Nous sommes toutes des femmes voilées

Cette loi vise d’abord des femmes et doit aboutir à les exclure du monde du travail.

Nous sommes toutes des femmes voilées

Lors de son entretien télévisé du 28 mars dernier, François Hollande a déclaré prévoir une refonte législative en vue du vote d’une loi étendant le champ de l’interdiction des signes religieux dans certains lieux de travail «dès lors qu’il y a contact avec les enfants» notamment « les crèches associatives avec des financements publics ».

Une telle loi, il faut le rappeler, serait contraire à l’esprit comme à la lettre de la loi de 1905 que les prétendus défenseurs de la laïcité ne cessent de bafouer. Elle constituerait une restriction des libertés religieuses que cette loi garantit. Elle ouvre de fait la voie à l’interdiction du port du foulard musulman dans tous les établissements privés gérant un service public et peut-être même, comme on l’entend déjà évoquer, dans les universités.

On veut donc faire adopter une loi qui vise d’abord les femmes, et devrait aboutir à exclure les plus vulnérables d’entre elles du monde du travail et de l’éducation, comme si elles étaient de trop dans cette société. Une telle loi qui, sous prétexte de protéger les enfants d’on ne sait quelle contamination, veut soumettre des femmes à la domination des tenants de la purification nationale, et les réduire au chômage ou à l’invisibilité, est une loi raciste. Elle ne peut avoir pour effet que d’empêcher les femmes musulmanes de s’affirmer dans le monde du travail ainsi que dans l’espace public et politique, comme sujets et comme citoyennes et d’exprimer librement leurs convictions, comme n’importe quel-le citoyen-ne dans un pays démocratique. Contrairement à ce que déclarent tous ceux qui réclament le vote d’une telle loi, l’espace public n’est pas neutre. Il est le lieu de déploiement de la diversité des appartenances, des cultures, des coutumes, des convictions, des histoires individuelles et collectives. En cherchant à le neutraliser on nie cette diversité, et on vise à imposer à tous une culture uniformisée et totalisante. Si elle était votée, la loi annoncée par François Hollande aboutirait à abolir la liberté de conscience et d’expression garantie par nos lois et les conventions internationales, à masquer la diversité et à renoncer à un véritable vivre ensemble, qui implique de vivre et d’agir avec nos différences, et non en les occultant. Elle aurait pour conséquence un nouvel enfermement des femmes musulmanes que l’on confinerait dans leurs cuisines et dans leurs ghettos, et leur exclusion de l’espace public et du monde du travail, alors même qu’elles aspirent à s’investir pleinement dans la vie collective.

Nous femmes qui vivons en France, quelles que soient nos appartenances et nos convictions, refusons le contrôle de nos vêtements qui est une des formes classiques du contrôle sexiste de nos corps, et que le patriarcat a toujours voulu exercer sur nous. L’imposition d’un code vestimentaire quel qu’il soit, qu’il s’agisse d’interdire le port du voile ou de le rendre obligatoire, est une forme de violence, et nous la dénonçons comme telle. Notre corps nous appartient, et le choix de nos vêtements également. Nous revendiquons aussi l’accès au travail pour toutes les femmes, comme nous revendiquons l’égalité de salaire entre hommes et femmes. Nous nous opposons avec la plus grande fermeté au vote d’une loi sexiste et raciste, et nous appelons l’opinion publique à se mobiliser contre son adoption.

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We Are All Veiled Women

During his televised interview on March 28, 2013, François Hollande declared that he was planning a legislative move to pass a new law that would extend France’s legal prohibition of religious signs in workplaces « where ever there is contact with children, » notably « non-profit day care centers that benefit from State finances. »

Such a law, we need to recall, would be counter to the spirit and the letter of France’s 1905 law that those with pretensions to defending laïcité (French secularism) continually flout. Such a new law would constitute a restriction of religious freedoms that the 1905 law guarantees. It would open the way for outlawing the Muslim scarf in all private establishments that provide public service and possibly also, as we’re already hearing it suggested, in the universities.

This new legislative move, then, is about a desire to adopt a law that targets women first, and which would culminate in excluding the most vulnerable women from the workplace and education, as though they don’t even belong in this society. Such a new law would be racist for it would, under the guise of protecting children from some sort of imagined contamination, subject women to domination by proponents of national purification and reduce their conditions to unemployment or invisibility. The law could only have the effect of preventing Muslim women from affirming themselves in the workplace and in public and political space as subjects and as citizens and from freely expressing their beliefs like any other citizen in a democratic country. Contrary to what those who seek the vote of such a law declare, the public space is not neutral. It is a site of a range of diversity, belongings, cultures, customs, convictions and beliefs, and individual and collective histories. To seek to neutralize public space is to negate its diversity and to aim to impose a uniformized and totalized culture upon all subjects in it. If passed, the law announced by François Hollande would lead to the abolition of freedom of conscience and expression guaranteed by French laws and by international conventions. It would mask diversity and renounce the idea of really living together which means living and acting together with differences and not concealing them. The law’s result would be to newly confine Muslim women in their kitchens and in their ghettos, and to exclude them from the public sphere and the paid workplace, even though they aspire to become fully involved in public collective life.

We women, regardless of our affiliations, convictions and beliefs, refuse control of our clothing, for it is one of the classic forms of sexist control of our bodies and one that patriarchy has always wanted to force upon us. The imposition of any dress code whatsoever, whether it involves prohibiting the veil or making wearing it mandatory, is a form of violence and we condemn it as such. Our bodies belong to us and our choice of clothing too. We also demand access to employment for all women, just as we demand equal pay between men and women. We very strongly oppose passing such a sexist and racist law, and we urge the public to mobilize against its adoption.

Premières signataires : 

– Paola Bacchetta, Associate Professor of Gender & Women’s Studies, University of California, Berkeley – Louiza Belhamici, Collectif Féministe pour l’égalité (CFPE) – Ismahane Chouder, Formatrice en école de journalisme – Présidente du Collectif Féministes Pour l’Egalité – Sonia Dayan-Herzbrun, Sociologue, Professeure émérite à l’Université Paris Diderot – Michèle Sibony, Professeur de français

 

France :

– Alice Diop, Réalisatrice – Eleni Varikas, Philosophe, Professeure émérite à l’Université Paris 8

– Sylvie Tissot, Professeure de sciences politiques (Université Paris 8), – Rokhaya Diallo, Chroniqueuse TV, auteure – Jacqueline Lecorre, Médecin – Valentine Zuber, Historienne, Maître de conférences à Ecole Pratique des Hautes Etudes, chaire de « Sociologie des religions et de la laïcité » – Françoise Lorcerie, Chercheuse CNRS – Nawel Gafsia, Avocate – Marielle Debos, Sociologue, Maîtresse de conférences à l’Université Paris X-Nanterre – Nathalie Dollé, journaliste – Marie-Laure Bousquet, retraitée de l’Education nationale – Zahra Ali, doctorante en sociologie à l’EHESS et à l’IFPO – Anouk Guiné, Maître de Conférences, Faculté des Affaires Internationales, Université du Havre – Armelle Andro, enseignante-chercheuse, Université de Paris 1 – Nasima Moujoud, Anthropologue, Maîtresse de Conférences à l’Université Grenoble 2 – Monique Crinon, philosophe – Houria Bouteldja, Parti des Indigènes de la République (PIR) – Catherine Achin, Professeure de Sciences Politiques, Université Paris 12 – Laure Bereni, Sociologue, CNRS – Rada Ivekovic, Philosophe et indianiste – Marguerite Rollinde, Ingénieure, Université Paris 8 – Isabelle Clair, Sociologue CNRS – Cornelia Möser, Sociologue CNRS – Rosemarie Lagrave, Sociologue, Directrice d’études à l’EHESS – Lisbeth Sal, Gauche Anticapitaliste – Nicole Gabriel, Germaniste, Maître de conférences, Université Paris Diderot – Hela Yousfi, Maître de conférences, Université Paris-Dauphine – Hourya Bentouhami, Philosophe, Université Toulouse 2

– Rita Bassil-El Ramy, Écrivaine et journaliste – Hélène Jaffé , Médecin – Valérie Lowit, Ingénieur, Université Paris-Diderot – Marina Da Silva, Journaliste – Tassadit Yacine, Anthropologue, Directrice d’études à l’EHESS – Estelle Ferrarèse, Politologue, Professeur à l’Université de Strasbourg – Virginie Descoutures, Soniologue, INED – Martine Gillet, Chercheure, Institut français de Beyrouth – Karine Parrot, Professeure de droit à l’Université de Cergy Pontoise – Françoise Vibert-Guigue, Éditrice – Marie-Thérèse Atallah, Maire adjointe de Paris 14° – Joëlle Marelli, Traductrice et philosophe, Collège International de Philosophie – Micheline Ferran, Juriste – Amélie Le Renard, Sociologue, CNRS – Nacira Guénif, Sociologue, Maître de conférences à l’Université Paris 13 – Alima Boumedienne, Juriste – Samia Chala, Réalisatrice – Christine Delphy, Sociologue, CNRS – Marie-Elisabeth Handman, Anthropologue, EHESS -Elsa Dorlin, Philosophe, Professeure à l’Université Paris 8 – Evelyne Accad, Écrivaine – Catherine Samary, Economiste, Université Paris Dauphine – Dominique Fougeyrollas, Sociologue, CNRS – Geneviève Sellier, Professeure, Université Bordeaux 3 – Aurélie Damamme, Sociologue, Maître de conférences à l’Université Paris 8 – Sabrina Boussekine, Responsable d’un centre social – Stella Magliani-Belkacem, Editrice – Rojda Alac, Chercheuse en anthropologie

 

Signataires internationales :

-Angela Davis,  Professor Emeritus, History of Consciousness Program, former Director of Feminist Studies, University of California, Santa Cruz, and public intellectual -Gina Dent, Associate Professor and Chair, Feminist Studies, University of California, Santa Cruz -Amel Ben Said, médecin, Tunis – Rabab Ibrahim Abdulhadi, Associate Professor of Ethnic Studies/Race and Resistance Studies, College of Ethnic Studies, San Francisco State University – Fatima El-Tayeb, Associate Professor, Department of Literature and Ethnic Studies, UC San Diego – Norma Alarcon, Professor Emeritus, Gender and Women’s Studies and Ethnic Studies, University of California, Berkeley, USA – Amina Wadud, Visiting Professor, Starr King School for the Ministry, Graduate Theological Union, Berkeley, CA. -Pat Zavella, Professor, Latin American and Latino Studies, University of California, Santa Cruz -Grace Kyungwon Hong, Associate Professor, Department of Gender Studies and Department of Asian American Studies,  University of California, Los Angeles – Ghazala Anwar, Associate Professor of Islamic Studies, Starr King School for the Ministry, Graduate Theological Union, Berkeley, CA, USA – Dr. Ewa Majewska, Instytut Kultury, UJ, Kraków, Polska (Poland) – Anne Bitsch, Center for Gender Research, University of Oslo, Norway – Dina Siddiqi, Professor, Anthropology, Brac University, Bangladesh – Piya Chatterjee, Professor, Gender and Women’s Studies, Scripps College, USA – Huma Dar, Lecturer, Ethnic Studies, University of California, Berkeley, USA – Pat Hilden, Emeritus Professor, Ethnic Studies, University of California, Berkeley, USA –Sokari Ekine, UK/Nigeria – Carmen Rial, Professor, Universidade Federal de Santa Catarina (UFSC), Florianópolis, Brazil – Sarra Kacem, étudiante, Tunisie – Noura Hasni, agricultrice, Tunisie – Amel Messaadi; commerçante; Tunisie – Francirosy Campos, antropólogo, universidade de São Paulo – Inshah Malik, CCP&PT, School of International studies, JNU, India – Jane Anna Gordon, Philosopher, President of the Caribbean Philosophical

Association – Joan W. Scott, Professor of Social Science, Institute for Advanced Study Princeton, NJ USA. –Anne-Lise Francois, Associate Professor, Departments of English and Comparative Literature at the University of California, Berkeley, USA – Yolanda Cohen, Professor, Anthropology, Vice-Provost, University of California, Riverside, USA – Greta Gober, Guest Researcher, Centre for Gender Research, University of Oslo – Soniya Amin, Businesswoman, Kashmir – Roshanak Kheshti, Ethnic Studies, University of California, San Diego, USA – Sara Cassetti, San Diego, USA – Ather Zia, Department of Anthropology, University of California, Irvine, USA – Johanna Rothe, History of Consciousness and Feminist Studies, University of California, Santa Cruz, USA – Julie Michelle Klinger, Department of Geography, University of California, Berkeley, USA – Tala Khanmalek, Graduate Student, Ethnic Studies, University of California, Berkeley, USA – Juana María Rodríguez, Professor, Gender and Women’s Studies Department, University of California, Berkeley, USA – Annie Isabel Fukushima, Visiting Lecturer, American Studies, Scripps College, USA – Maylei Blackwell, Associate Professor of Chicana and Chicano Studies, University of California, Los Angeles, USA – Ashraf Zahedi, Visiting Scholar at Center for Middle East Studies, University of California, Santa Barbara, USA. – Laura Fantone, Lecturer, Gender and Women’s Studies, University of California, Berkeley, USA – Rebecca Mary Trachsel, Bookseller and Homemaker, Switzerland – Ilaria Giglioli, graduate student, University of California, Berkeley – Kathleen S. Yep, Associate Professor, Asian American Studies, Claremont Colleges, Claremont, California, USA – Burooj Ghani, Graduate Student, Uni Göttingen, Germany – Barnita Bagchi, Department of Modern Languages at Utrecht University – Mayanthi L. Fernando, Assistant Professor of Anthropology, University of California at Santa Cruz – Joyce Zonana, Associate Professor of English at Borough of Manhattan Community, – Sholeh Shahrokhi Department of History & Anthropology, Butler University, Indianapolis, USA – Inshah Malik, CCP&PT, School of International Studies, JNU, India – Aneela Reyaz, Banking Associate, Kashmir – Gauhar Siraj, Munich Polo, Businessman, New Delhi, India. – Shaheena Parveen, Research Student, Department of Psychology, Jamia Millia Islamia, New Delhi, India.  – Farhana Jan, lawyer, Sopore, Kashmir – Tanveer Ahmad, MSW, UK – Sayani Sinha Roy, Journalist, New Delhi – Valeria Argiolas, Langues O, INALCO

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