Puisque ni Arafat, ni Abbas, ni Haniyeh ne conviennent… n’est-il pas temps de tirer les conclusions ?
Pour tout observateur attentif, rien de bien neuf dans les déclarations récentes de l’ensemble de la diplomatie occidentale à propos de la décision du président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas de ne pas se représenter aux élections prochaines, prévues début 2010. Chacun y est allé de sa petite intervention – jusqu’à Shimon Pérès ! – pour inviter l’intéressé à revoir sa position.
Là où les représentants de nos divers gouvernements ont ignoré depuis des décennies, la détérioration toujours plus grave de la situation dans les Territoires occupés par Israël et tout particulièrement à Gaza, l’empressement à soutenir de manière presque unanime et encourager Mahmoud Abbas à se représenter à ces futures élections, devrait au minimum, nous interpeller.
En effet, comment comprendre que pendant des années, nos élus et leurs médias serviles n’ont cessé de mettre en exergue la corruption endémique et généralisée de l’appareil étatique palestinien jusqu’à son sommet ; n’ont cessé d’abandonner les leaders palestiniens à leur funeste sort ; n’ont cessé d’ignorer les multiples compromis acceptés par une population étranglée ; n’ont cessé d’encourager et soutenir les initiatives israéliennes de tous genres, y compris dans le laisser-faire du Mur d’apartheid, dans l’alliance du gouvernement avec l’extrême-droite, dans le blocus assassin de la Bande de Gaza, dans l’emprisonnement de parlementaires et de mineurs, dans la non-application des résolutions des Nations-unies et le non-respect du Droit international et humanitaire, etc… et d’assister au revirement soudain de ces mêmes élus trouvant aujourd’hui toutes les qualités à Mahmoud Abbas, pour qu’il reste à la tête d’un hypothétique Etat ? Comment comprendre une telle attitude, sinon que l’homme de l’ombre, le pâle représentant des Palestiniens, celui-là même qui parfois s’accrochait au cou d’Ehud Olmert pour l’embrasser est tellement consensuel, tellement faible qu’il convient parfaitement aux interlocuteurs israéliens en premier lieu et par ricochet à tous ceux qui soutiennent activement Israël dans la poursuite de sa politique profondément injuste, hors-la-loi et criminelle ?
A l’heure où Mahmoud Abbas se dirige peut-être vers la décision politique la plus courageuse de sa carrière, c’est la panique dans les chancelleries. Perdre un tel interlocuteur s’avère sans doute perdre un allié bien utile et fort peu encombrant. La décision est même interprétée par certains comme une manœuvre tactique visant à le rendre incontournable, indispensable, quelques mois avant les élections, lui assurant ainsi la certitude d’une réélection aisée et massivement soutenue de l’extérieur. Et puis, qui donc pourrait remplacer cet évanescent papy, si peu vindicatif, si peu déterminé, si policé et si soumis aux dictats qui lui sont imposés !? A 74 ans, la retraite volontaire de celui-là même qui fut l’un des artisans des moribonds Accords d’Oslo ne semble pas recevoir l’aval de ses interlocuteurs étrangers qui n’osent imaginer devoir faire face à un nouveau candidat dont on ne connaît pas encore le nom, ni la tête, et moins encore les intentions. Diable, que nous préparent encore ces imprévisibles insoumis !?…
Or, pour la population palestinienne qui a tout enduré depuis plus de soixante ans sans percevoir la moindre lueur dans l’avènement de son Etat, ces prochaines élections ne sont-elles pas une opportunité de faire table rase de tout ce qui a manifestement échoué ? Et d’en tirer les conclusions ? Puisque rien ni personne ne semble jamais convenir aux différents gouvernements israéliens : ni Yasser Arafat qui était trop ceci, ni Mahmoud Abbas qui est trop cela, ni Ismaïl Haniyeh qui n’est ni ceci ni cela tout en même temps ; qu’ils volent, pillent, emprisonnent et massacrent toujours plus leurs voisins au fil des ans ; qu’ils refusent obstinément l’arrêt de la colonisation et par leur comportement affichent une arrogance peu commune, peut-être est-ce le moment de remettre en cause le partage-même de ce qui fut décidé sans l’avis des premiers concernés, en 1947… et de dénoncer la solution choisie par les États dits démocratiques qui leur fut imposée, la déclarant caduque et impossible à réaliser de par l’intransigeance coloniale israélienne…
Et peut-être dans la foulée conviendrait-il de rappeler que finalement, le problème des pogroms puis du génocide des juifs pendant la dernière guerre mondiale était bien un problème européen qui ne concernait pas le Proche-Orient où ils vivaient tranquilles. Problème qui dès lors, ne devrait pas trouver sa solution sur le dos des Palestiniens qui aujourd’hui continuent à payer notre ardoise ! Et de suggérer aux Européens et leurs alliés de trouver sur leurs terres, un endroit pour l’établissement de l’Etat « juif » d’Israël. Ce sera l’occasion de voir si leur détermination au soutien d’un tel État déguisé en démocratie sera toujours aussi appuyée et inconditionnelle…
Ainsi, voilà bientôt deux ans, je proposais dans La Démocratie Mensonge, une solution à la question israélo-palestinienne, sous forme de « pensées interdites » :
« (…) Si l’on regarde l’Histoire humaine, rien n’y est jamais définitif. Tout est, là également, en constante évolution. Et tout particulièrement, les frontières délimitant les limites de tel ou tel pays. Il n’est qu’à jeter un œil sur les cartes géographiques d’antan. Celles d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’hier ou d’avant hier. Et ne sont probablement pas à l’image de celles de demain. Transformées elles aussi, par la conjonction des forces qui les (re)dessinent. Et dans ce cas-là, les forces en question sont la volonté et les décisions des hommes et des femmes qui peuplent le monde et ses régions, et en modèlent, en modifient ses étendues et ses limites. Il ne faut pas remonter bien loin dans le passé pour en avoir des exemples : que ce soit en ex-URSS, en ex-Yougoslavie, en ex-Tchécoslovaquie pour ne parler que d’une Europe qui n’a de cesse de se redessiner, les récentes nouvelles frontières sont nombreuses. Et ne sont certainement pas définitives. Dans quelque temps, qu’adviendra-t-il du Kosovo, du Monténégro, de l’îlot russe de Kaliningrad enclavé en pays baltes eux-mêmes rattachés à l’Union européenne, du Kurdistan inscrit sur plusieurs pays, du Sahara occidental, ou du Tibet, … ? Bien malin qui pourrait en dessiner aujourd’hui les futures frontières.
Mais l’observation des faits scientifiques nous a appris aussi autre chose, d’essentiel : dans son évolution, l’univers a horreur du gaspillage d’énergie, étant entendu que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Pour une fois, essayons donc d’en tirer les leçons et de nous les appliquer.
Il n’y a pas si longtemps, au moment où quelques responsables juifs réclamaient une terre pour accueillir leur projet de foyer national, étaient envisagées trois éventualités : la Palestine, l’Argentine et l’Ouganda. Le choix s’est porté sur la Palestine, pour diverses raisons dont celle d’un retour à la Terre Promise… cette fadaise ! Aujourd’hui, plutôt que de continuer dans cette option qui paraît sans issue, dans cette obsession sanglante et meurtrière d’imposer les frontières du jeune État d’Israël au cœur de la Palestine historique dont les habitants n’ont jamais eu leur mot à dire sur cette décision, et d’en payer le prix le plus fort depuis 60 ans, pourquoi ne pas envisager une quatrième voie, plus économe à tout point de vue ? En outre, dans l’esprit de la « globalisation » où tout est bon à n’importe quelle entreprise pour améliorer ses marges bénéficiaires par l’entremise de la délocalisation, l’idée s’inscrit tout à fait dans l’air du temps…
De toutes les manières, plus les années passent, plus la domination d’Israël sur la région semble comptée. Depuis 1967, à l’inverse de ce qui apparaît au premier coup d’œil, l’Etat israélien a perdu une partie du terrain volé à ses voisins. Il a rétrocédé le Sinaï à l’Egypte, a quitté la majeure partie du Sud Liban, s’est retiré de Gaza, et devra tôt ou tard négocier le Golan syrien… avant d’entamer des pourparlers au sujet des nombreuses colonies implantées en Cisjordanie dont on sait que toutes sont illégales.
Son recours à une oppression féroce sur ce qui lui reste en est d’autant plus brutale : les Palestiniens en font les frais chaque jour… avant, sans doute, l’implosion de l’Etat israélien sous sa forme actuelle, condamné à disparaître par la définition même de ses statuts racistes et de ses pratiques d’apartheid impossibles à perpétuer éternellement dans un monde qui prône la « démocratie » comme modèle…
L’Algérie a résisté pendant plus de 130 ans à l’occupation française… Même dans un infernal quotidien, les Palestiniens savent avoir encore du temps devant eux… et il est fort improbable que les pays arabes voisins acceptent la disparition du 3ème lieu saint de l’Islam à Jérusalem, au seul profit du judaïsme…
Ainsi, puisqu’il est établi que les États-Unis soutiennent inconditionnellement et, envers et contre tout, le gouvernement et le peuple israéliens, pourquoi ne pas offrir à ces derniers, l’un des plus grands espaces qui soit – la superficie des USA est de 9.630.000 km² et celle d’Israël de 20.770 km², soit moins de 0,25 % du territoire américain – en leur permettant d’y édifier leur État ? Les espaces désertiques ne manquent pas dans le Sud-Ouest des USA et quelques grands déserts pourraient bien accueillir ceux qui semblent avoir un penchant atavique pour la chose.
Avec les techniques actuelles, nul doute qu’il soit possible de déménager les quelques vieilles pierres restantes du Mur des Lamentations… Et si vraiment cela ne pouvait être envisagé par crainte de dommages irréversibles au site historique, ou par respect pour ceux qui désireraient rester à Jérusalem, ainsi que pour le tourisme qui retrouverait-là son affluence d’antan, on pourrait assurément compter sur les techniciens d’Hollywood pour effectuer de parfaits décors de la Ville Sainte, plus vrais que nature ! Et pourquoi pas, envisager jusqu’à la reconstruction totale du Temple de Salomon qui trônerait alors, dans toute sa splendeur, au centre d’une nouvelle capitale, baptisée New-Jerusalem !?
Ce serait tout avantage pour les Israéliens : ils ne seraient pas trop dépaysés par l’environnement naturel ; seraient directement sous l’aile protectrice et satellitaire de leur bienfaiteur ; ne devraient plus utiliser leur argutie habituelle de peurs paranoïaques alimentées par la présence d’Arabes et de musulmans innombrables à leurs frontières ; n’auraient plus besoin d’un budget militaire exponentiel pour garantir la paix avec leurs voisins, ce qui leur permettrait de se pencher sur le problème réel de la pauvreté dans le pays ; n’auraient plus à vivre en état de stress permanent parce qu’ils seraient mieux abrités d’éventuelles attaques suicides ; pourraient se livrer sans limite à leur occupation favorite, à savoir, l’extension de leur territoire, etc… Le colossal budget militaire ainsi économisé pourrait servir à édifier très rapidement les infrastructures modernes dont ils bénéficient aujourd’hui, et pourrait en outre être consacré aux soins psychologiques indispensables pour soigner les nombreuses névroses d’une grande majorité de citoyens.
Enfin, comble de bonheur, ils seraient proches du Saint des Saints puisque le souffle divin traverse aussi le Président yankee [à l’époque du président Bush- ndlr], qui conduit désormais le monde de vision en vision… Comme on peut le voir, là également, point de dépaysement…
La région du Moyen-Orient serait finalement libérée de l’une de ses tensions majeures. La Communauté internationale serait définitivement débarrassée de l’un de ses plus épineux problèmes puisque le cas échéant, tout problème israélien deviendrait interne aux États-Unis. Là également, que d’économies d’argent et d’énergie ! Le calme reviendrait sans doute dans l’ensemble de la région. Ainsi peut-être que sur les cours pétroliers. Le nouveau Moyen-Orient ainsi reconstitué pourrait être sécurisé d’Est en Ouest et du Nord au Sud et nettoyé de tout danger nucléaire, y compris en Iran. Et les peuples libérés pourraient enfin se consacrer à l’essentiel. Ce qui au vu des dégâts à tous niveaux, éliminerait le chômage et assurerait du travail pour tous, pendant des décennies entières. Nous serions en Europe, soulagés des interventions indigestes des prétentieux de salons, politologues incompétents, journalistes verbeux, « spécialistes » pédants, etc… Et chacun de nous pourrait en définitive, consacrer son temps à autre chose.
Quand on voit les milliards engloutis, dans la conquête spatiale pour les armes sophistiquées des uns, dans la reconstruction et l’aide humanitaire sans fin des autres, sans compter les coûts indécents d’une diplomatie inopérante de tous, en termes strictement économiques, l’impact d’un tel plan serait i-ni-ma-gi-na-ble ! Au lieu d’entraîner les forces vives du pays dans leurs guerres ruineuses, les États-Unis pourraient booster leur économie de façon vertigineuse. Les places boursières s’envoleraient. Et leur image extérieure retrouverait une blancheur (presque) immaculée.
Plutôt que de renouveler sans cesse des promesses jamais tenues à propos d’un futur État palestinien, celui-ci pourrait éclore dans ses limites historiques, et la place libérée par une partie de la communauté juive permettrait d’y accueillir tous les réfugiés entassés dans les pays voisins qui, eux aussi, seraient débarrassés d’un douloureux problème à l’intérieur de leurs frontières… Tous les Israéliens, juifs ou non, qui le désirent pourraient rester en Palestine et cohabiter sereinement avec leurs compatriotes arabes, musulmans, chrétiens ou laïcs, comme c’était le cas par le passé, ainsi que dans nombre de pays de par le monde.
De son côté, le nouvel Israël pourrait négocier son rattachement comme 51ème Etat aux cinquante actuels qui forment les États-Unis d’Amérique. Il serait ainsi, enfin reconnu par toutes les Nations, y compris par les États arabes les plus réticents, dans son « droit d’exister »…
L’ensemble des anciennes Résolutions des Nations Unies seraient déclarées caduques et une nouvelle ère de réelle prospérité s’ouvrirait pour chacun. Bref, ce serait la paix pour tous, dans le meilleur des mondes… Cela s’avèrerait une véritable manne céleste, proche du miracle… Mais, quoi de plus naturel, pour le peuple élu dont les plus convaincus n’ont de cesse de répéter qu’ils sont en dialogue direct avec Dieu !? (…) »
Daniel Vanhove
18.11.09
Observateur civil – Membre du MCP (Mouvement Citoyen Palestine)
La Démocratie Mensonge – 2008 – Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire