’Afghanistan, ensuite la Libye, et maintenant le Mali, nos gouvernements (même lorsqu’ils sont démissionnaires !) ont démontré que leurs priorités sont loin d’être les nôtres.

Christine Delphy nous avertit déjà dans un article du Monde Diplomatique de Mars 2002 [ii]« La façon irresponsable dont est traité l’alibi de la « libération des femmes afghanes » illustre l’arrogance de l’Occident qui s’arroge le droit de disposer à sa guise de la vie des autres. Cela imprègne toute son attitude vis-à-vis des Afghanes, et plus généralement, l’attitude des dominants à l’égard des dominés. »

Pour Aminata Traoré,  femme politique et écrivain malienne, une intervention militaire n’a aucune légitimité. Dans une tribune intitulée « Femmes du Mali: Disons « NON ! » à la guerre par procuration » elle s’y oppose vigoureusement : « La demande de déploiement de troupes africaines au nord du Mali, transmise par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union Africaine (UA) aux Nations Unies, repose sur un diagnostic délibérément biaisé et illégitime », jugeait-elle alors. « La guerre est une violence extrême contre les populations civiles, dont les femmes », met encore en garde Aminata Traoré dans ce texte qui a été signée par plusieurs personnalités maliennes.

Mais leur appel pour trouver une sortie de crise par la voix du dialogue n’a pas été entendu et l’intervention étrangère vient d’être précipitée.

Nous rejetons par principe toute intervention étrangère de quelque nature que ce soit. En particulier de la Belgique premier exportateur européen d’ « armes à feu militaires au sens strict« ,en 2011 avec des licences accordées pour un montant de 273,345 millions, d’après une note d’analyse réalisée pour le GRIP par Jihan Seniora et intitulée « Bilan des exportations européennes d’armements en 2011« .[iii]

Déjà, dix personnes dont trois enfants sont décédées pendant les combats, rapporte Human Rights Watch, samedi 12 janvier.[iv]

ÉGALITÉ réaffirme son opposition à la participation de la Belgique à l’agression du Mali, que ce soit à travers l’engagement direct de forces ou de moyens militaires, ou par l’engagement indirect ou le soutien logistique à de quelconques opérations militaires liées à l’agression.

Dans un remarquable article daté du lundi 14 janvier 2013, « Mali, Afghanistan, les leçons oubliées », Alain Gresh pose les bonnes questions : « Peut-on s’étonner que de nombreux musulmans voient dans ces interventions une croisade contre l’islam ? Toutes, depuis 2001, ont eu lieu dans des pays musulmans— Afghanistan, Irak, Somalie, Liban, Mali, sans oublier les guerres menées à Gaza. Et au moment où l’islamophobie fait des ravages dans les sociétés occidentales.

Combien de fois nous a-t-on expliqué qu’il n’y avait pas le choix, que « nous » défendions en Afghanistan la sécurité de l’Occident : si « nous » étions battus là-bas, les combats se déplaceraient demain dans nos banlieues. Et pourtant « nous » allons partir d’Afghanistan comme si de rien n’était, sans avoir stabilisé la situation, sans même parler de démocratie. Et personne ne prétend que les conséquences en Europe seront catastrophiques. On peut remarquer, au contraire, que chacune de ces expéditions coloniales aboutit à plus d’insécurité, plus de contrôles, plus de surveillance et, par là même, à une atteinte aux libertés fondamentales. » [v]

En Belgique, comme dans le reste du monde, la guerre contre le terrorisme a été le point de départ d’une offensive sans précédent contre les libertés individuelles. Le renforcement immédiat des mesures de sécurité en France, avec le plan Vigipirate, montre que la guerre s’accompagne toujours d’une limitation des droits démocratiques et de la liberté dans les pays en guerre eux-mêmes. Tandis que les détenus de Guantanamo ou d’ailleurs ne jouissent d’aucun droit, les citoyens des pays occidentaux dont les immigrés et les musulmans sont les premières cibles, sont victimes de mesures liberticides et économiques sans précédent.[vi]

Soyons d’autre part aussi vampires qu’eux et regardons l’aspect financier de ces guerres. Le coût de la guerre en Libye pour la Belgique pèse près de 20 millions d’euros, pour la guerre en Afghanistan, «Les 626 soldats belges et les 6 avions de combat F-16 font peser sur le contribuable belge le coût de près de 110 millions d’euros rien que pour l’année 2010 ».[vii]

Et si cet argent avait été investi à créer des infrastructures, des écoles, du bien-être aussi bien dans ce monde affamé que chez nous, où les gens sont obligés de prendre le chemin de l’immigration pour survivre ?

Mais la guerre n’est-elle pas aussi utilisée justement pour redorer l’image du pouvoir et faire oublier les plans d’austérité ?

Nous en appelons à :

  • L’arrêt des bombardements et le retour immédiat des deux avions de transport C-130 « Hercules » et des deux hélicoptères Agusta A109 médicalisés mis à disposition de l’armée française au Mali.
  • L’arrêt des bombardements et le retour immédiat des militaires belges d’Afghanistan, de Libye, du Mali.
  • L’OTAN hors de Belgique, la Belgique hors de l’OTAN ! Si le gouvernement est capable de déclarer la guerre, alors il est capable de sortir le pays de l’OTAN.

 

Nordine Saïdi
Porte parole d’ÉGALITÉ
www.egalite.be

[emailpetition id= »1″]
[signaturelist id= »1″]

http://www.alterinfo.net/photo/art/default/5120910-7641680.jpg?v=1358112737

 

FEMMES DU MALI

Disons « NON ! » à la guerre par procuration

http://www.slateafrique.com/sites/default/files/imagecache/article/2012-11-20_1310/mali_aminata.jpg

Texte de l’appel

 » Le poisson se trompe s’il croit que le pêcheur est venu pour le nourrir  »
Karamoko Bamba (Mouvement Nko)

 » Nous ne voulons plus qu’on ignore que,
sous nos foulards colorés, nous ne dissimulons pas seulement, d’un geste rapide,
les serpents indomptés de nos noires ou blanches chevelures tressées, serrées, mais des idées.
«

 » L’Afrique mutilée  »
Aminata TRAORÉ et Nathalie M’DELA-MOUNIER
Editions Taama 201

Introduction
De la situation dramatique du Mali, il ressort une réalité terrible qui se vérifie dans d’autres pays en conflit : l’instrumentalisation des violences faites aux femmes pour justifier l’ingérence et les guerres de convoitise des richesses de leurs pays. Les femmes africaines doivent le savoir et le faire savoir.
Autant l’amputation du Mali des deux tiers de son territoire et l’imposition de la charia aux populations des régions occupées sont humainement inacceptables, autant l’instrumentalisation de cette situation, dont le sort réservé aux femmes, est moralement indéfendable et politiquement intolérable.
Nous avons, de ce fait, nous femmes du Mali, un rôle historique à jouer, ici et maintenant, dans la défense de nos droits humains contre trois formes de fondamentalisme : le religieux à travers l’islam radical; l’économique à travers le tout marché; le politique à travers la démocratie formelle, corrompue et corruptrice.
Nous invitons toutes celles et tous ceux qui, dans notre pays, en Afrique et ailleurs, se sentent concernés par notre libération de ces fondamentalismes à joindre leurs voix aux nôtres pour dire « Non » à la guerre par procuration qui se profile à l’horizon. Les arguments suivants justifient ce refus.

1 Le déni de démocratie

La demande de déploiement de troupes africaines au nord du Mali, transmise par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine (UA) aux Nations Unies, repose sur un diagnostic délibérément biaisé et illégitime. Il n’est fondé sur aucune concertation nationale digne de ce nom, ni au sommet, ni à la base. Ce diagnostic exclut par ailleurs la lourde responsabilité morale et politique des nations, celles qui ont violé la résolution 1973 du Conseil de Sécurité en transformant la protection de la ville libyenne de Ben Ghazi en mandat de renverser le régime de Mouammar Kadhafi et de le tuer. La coalition des séparatistes du mouvement national de libération de l’Azawad (MLNA), de Al Kaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et de ses alliés qui a vaincu une armée malienne démotivée et désorganisée doit également cette victoire militaire aux arsenaux issus du conflit libyen.
Le même Conseil de Sécurité va-t-il approuver, dans les jours à venir le plan d’intervention militaire que les Chefs d’Etat africains ont approuvé en prétendant corriger ainsi les conséquences d’une guerre injuste par une guerre tout aussi injuste ?
Marginalisée et humiliée dans la gestion de la crise « libyenne », l’Union Africaine peut-elle, doit-elle se lancer dans cette aventure au Mali sans méditer les enseignements de la chute du régime de Mouammar Kadhafi ?
Où est la cohérence dans la conduite des affaires du continent par les dirigeants africains, dont la plupart s’était opposé en vain à l’intervention de l’OTAN en Libye, lorsqu’ils s’accordent sur la nécessité d’un déploiement de forces militaires au Mali, aux conséquences incalculables.

2 L’extrême vulnérabilité des femmes dans les zones en conflit

L’international Crisis Group prévient, à juste titre, que « Dans le contexte actuel, une offensive de l’armée malienne appuyée par des forces de la CEDAEO et/ou d’autres forces a toutes les chances de provoquer davantage de victimes civiles au Nord, d’aggraver l’insécurité et les conditions économiques et sociales dans l’ensemble du pays, de radicaliser les communautés ethniques, de favoriser l’expression violente de tous les groupes extrémistes et, enfin, d’entraîner l’ensemble de la région dans un conflit multiforme sans ligne de front dans le Sahara ». (« Le Mali : Éviter l’escalade » International Crisis Group – http://www.crisisgroup.org/fr- 18 juillet 2012).
Ces conséquences revêtent une gravité particulière pour les femmes. Leur vulnérabilité qui est sur toutes les lèvres, devrait être présente dans tous les esprits lors des prises de décisions, et dissuasive quand la guerre peut être évitée. Elle peut l’être. Elle doit l’être, au Mali.
Rappelons que les cas de viols que nous déplorons dans les zones occupées du Nord de notre pays risquent de se multiplier avec le déploiement de plusieurs milliers de soldats. A ce risque, il faut ajouter celui d’une prostitution plus ou moins déguisée qui se développe généralement dans les zones de grande précarité et par conséquent les risques de propagation du VIH/SIDA. Le plan d’intervention militaire sur lequel le Conseil de Sécurité va se pencher prévoit-il des moyens de mettre réellement les femmes et les fillettes du Mali à l’abri de ce type de situation désastreuse ?
Rappelons également que sur l’ensemble du territoire les sanctions économiques imposées par la communauté internationale au peuple malien au nom du retour à un ordre constitutionnel discrédité affectent considérablement les groupes vulnérables. Les femmes du fait de la division sexuelle des tâches sont confrontées au niveau domestique à l’énorme difficulté d’approvisionnement des familles en eau, nourriture, énergie domestique, médicaments. Cette lutte quotidienne et interminable pour la survie est déjà en soi une guerre. Dans ces circonstances de précarité et de vulnérabilité des populations, et des femmes en particulier, l’option militaire en préparation est un remède qui à toutes les chances d’être pire que le mal alors qu’une alternative pacifique, émanant de la société malienne, civile, politique et militaire, sera constructive.

3 Des incohérences de la communauté internationale

Chacun des puissants représentants de la « communauté internationale » ainsi que la CEDEAO et l’Union Africaine ont prononcé des mots à propos de nos maudits maux de femmes en situation de conflit.
A tout seigneur tout honneur, le Président français, François Hollande, qui joue le rôle de chef de file dans la défense de l’option militaire, a souligné la souffrance des femmes « premières victimes des violences des guerres » (Kinshasa – Quatorzième sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie). Et pourtant, il a déclaré le 26 septembre 2012, à New York, lors de la réunion spéciale sur le Sahel, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies ce qui suit : »Je sais qu’il peut y avoir une tentation de mener des négociations. Négocier avec des groupes terroristes ? Il ne peut en être question. Toute perte de temps, tout processus qui s’éterniserait ne pourrait faire que le jeu des terroristes ».
Pourquoi la France qui retire ses soldats de l’Afghanistan estime-t-elle que le Mali et la CEDEAO doivent engager leurs troupes au sol, dans le cadre de la lutte contre le même terrorisme ? « Il faut savoir terminer une guerre », semblent dire les Présidents américains et français. « La guerre d’Afghanistan s’est prolongée au-delà de la mission initiale. Elle attise la rébellion autant qu’elle permet de la combattre. Il est temps de mettre fin en bon ordre à cette intervention et j’en prends ici l’engagement. » déclara le candidat François Hollande, dans son discours d’investiture à l’élection présidentielle.
La Secrétaire d’Etat américaine aux affaires étrangères, Hillary Clinton dont l’escale du 29 octobre 2012, à Alger, avait en partie pour objet de convaincre le Président Abdelaziz Bouteflika de rejoindre le camp de la guerre, s’était adressée aux Chefs d’Etat africains réunis à Addis-Abeba en ces termes : « En République Démocratique du Congo, la poursuite des actes de violences contre les femmes et les filles et les activités des groupes armés dans la région orientale du pays, sont pour nous une source constante de préoccupation. L’Union Africaine et les Nations Unies ne doivent épargner aucun effort en vue d’aider la RDC à réagir à ces crises sécuritaires incessantes ».
L’initiative du secrétaire des Nations Unies, Ban Kid Moon, intitulée « Unis pour mettre fin à la violence contre les femmes », lancée le 25 janvier 2008, accorde une attention particulière aux femmes de l’Afrique de l’Ouest. C’était avant les guerres en Côte d’Ivoire et en Libye qui ont largement compromis la réalisation des objectifs assignés à cette initiative. Nous comprenons sa réserve quant au déploiement militaire et espérons qu’il ne soutiendra pas le plan d’intervention des Chefs d’États de la CEDEAO. La guerre, rappelons-le, est une violence extrême contre les populations civiles, dont les femmes. Elle ne peut que nous éloigner des objectifs visés par cette initiative.
Pourquoi les puissants de ce monde qui se préoccupent tant du sort des femmes africaines ne nous disent pas la vérité sur les enjeux miniers, pétroliers et géostratégiques des guerres.
La présidente de la commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, pour sa part, souligne que « Il est crucial que les femmes contribuent à, et s’impliquent activement dans, la recherche d’une solution au conflit. Leurs voix doivent être entendues dans les efforts visant à promouvoir et à consolider la démocratie dans leur pays. A cette fin, vous pouvez, sans aucun doute, compter sur le soutien de l`Union Africaine, ainsi que sur mon engagement personnel. » (Réunion du groupe de soutien et de suivi de la situation au Mali – 19 novembre 2012)
La nomination pour la première fois d’une femme à ce poste pourrait être un facteur véritable d’émancipation politique pour les femmes et donc de libération du Continent, si Nkosazana Dlamini-Zuma accepte d’élargir la base du débat sur les femmes africaines en y intégrant les enjeux globaux qui nous sont dissimulées.

4 Notre triste statut d’otages

Le Mali est un pays à la fois agressé, humilié et pris en otage par des acteurs politiques et institutionnels qui n’ont aucun compte à nous rendre, à commencer par la CEDEAO. L’une des traductions de cette réalité est l’énorme pression exercée sur ce qui reste de l’État malien. Le Président par intérim, Dioncounda Traoré, est le premier des otages maliens. S’il a cru devoir rappeler, le 19 octobre 2012, lors de la réunion du groupe de soutien et de suivi de la situation de notre pays, qu’il n’est pas un Président pris en otage, c’est précisément parce qu’il l’est. Sinon il n’aurait pas répété à trois reprises, le 21 septembre 2012, la veille de l’anniversaire de l’indépendance de notre pays qu’il privilégie le dialogue et la concertation, et demandé aux Nations Unies, trois jours plus tard, une intervention militaire internationale immédiate. « J’ai conscience d’être le président d’un pays en guerre mais le premier choix est le dialogue et la négociation. Le deuxième choix est le dialogue et la négociation et », insiste-t-il « le troisième choix demeure le dialogue et la négociation.  Nous ferons la guerre si nous n’avons pas d’autre choix… », a-t-il déclaré dans son discours à la nation avant de changer d’avis.
Au-delà du président intérimaire, nous sommes tous des otages prisonniers d’un système économique et politique inégalitaire et injuste qui excelle dans l’art de briser les résistances à coup de chantage au financement. La suppression de l’aide extérieur se traduit cette année 2012 par un manque à gagner de 429 Milliards de francs CFA. La quasi totalité des investissements publics sont suspendus. La fermeture de nombreuses entreprises a occasionnée licenciements et chômage technique pour des dizaines de milliers de travailleurs alors que les prix des denrées alimentaires continuent de flamber. Les pertes les plus importantes sont enregistrées dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics. Le tourisme, l’artisanat, l’hôtellerie et la restauration, qui subissaient depuis 2008 les conséquences de l’inscription du Mali sur la liste des pays à risques, sont gravement affectés alors qu’ils constituaient des sources de revenus substantiels pour les régions aujourd’hui occupées, notamment celle de Tombouctou.
Référence est faite au statut d’otage non point pour dédramatiser l’épreuve insupportable des otages européens et de leurs familles mais pour rappeler l’égale gravité de la situation de tous les êtres humains piégés dans des systèmes dont ils ne sont pas personnellement responsables. La question est toutefois de savoir comment agir de telle sorte que notre pays retrouve son intégrité territoriale et la paix, et que les six Français détenus par AQMI retrouvent leurs familles sains et saufs, sans que ces libérations n’ouvrent la voie à une intervention militaire qui mettrait en péril la vie des centaines de milliers d’habitants du Nord Mali qui sont autant d’otages.

5 La guerre par procuration

Le choix de la guerre se nourrit d’une connaissance insuffisante des véritables enjeux. Jacques Attali donne à ceux qui veulent s’en saisir, une clef de lecture qui prouve s’il en était besoin que l’intervention militaire envisagée est une guerre par procuration. Selon lui, la France doit agir « … parce que cette région (le Sahel) peut devenir une base arrière de formation de terroristes et de kamikazes qui viendront s’attaquer aux intérêts occidentaux un peu partout dans la région ; et même, par de multiples moyens de passage, en Europe. Ils ne sont encore que quelques centaines ; si rien n’est fait, ils seront bientôt plusieurs milliers, venus du Pakistan, d’Indonésie et d’Amérique Latine. Et les gisements d’uranium du Niger, essentiels à la France, ne sont pas loin. » (Blog Attali. 28 mai 2012.)
La distribution des rôles entre la France, la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Europe et l’ONU est clarifiée. La CEDEAO, dont de nombreux Maliens et Africains ne comprenaient pas jusqu’ici le jeu trouble est en mission au Mali. Selon Jacques Attali, l’organisation sous régionale devait agir « pour redonner aux autorités civiles les moyens de décider, sans peur, de rétablir la sécurité, de restructurer l’appareil militaire et de faire redémarrer l’activité économique ; au Nord, pour mettre fin à cette sécession, il faudra une action militaire sur le terrain, avec un appui logistique à distance, des moyens d’observation, des drones et une capacité d’encadrement stratégique.
Qui peut faire tout cela ? Evidemment pas le gouvernement malien tout seul, qui n’a ni armes, ni autorité. Pas non plus la CEDEAO qui n’a pas les moyens militaires suffisants pour assurer l’ensemble de l’action nécessaire et qui ne peut même pas espérer en recevoir la demande du gouvernement malien, sous influence de forces incertaines. Pas non plus l’Union Africaine, en tout cas pas seule. Alors qui ? l’ONU ? l’OTAN ? La question va se poser très vite. Elle est, à présent, posée. Là encore, l’Europe devrait évidemment être unie et se mettre en situation de décider et d’agir. Elle ne l’est pas. Or, si les médiations actuelles échouent, il sera bientôt nécessaire de réfléchir à mettre en place une coalition du type de celle qui a fonctionné en Afghanistan. Avant qu’un équivalent du 11 septembre 2001 ne vienne l’imposer »(Le Blog de Jacques Attali : le 28 mai 2012)

Tout est donc clair. La guerre envisagée au Mali s’inscrirait dans le prolongement de celle de l’Afghanistan, d’où la France et les États Unis se retirent progressivement après onze années de combats et de lourdes pertes en hommes, en matériel et finance. Le Sahel étant la zone d’influence de la France, celle-ci prend la direction des affaires concernant le Mali et sous-traite la violence militaire à la CEDEAO. Ce transfert fait politiquement correct pour ne pas être accusé de colonialisme et d’impérialisme, mais aussi pour réduire le coût de la guerre et ne pas enregistrer d’autres pertes en vies humaines. Les opinions publiques occidentales tolèrent de moins en moins que leurs ressortissants meurent dans la défense de « nos » causes. Ainsi, au même titre que les tirailleurs sénégalais, les troupes africaines sont appelées à prêter main forte à la France.

6 La mondialisation des maux et des réseaux

Le radicalisme religieux n’a pas besoin, dans un tel contexte, du nord du Mali pour se répandre en Afrique de l’Ouest et dans le monde. L’économie mondialisée sur la base de l’injustice et des inégalités est une machine à broyer les économies locales, les sociétés et les cultures qui lui offrent le terreau nécessaire.
De la mer rouge à l’Atlantique, de l’Afghanistan au Nigeria, de Toulouse, où Mohamed Merah a agi et a été abattu, à Tombouctou, les enjeux sont à la fois idéologiques, civilisationnels, identitaires, mais aussi économiques, politiques et géostratégiques. Les acteurs et les forces en présence sont à peu près les mêmes, avec des variantes locales à manipuler telle que la rébellion touareg au Mali.
Par ailleurs, Afghans, Pakistanais, Algériens et autres prêcheurs ne sont pas de nouveaux venus au Mali. Ils ont fait leur apparition dans les mosquées, à partir de la décennie 90, au moment où les conséquences sociales et humaines dramatiques des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) sur l’emploi, le revenu et le lien social commençaient à se faire sentir.

7 La perspective « badenya » comme alternative à la guerre

Des femmes maliennes et africaines bien imprégnées des enjeux et des rouages mortifères de la mondialisation néolibérale n’en cautionnent pas les guerres. Aux valeurs guerrières et prédatrices de l’ordre économique dominant, nous opposons des valeurs pacifistes, qui nous réconcilient les uns avec les autres, ainsi qu’avec le reste du monde. Badenya, (enfants de la mère) est l’une de ces valeurs que nous nous devons, femmes du Mali, de cultiver d’avantage et d’opposer à la valeur masculine fadenya (les enfants du père) qui dans sa version ultralibérale autorise la course effrénée et fratricide au profit, au point de brader des entreprises publiques rentables, de céder des terres agricoles aux dominants et d’accepter la partition du territoire national.
Profondément ancré dans la perspective badenya, notre refus de la guerre plonge ses racines dans une conception de la procréation selon laquelle mettre un enfant au monde est déjà une manière de monter au front (musokele). Et trop nombreuses sont celles qui parmi nous périssent en enfantant. Nous bataillons jour après jour contre la faim, la pauvreté, la maladie, pour que chaque enfant grandisse, travaille, s’assume et assume sa part de responsabilité.
Aussi, en chaque soldat, comme en chaque rebelle et en chaque nouveau converti au djihadisme qui vont s’affronter en cas de guerre, chacune de nous reconnaît un frère, un fils, un neveu, un cousin. Hier, ils étaient en quête d’un statut social à travers l’emploi, le revenu ou alors un visa. Ce fut souvent en vain… A présent, ils ont entre leurs mains tremblantes des armes de guerre.
La lucidité et la maturité politique devront être nos armes dans ce monde sans foi ni loi. Il n’y a aucune raison que le Mali s’engage sur un terrain où la France et les États Unis d’Amérique reculent, en dépit de la puissance de feu de l’OTAN.
A l’économie de la guerre, nous femmes du Mali, opposons l’économie de la vie en faisant de la transition en cours une occasion historique de relever le triple défi du savoir, de la citoyenneté et du dialogue. Les évolutions en cours sur le terrain, dont la volonté de négociation d’Ansar Dine et du MNLA, la modification constante des rapports de force ainsi que des stratégies et des interactions entre les différents groupes présents, doivent être examinées avec l’attention nécessaire de manière, non seulement à éviter une guerre potentiellement tragique mais aussi à écarter les écueils des accords passés.
Les concertations nationales envisagées depuis des mois doivent se tenir enfin, permettant à la société malienne dans son ensemble de se retrouver et de définir elle-même les bases et les conditions d’une solution concertée (et non imposée) au conflit présent. Nous, femmes du Mali, y contribuerons pleinement, comme demain nous contribuerons à la refondation de la démocratie dans notre pays selon des valeurs de société et de culture qui nous sont familières.
Il s’agit, en somme, de crédibiliser, de renforcer la capacité d’analyse, d’anticipation et de proposition de la société malienne, civile, politique et militaire.
Nous demandons à toutes celles et à tous ceux qui partagent notre approche d’interpeller immédiatement les principaux acteurs de la communauté internationale, par écrit ou sous toutes autres formes d’expression, en plaidant pour que le Conseil de Sécurité n’adopte pas une résolution autorisant le déploiement de milliers de soldats au Mali.

Premiers signataires

  • Karamoko BAMBA,
  • Aminata BOCOUM,
  • Badji BOIRE,
  • Awa COULIBALY,
  • Fatoumata COULIBALY,
  • Safiatou COULIBALY,
  • Aminata D. TRAORE,
  • Ismael DIABATE,
  • Doumbia fanta DIALLO,
  • Kadiatou DIALLO,
  • Traore penda DIALLO,
  • Kone mama DIARRA,
  • Minata DIARRA,
  • Kadia DJIRE,
  • Aminata DOUMBIA,
  • Soungoura DOUMBIA,
  • Doumbi FAKOLY,
  • Fanta KANTE,
  • Assatou KAREMBE,
  • Oumou KEITA,
  • Oumou KODIO,
  • Awa KOÏTA,
  • Bintou KONE,
  • Kankou KONE,
  • Mariam KONE,
  • Sanogo sylvie KONE,
  • Diabate kadiatou KOUYATE,
  • Fatoumata MARIKO,
  • Nathalie M?DELA-MOUNIER,
  • Ada NANTOUMA,
  • Rokia NIARE,
  • Dicko rokia SACKO,
  • Sissoko SAFI SY,
  • Traore sarata SANOGO,
  • Traore sélikèné SIDIBE(VIEUX),
  • Clariste SOH-MOUBE,
  • Coumba SOUKO,
  • Imbo mama SY,
  • Djaba TANGARA,
  • Awa TOURE,
  • Kone mamou TOURE


Source

Spread the love

Laisser un commentaire