Confinement et violences policières à Bruxelles

La presse (Belga, le Soir, RTL) n’a rapporté que ce qui dit la police. Nous avons voulu en savoir plus et avons contacté un témoin qui a bien voulu répondre à nos questions, malgré le risque que nombre d’entre les riverains des quartiers ressentent lorsqu’il faut témoigner contre des agissements de la police, surtout en cette période de pouvoirs spéciaux due au confinement.

ODP News : http://odpnews.com

Vendredi 27 Mars 2020 , A Schaerbeek, place Pavillon, il n’y a pas eu une émeute de jeunes qui refusaient le confinement. Il y a eu un contrôle manifestement abusif de la part de policiers. Ils ne respectaient absolument pas les règles de distanciation en vigueur. Ils ont malmené un jeune, ce qui a amené les passants – il y en a qui font leurs courses dans ce quartier commerçant – à réagir.

Une vidéo montre que tout le monde était parfaitement calme, alors que des dizaines de policiers sont venus et se montraient agressifs sans aucune raison.

Une pandémie et le respect du confinement ne peuvent pas justifier un tel dispositif policier.

Dans les quartiers populaires du croissant pauvre de Bruxelles, les contrôles sont source de crispation depuis très longtemps.

En cette période de confinement dû à la pandémie de Covid-19, les tensions risquent bien d’être encore plus grandes. Ici et là, on assiste déjà à une recrudescence des violences policières, à un acharnement et un défoulement sur les populations qui vivent dans ces quartiers.

Ce sont aussi dans ces quartiers où les situations sociales et matérielles des habitants rendent le confinement le moins supportable. Ce sont ces appartements trop exigus, ces enfants sans jardin, ces jeunes qui n’ont même pas une terrasse où fumer une cigarette… Et paradoxalement – ou pas – c’est dans ces quartiers-là que le non-respect des règles semble susciter les réactions les plus sévères et disproportionnées de la part des autorités.

Dans les quartiers plus riches, on voit des dizaines de joggeurs, des centaines de promeneurs de petits chiens, des milliers de cyclistes… et nettement moins de contrôles, en tout cas beaucoup moins violents.

Nous le savions déjà, mais si ça peut rassurer certains, différentes études le démontrent, les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être.

Les « Arabes » et les «Noirs» ont respectivement plus de risques d’être contrôlés que des Blancs. Une même inégalité a été observée en ce qui concerne les fouilles.

De nombreux témoignages nous décrivent la manière dont les jeunes Noirs et Arabes sont contrôlés, fouillés, palpés au pied de leur immeuble par des agents qui, le plus souvent, n’ignorent rien de leur identité. Le contrôle d’identité est ainsi une figure imposée, une épreuve récurrente que doivent surmonter au quotidien des centaines de milliers d’habitants.

Épreuve récurrente, mais à laquelle les jeunes ne s’habituent pas, ne se résignent pas. Un jour ou l’autre, on répond à l’humiliation.

Par le dispositif policier du contrôle, il s’agit de dévaloriser l’identité sociale et politique de personnes que les discriminations et les stigmatisations empêchent de pleinement faire valoir leurs droits. Ce que les jeunes contrôlés qualifient d’humiliation, de manque de respect et de défaut de reconnaissance s’ancre dans la longue histoire de relations colonialiste entre la police et les « citoyens de seconde zone ».

La violence policière dont on parle est institutionnelle et c’est quelque chose d’extrêmement effrayant. Aujourd’hui, dans les quartiers populaires les familles, les enfants mais aussi les mamans vivent dans la peur de croiser la police.

Trop souvent, le racisme est ramené à un phénomène individuel et l’impasse est faite sur le racisme institutionnel, le racisme d’Etat, celui qui vient d’en haut, celui qui est politiquement choisi par le gouvernement, qu’il s’agisse de discours dont les effets  se feront sentir sur la vie concrète des Migrants, ou bien  d’une loi qui  affectera la vie de celles qui vivent dans les quartiers populaires de Bruxelles.

Plusieurs incidents et comportements violents de policiers en intervention ont également été rapportés et il est à craindre que cette période de confinement ne soit synonyme de recrudescence des violences policières.

Des mesures courageuses ont été prises par des bourgmestres pour réquisitionner des hôtels pour les sans-abris, nous demandons que des mesures soient également prises pour permettre aux jeunes de s’aérer, sans risque de contrôle abusif. Des consignes claires doivent être données à la police : on peut sortir prendre l’air, surtout si on n’a pas de jardin.

Le récépissé est une piste à privilégier. Depuis longtemps réclamés par le monde associatif, il s’agit d’un document qui stipule la date, l’heure et la raison du contrôle. C’est une étape indispensable pour que l’arbitraire des contrôles ne soit plus la norme.

Il faut réserver les sanctions à ceux qui enfreignent le confinement volontairement avec l’intention de le faire, comme ceux qui organisent les lockdown party. Pas à ceux qui ne disposent pas d’un espace de vie assez grand que pour pouvoir y vivre confinés pendant des semaines.

Face aux mensonges des policiers lors d’interpellations ou du relais dans les média,notre témoignage est inaudible. Filmer la police est la meilleure manière de prouver leur culpabilité et faire valoir les droits des victimes.

Il faut savoir quil est parfaitement légal de filmer les forces de l’ordre en tant que citoyen et pas seulement en tant que journaliste.

 Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l’image.

Un policier effectuant une mission ne peut s’opposer à l’enregistrement d’images ou de sons: la liberté de l’information, qu’elle soit le fait d’un journaliste ou d’un simple particulier, prime le droit au respect de l’image ou de la vie privée des lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne.

Les policiers ne peuvent par conséquent interpeller les journalistes ou les particuliers effectuant des enregistrements dans des lieux publics ou ouverts au public, ni leur retirer leurs appareils ou détruire les prises de vue effectuées.

Nordine Saidi

Membre de Bruxelles Panthères

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